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A Calais: "Quand ils ont compris que l’eau n’était pas buvable, ils l’ont jetée"

immigration

Lien publiée le 12 juillet 2017

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.liberation.fr/france/2017/07/11/a-calais-quand-ils-ont-compris-que-l-eau-n-etait-pas-buvable-ils-l-ont-jetee_1583179

Selon plusieurs associations, de l'eau et de la nourriture destinées aux migrants auraient été «gazées» fin mai et début juin.

Sur la photo, les deux jerricans de plastique, portent des traînées de liquide blanc séché autour du goulot. L’Auberge des migrants, une des associations qui nourrit et accompagne les migrants à la rue à Calais a tweeté le cliché lundi dernier avec la mention suivante : «Les autorités empoisonnent l’eau des migrants à Calais avec du gaz lacrymogène. La "lutte contre les points de fixation", c’est ça». Le tweet a été partagé 1 700 fois en 24 heures.

Les autorités empoisonnent-elles les bidons d’eau des migrants de Calais au gaz lacrymogène ? Selon des associations contactées à Calais (Utopia 56, Secours Catholique, Auberge), des bidons d’eau ont été «gazés» à Calais fin mai et début juin surtout. Des faits difficiles à documenter : ils se produisent à l’abri des regards.

La photo a été prise le 25 mai par Charlotte, une bénévole de l’association Utopia 56. «Deux Afghans m’ont rapporté les bidons vides. L’un d’entre eux avait bu une gorgée, et avait été légèrement irrité. Quand ils ont compris que l’eau n’était pas buvable, ils l’ont jetée. Sur deux semaines, j’ai entendu trois témoignages similaires. Et une fois, les migrants ont vu la police le faire», raconte-t-elle. À l’époque, «ce n’était pas un cas isolé, on a eu trois à quatre témoignages en deux semaines», ajoute Lucie, d’Utopia 56. Dejen, animateur au Secours catholique et traducteur en tigrinya, une langue d’Erythrée : «En ce moment, c’est calme. Mais en mai-juin j’entendais tous les jours des témoignages sur des exilés empêchés de manger, des bidons arrosés de gaz, mais aussi les sacs de couchage. Une fois, un migrant a été aspergé de gaz sur la bouche.» Loan Torondel, de l’Auberge des migrants, qui gère le compte Twitter de l’association : «La semaine dernière, nous avons dû nettoyer un bidon qui avait été aspergé de gaz.»

Violences physiques

L’occasion de ressortir cette photo vieille de plusieurs semaines, pour contrer le discours de ministère de l’intérieur sur la lutte contre les points de fixation. «L’Etat a fait appel de la décision du tribunal administratif [qui réclame aux autorités des points d’eau, des douches et des latrines pour les quelque 600 migrants présents à Calais, ndlr], mais cela va plus loin, puisque les forces de l’ordre empoisonnent l’eau», accuse Loan Torondel. «On n’a pas la preuve que c’est une consigne, mais on constate que ça existe, et que c’est toléré.»

Des exilés ont raconté aussi que la nourriture était touchée : le 5 juin, vers 20h30, un groupe d’une cinquantaine d’Afghans s’installe autour d’un plat de pâtes. «Un camion de CRS arrive vers nous et deux CRS gazent le récipient qui contient toute la nourriture pour le groupe», raconte l’un d’eux. «Pourtant nous étions tous calmes. En voyant qu’ils gazaient, on a eu peur et on s’est enfui.» Le témoignage a été envoyé à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN), mi-juin, avec neuf autres récits rapportant des violences physiques (Libération du 15 juin 2017). Violences que le préfet du Pas-de-Calais niait à l’époque : «[Les forces de l’ordre] effectuent avec discernement et professionnalisme un travail difficile dans le respect du droit. Leur implication est reconnue par la population de Calais et par l’ensemble des responsables publics et socioprofessionnels.»

Les associations ont constaté une accalmie depuis la conférence de presse début juin sur les violences, le communiqué du Défenseur des droits Jacques Toubon, qui a dénoncé le 14 juin «des atteintes aux droits fondamentaux d’une exceptionnelle gravité», et la décision du tribunal administratif. Accalmie toute relative. «Ce qui ne s’arrête pas, ce sont les gaz lacrymogènes sur les gens», raconte Yolaine, bénévole à Salam. «En fin de semaine dernière, un homme a été imbibé de gaz. Au point qu’il avait les cheveux brûlés. J’en ai soigné cinq hier, et trois avant-hier. Ils les aspergent même quand ils dorment.»