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Une histoire de la pop culture
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
L'histoire de la pop culture vient de la rue. Littérature, musique, cinéma et même séries télévisées expriment un regard critique sur la société.
La pop culture semble désormais omniprésente. Les « sensations pop » et autres « révélations pop » alimentent le buzz médiatique. Les magazines, la radio, la télévision, les ordinateurs et les iPod deviennent les supports privilégiés. Mais les origines de la pop culture restent méconnues. Ce n’est pas une simple culture populaire, c’est-à-dire appréciée par le plus grand nombre. La pop culture vient de la rue et s’oppose à ce qui vient des universités, des élites et de la bourgeoisie. La pop émerge dans les marges, et parfois dans la contestation, pour se propager vers le centre.
Le journaliste Hubert Artus décrit cette histoire dans le livre Pop Corner. Il présente également la pop culture comme une démarche originale. « Être pop, c’est aussi adopter une certaine attitude, une fureur de vivre, car fun is serious, sérieusement divertissant – l’un des mantras pop depuis les années soixante », décrit Hubert Artus. La pop culture émerge dans les années 1920. Mais c’est au cours des années 1960, avec le développement de la société de consommation, que la pop se diffuse. Cette culture perdure dans toute sa diversité. « La pop culture est plurielle, à la fois alternative et mainstream, commerciale et militante, conformiste et subversive », souligne Hubert Artus.
Pulp magazines et comics
La pop émerge avec les pulp magazines. Du roman noir à la science fiction, ces revues privilégient la qualité des histoires sur celle du papier. Des auteurs comme Ray Bradbury, Raymond Chandler, David Goodis, Dashiell Hammett commencent à écrire des feuilletons ou des romans de gare. Les histoires de détective tranchent avec le moralisme à énigme d’un Hercule Poirot. Les romans noirs s’immergent dans une véritable ambiance pour décrire le monde social et politique.
Dans Moisson rouge de Dashiell Hammett, un patron fait appel à des gangs pour casser une grève. Des personnages forts dans un climat de corruption politique et policière devient emblématique du roman noir. Dans Le faucon maltais, les flics semblent aussi pourris que les mafieux. « Le nouveau modèle de détective privé était un observateur cynique et pessimiste d’une société corrompue », observe Hubert Artus.
Les pulp magazines insistent sur les rapports de force entre personnages plutôt que sur le crime lui-même. L’action et les dialogues priment sur les longues descriptions du roman à énigme. Un regard réaliste et pessimiste sur le monde se distingue de la défense de l’ordre et de la morale. Les anti-héros permettent d’adopter le point de vue de ceux qui transgressent et subissent la loi. Le roman noir témoigne de « la montée en puissance du crime organisé, qui structurait son modèle d’organisation sur celui de l’entreprise capitaliste », selon l’expression d’Al Capone. Les ravages de l’exploitation capitaliste et la dérive mafieuse du pouvoir deviennent des thèmes de prédilection, avec la répression des luttes sociales.
Les comics mettent en scène des super-héros. Ces personnages extraordinaires sont souvent solitaires et tourmentés, comme les détectives des pulp magazines. Ils sont souvent différents, étrangers et mal considérés. Ils symbolisent les immigrés exclus par la société. Superman ou Batman reprennent les codes du roman noir. Ils naviguent dans le même univers de crise économique et de crime organisé.
Wonder Woman, personnage féminin, démontre une grande liberté de mœurs et d’action. Elle ligote les hommes et fait vaciller les structures du pouvoir traditionnel de la famille et de la société américaine. Mais, avec la censure et l’anticommunisme des années 1950, les super-héros perdent leur aspect transgressif pour devenir les rassurants protecteurs de la nation.
Musique et style pop
La musique pop se développe dans l’Angleterre des années 1960. La société britannique abrite surtout une culture bourgeoise et élitiste, incarnée par le théâtre et la musique classique. Mais la radio et la télévision permettent l’émergence d’une autre culture. La jeunesse adopte le message subversif du rock’n’roll. Les Beatles et les Rolling Stones diffusent une attitude pop. « Se démarquer du monde adulte et du sérieux de son décorum. Vouloir profiter de la vie, de la ville, faire la fête – et un doigt d’honneur à l’establishment », décrit Hubert Artus. La musique pop, à travers ses textes, fustige l’autorité, l’école, les flics, les parents. Mais cette culture portée par la jeunesse se veut alternative et n’a pas vocation à attaquer frontalement la culture traditionnelle.
Le mouvement punk s’inscrit dans la filiation de la pop culture. Les Clash incarnent la révolte et la diversité musicale du punk britannique en 1976. « Le punk londonien est plus politisé, et bigarré, que celui des Américains : il est mâtiné de reggae, de ska, de rocksteady, et bientôt de dub et de boîtes à rythmes », décrit Hubert Artus.
Le reggae s’appuie sur les percutions et les voix des esclaves noirs. Cette musique incarne la révolte africaine et des populations noires. La soul inspire également la musique pop et les R&B. Ses origines religieuses, issues du gospel, se mêlent à une tonalité sensuelle. La soul exprime également la révolte des noirs et rythme la lutte pour les droits civiques dans les années 1960. Cette musique devient « l’expression d’une solidarité noire, de la fierté d’un peuple qui souhaitait rompre avec des décennies de ségrégation, et trouvait dans ces chants le moyen idéal pour affirmer son identité et sa spiritualité », analyse Peter Guralnick.
La pop peut aussi se traduire par un style de vie. Les hipsters incarnent bien ce phénomène. Même si le hipster moderne s’inscrit davantage dans le conformisme petit bourgeois. « Il se pense rebelle, alternatif, mais le hispter moderne, parisien, londonien ou new-yorkais, participe de la récupération par le grand capital de la culture pop », observe Hubert Artus. Pourtant, le terme hipster apparaît dans les années 1940. Il désigne les amateurs de jazz et de be-bop. Des jeunes blancs qui adoptent un style afro-américain. Ce style de vie marginal refuse le conformisme et le capitalisme. « Hipsters et beatniks étaient tous des bohèmes vagabonds, amoraux, anarchisants, parfois décadents », souligne Hubert Artus.
Dans les années 1960, le mod anglais s’apparente à un dandy prolétarien. Mais le mouvement se divise. Ceux qui privilégient le look intègrent la culture hippie, branchée et underground. Les autres valorisent une culture ouvrière traditionnelle et une sous-culture des rud boys antillais. Ils deviennent des skinheads. Mais ce mouvement s’identifie au conservatisme moral et culturel du prolétariat blanc et sombre vers l’extrême droite. Des skinheads antiracistes se développent. En Angleterre, ils sont proches des trotskistes du SWP. En France, ils se rapprochent de la mouvance libertaire et du Scalp, avec des groupes comme les Béruriers noirs ou les Garçons bouchers.
Contestation et marchandisation
Dans les années 1980, Margareth Thatcher fédère la contre-culture contre sa politique conservatrice. Le punk se mêle à la pop avec les Buzzcocks. Le mouvement post-punk émerge. Des labels indépendants se créent et permettent aux groupes féminins de sortir des disques.
Le mouvement hip hop émerge dans les années 1980. Breakdance, graffiti et musique canalisent les luttes afro-américaines. Cette culture festive devient politique. Le groupe Public Enemy dénonce les inégalités sociales et raciales. Mais, progressivement, le hip hop s’intègre dans l’industrie culturelle et propose des produits standardisés. Le rap français se développe dans les « banlieues ». Des groupes comme Assassin ou NTM développent une critique sociale. Le film La Haine évoque les violences policières et la ségrégation urbaine.
Dans les années 1980, la pop culture rentre dans le rang. La musique formatée triomphe avec tout ses artistes pop. Le cinéma des années Reagan valorise la force, la virilité et le puritanisme. Mais une pop culture contestataire perdure. Le cinéma de la Blackploitation valorise la culture noire. Le détective Shaft renoue avec la culture pulp. Le cinéma de Spike Lee évoque le racisme et les problèmes sociaux dans les quartiers noirs. En France, le rock alternatif valorise une musique festive et politique. Les Béruriers noirs et la Mano negra incarnent ce courant.
La culture techno émerge en Allemagne dans les années 1980. En France, se développent des raves, des « technivals » et des « free parties ». Des zones en friches sont occupées pour danser sur de la techno.
Mais c’est le hip hop qui fait bouger la jeunesse. Cette musique accompagne le combat contre l’apartheid en Afrique du Sud. La solidarité internationale s’organise depuis les Etats-Unis. En 1992, Rodney King est tué par la police de Los Angeles. Le rap dénonce davantage la répression et les violences d’Etat. Mais le hip hop incarne les contradictions de la pop culture, entre contestation et récupération marchande.
Le continent asiatique, et surtout le Japon, alimente la pop culture. Les mangas se diffusent en Europe, dans le sillage des pulps magazines. Le cinéma se nourrit également de cette culture à travers les films de kun fu et de yakuzas. Les films de Takeschi Kitano montrent des hommes habités par le doute qui naviguent dans un univers de crime et de corruption. Les liens entre la bourgeoisie capitaliste et la délinquance en col blanc sont bien montrés.
Les séries télévisées se développent. Une histoire longue et des personnages profonds peuvent désormais apparaître à l’écran. Des séries de qualité bénéficient de scénaristes de talent. Les Soprano renouvelle le thème de la mafia pour explorer le désarroi de la petite bourgeoisie pavillonnaire. The Wire propose une réflexion réaliste sur la société urbaine. Les écrivains Richard Price, George Pelecanos et Dennis Lehane alimentent cette série qui explore la criminalité à Baltimore à la manière du roman noir. La série Games of Thrones devient culte. Elle explore les questions liées au pouvoir politique, à la hiérarchie sociale, à la guerre, à la religion, à la sexualité. Internet permet la diffusion de séries à travers la téléchargement illégal ou des plateformes comme Netflix.
Pop et politique
Hubert Artus permet de souligner les origines de la pop culture. Loin du simple produit à la mode, formaté par l’industrie culturelle, la pop s’inscrit dans une origine contestataire. Elle vient de la rue. « C’est pourquoi nous avons défendu ici une pop culture qui est un mouvement alternatif. Donc imprévisible. Par nature, jeune, rieur, ironique, militant, subversif », souligne Hubert Artus. Cette approche historique permet de montrer les caractéristiques de la culture pop, mais aussi ses évolutions.
Hubert Artus insiste de manière pertinente sur la dimension politique de la pop. Cette culture s’inscrit dans une logique de subversion et de contestation. La musique et les récits attaquent l’ordre social, les institutions patriarcales et le monde marchand. La pop porte bien souvent la colère d’une jeunesse qui refuse de s’intégrer docilement dans la société capitaliste. Les enfants d’ouvriers refusent le travail et l’usine. Les fils de bonne famille rejettent une vie de routine, avec son boulot de cadre et un quotidien programmé.
Hubert Artus évoque également le phénomène de récupération. Après l’émergence d’un phénomène nouveau, la logique marchande récupère la créativité pour imposer des produits formatés et standardisés. Mais la dérive marchande de la pop ne doit pas pour autant effacer ses origines contestataires. Les émotions peuvent également porter une critique sociale, et pas uniquement un abrutissement. Le style pop tranche avec le langage plus classique de l’indignation militante. La critique politique passe alors par le plaisir.
Mais une démarche alternativiste peut également s’enfermer dans une contre-culture repliée sur elle-même. La pop permet davantage de rejeter le monde marchand, davantage pour le fuir que pour le combattre. La culture alternative s’enferme dans sa bulle de pureté artistique déconnectée du reste de la société. Les scènes punk ou techno peuvent même valoriser l’exclusivité musicale. Le livre d’Hubert Artus montre au contraire la diversité de la pop et ses liens avec la société. Les films et la musique peuvent également renouveler l’imaginaire contestataire pour relier la critique sociale avec les plaisirs du quotidien.
Source : Hubert Artus, Pop Corner. La grande histoire de la pop culture 1920-2020,Don Quichotte, 2016
Pour aller plus loin :
Radio : La pop, entre marketing et contre-culture, émission diffusée sur France Culture le 10 janvier 2017
Radio : Entrez sans frapper : l'intégrale diffusée sur la RTBF 3 mars 2017
Radio : Coralie Luthinier, Les bagnes dans la Curiosité, émission diffusée sur RTL le 18 janvier 2017
Radio : Bernard Lehut, Les livres ont la parole, émission diffusée sur RTL le 29 janvier 2017
Radio : émissions avec Hubert Artus diffusées sur Le Mouv'
Radio : émissions avec Hubert Artus diffusées sur France Inter
Frédérique Brehaut, Hubert Artus: « La pop culture, art de la rue », publié sur le blog Lemaine livres le 7 février 2017
Baudouin Eschapasse, De quoi la "culture pop" est-elle le nom ?, publié dans le magazine Le Point le 13 février 2017
Myriam Perfetti, Enfants de la pop culture, publié dans le magazine Marianne le 22 janvier 2017
Mario Girard, Vive la pop culture !, publié sur La Presse + le 26 février 2017
Articles d'Hubert Artus publiés dans le magazine Marianne
Articles d'Hubert Artus publiés sur le site du magazine L'Express
Articles d'Hubert Artus publiés sur le site Rue 89