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J’ai pleuré de dégoût devant "Gangsterdam"
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
En entrant dans la salle, jamais je n'aurais cru possible de pleurer devant une comédie française mais la dangerosité de ce film a réussi cela.
Le 13 Mars dernier, à l'UGC Ciné Cité de Villneuve D'Ascq en région lilloise, avait lieu l'avant-première du nouveau film de Romain Lévy, "Gangsterdam". Il aurait été facile de détester le film à l'avance mais il ne faut jamais perdre espoir: Kev Adams peut se montrer convaincant au cinéma et Lévy avait créer la surprise avec sa tentative d'apporter l'humour américain de Judd Apatow avec "Radiostars". L'équipe du film passe dire bonjour cinq minutes aux fans de l'humoriste, on demande de dire du bien du film sur les réseaux sociaux et le film démarre. En entrant dans la salle, jamais je n'aurais cru possible de pleurer devant une comédie française mais la dangerosité de ce film a réussi cela. "Gangsterdam" est un film dangereux pratiquant sans scrupules la culture du viol.
Un humour douteux au sein d'un scénario médiocre
Que raconte "Gangsterdam"? L'histoire d'un étudiant en droit, Ruben, ayant les pires défauts au monde selon lui, son meilleur ami répondant au subtil nom de "Durex", et les quatre scénaristes du film: Il est timide, a "un regard de femme" et est victime du plus grand des malheurs selon la gente masculine: Il est tombé dans la "friendzone", cette théorie si ridicule où l'amitié entre un homme et une femme est une catastrophe. Afin de séduire son grand amour (joué par Manon Azem), il décide de s'affirmer en s'improvisant dealer à Amsterdam. Passons sur le côté "viriliste", présent régulièrement dans une tradition purement anachronique de la comédie française, mais parlons plus amplement de l'incroyable manque de recul du film quant à des sujets aussi sensibles que le viol ou l'homophobie.
Au milieu du film, Ruben, Durex et Nora tentent de pénétrer dans la péniche d'un dealer après s'être faits arnaquer par ce dernier. Remarquant une femme présente sur le bateau, le personnage de Durex (présenté comme raciste, homophobe, antisémite, misogyne mais aussi le meilleur ami de Ruben) demande à son acolyte s'ils comptent violer la femme. Ayant une réaction des plus normales, Ruben refuse catégoriquement alors son ami insiste lourdement, provoquant ainsi un fou rire général du public, et nous offre une distinction dont on se serait bien passé entre un "viol cool" et un "viol dur".
On pourrait trop facilement pardonner ce dialogue douteux car soulignant la personnalité déviante de Durex. Mais ce mal latent est déjà là. En rendant sympathique le personnage de Durex, on transforme des paroles irrecevables en des répliques qui feront des ravages dans les cours de récré. Mais le pire arrive à la toute fin: après une poursuite entre les héros et deux ennemis, la tension tente d'être à son comble. L'un des "héros" (joué par Hubert Koundé) menace ses ennemis avec une arme, ses amis lui demandent de ne pas céder à la violence car il vaut mieux que cela, il hésite avec crainte quand Durex sort une requête inattendue mais qui marquera le point de non-retour: une fellation forcée et filmée entre les deux méchants avec la menace de voir la vidéo lâchée en guise d'humiliation si jamais ils reviennent voir les nouveaux. En plein milieu des rires et applaudissements d'un public ne prenant pas en compte la gravité des actes commis, la larme a coulé.
Maintenant, Romain Lévy, je m'adresse à toi publiquement car il est nécessaire que tu saches que le viol est un fléau à ne surtout pas prendre à la légère
Te rends-tu compte, deux secondes, de la dangerosité de ton film? Non seulement, tu viens de banaliser au plus grand des calmes un crime effroyable à un public adolescent mais aussi des phénomènes dangereux propres à l'adolescence telles que l'homophobie ordinaire ainsi que la cyber-humiliation. As-tu oublié que la présence de Kev Adams suffisait à elle-seule pour attirer un très large public de fans? Un public qui comprendra que le viol et l'humiliation peuvent être bénéfiques en cas de besoin, un public qui pensera que l'homosexualité est quelque chose de honteux et considèrera que la xénophobie décomplexée est une valeur sûre.
Ne t'avise même pas de te défendre de l'excuse-type "c'est de l'humour noir" ou du "second degré" car ça ne suffira pas. L'humour noir, surtout pour ce type de sujet, est une arme à manier avec précaution et délicatesse. Demande à un réalisateur américain comme Todd Solondz, il te fera rendre compte que l'on peut plaisanter sur des sujets difficiles sans pour autant oublier de souligner la gravité de tels fléaux ainsi que le pathétisme des personnages. Les créateurs de "South Park" sont vus essentiellement par un jeune public mais peuvent se permettre de plaisanter sur les pires horreurs du monde pour mieux les vaincre avec un message moraliste.
Les défauts minimes de ton film tels que la direction d'acteur catastrophique ou la catégorisation auraient pu être pardonnés. Après tout, tu as eu la tentation louable de faire du cinéma d'action populaire en France. Mais impossible de faire l'impasse sur ta légèreté si dangereuse pour des sujets anxiogènes. "Gangsterdam" est une comédie dangereuse pouvant créer de sévères dommages, prends conscience de cela.