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Raquel Garrido peut-elle atomiser l’Assemblée Nationale ?
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http://www.technikart.com/raquel-garrido-peut-elle-atomiser-lassemblee-nationale/
FÉROCE ET GÉNÉREUSE, LA PORTE-PAROLE DE LA FRANCE INSOUMISE CASSE LA BARAQUE ! ET ELLE N’EST MÊME PAS CANDIDATE AUX LÉGISLATIVES … PORTRAIT DE L’AVOCATE DE MÉLENCHON QUI PRÉPARE EN COULISSES LE PLUS GRAND BIG BANG POLITIQUE DES CINQUANTE PROCHAINES ANNÉES …
Et si la révélation de la campagne électorale, c’était elle ? Raquel Garrido, 43 ans, improbable avocate franco-chilienne et porte-parole à la Rubens de La France insoumise (FI). Avec son look de cantatrice et son bagout à la Timsit, on ne voit plus qu’elle sur les plateaux télé. Les chaînes info se l’arrachent, les militants l’adorent et sa sortie sur les revenus d’Alain Chrétien (député LR de Vesoul) et Thibault Lanxade (vice-président du Medef) en plein débat sur la baisse des salaires (dans l’émission Ça vous regarde sur LCP) est devenue un grand classique des réseaux sociaux.
« La séquence a été vue au moins 40 millions de fois », s’enflamme cette ancienne pasionaria des luttes étudiantes (qui n’est plus à un million près). La VIème République du candidat Mélenchon ? Merci Raquel ! La fin programmée de la fonction de président de la République ? Encore Raquel. La suppression du Sénat, l’interdiction des sondages électoraux, le droit de vote obligatoire, la révocation des élus à mi-mandat (par référendum) ? Toujours Raquel… La convocation d’une Assemblée constituante qui empêcherait la réélection de tout député sortant (et même celle des élus des 11 et 18 juin prochains) ? Sacrée Raquel !
ELLE S’Y VOYAIT DÉJÀ
Car le vrai projet de cette fille d’émigrés politiques persécutés par la junte de Pinochet dans les 70’s, c’est de dynamiter l’Assemblée nationale telle qu’on la connaît avec ses élus de métier et ses combines d’appareil. Au profit d’un éphémère Parlement populaire dont les membres ne feraient qu’un seul et unique mandat… « L’idée, c’est de remettre enfin le peuple aux manettes », assume l’ancienne juriste internationale formée chez Marc Blondel (feu l’ancien boss de Force ouvrière).
Le soir du premier tour des présidentielles, elle s’y voyait déjà, à la tête de cette fameuse Assemblée chamboule-tout et débarrassée des briscards du vieux système. « Avant 18 heures, les sondeurs nous assuraient que les écarts étaient si faibles qu’ils montreraient trois visages à la télé pour ne pas faire d’erreur. On y a cru jusqu’au bout ! Personne ne semblait en mesure d’estimer l’ampleur du dégagisme. » Personne et surtout pas les instituts de sondages qu’elle accuse de violer la loi en permanence… « Ils refusent de communiquer leurs taux de redressement (la tambouille interne qui permet de corriger les données brutes, ndlr), ce qui leur permet de faire ce qu’ils veulent. Comme, par exemple, flanquer la frousse à tout le monde pendant un an avec une Le Pen en tête. Et générer 45 % de votes utiles pour Emmanuel Macron au premier tour… »
LE VRAI POUVOIR
Dans les prochaines semaines, cette insoumise de la première heure – 23 ans qu’elle collabore avec Mélenchon ! – sera de toutes les émissions et les meetings pour défendre les 559 candidats du parti. À commencer par celui de la 7ème circonscription du 93 (Montreuil-Bagnolet) : un certain Alexis Corbière. L’autre porte-parole de FI, un ancien trotsko-lambertiste viré de l’Organisation communiste internationale (OCI) pour excès de rap*. Et accessoirement le père de ses trois filles, rencontré il y a 20 ans tout juste dans un congrès de l’Unef-ID à Montpellier. « S’il peut être élu avec Jean-Luc à la tête d’un groupe FI, ils vont faire chier la terre entière, se réjouit Raquel Garrido. Ils vont faire de l’Assemblée un lieu très politisé, ce sera super ! » Et pourtant, de tous les fantassins de La France insoumise, c’est justement l’une des seules à ne pas se présenter aux législatives. « J’aime le vrai pouvoir, pas le faux pouvoir », lâche l’auteure du Guide citoyen de la 6e République (Fayard). Son secret ? Pilonner la monarchie élective en conservant les mains vides aussi longtemps que possible : pas de poste, pas de salaire, (elle est bénévole), pas d’avantages… « Si j’étais élue, avec tout ce que ça comporte de petits arrangements, je ne pourrais pas faire tout ce que j’ai fait », estime l’avocate qui n’a pas pris d’affaires depuis un an. Et se débat avec les créanciers toute la journée… « Mon problème, entre deux directs sur BFM, c’est de m’occuper des enfants et d’aller pleurer au RSI. Je suis comme les gens dont on parle à la télé », ajoute Raquel Garrido, qui ne détesterait pas non plus être tête de liste aux européennes en 2019.
PAPA CHANTEUR
Le 31 mars 1975, lorsqu’elle fuit la dictature chilienne pour le Canada avec ses parents, elle a 11 mois. Son père, un proche du MIR (Movimiento de Izquierda Revolucionaria), ne doit la vie qu’à ses talents de chanteur de folk dans les geôles militaires. Aux soldats qui l’interrogent sur ses activités, il répond en interprétant les tubes américains qui passent à la radio de la prison (censés couvrir les cris des prisonniers). « J’aime l’Amérique, je ne suis pas communiste, je parle anglais », leur hurle ce partisan d’Allende la gueule en miettes entre deux reprises de Bob Dylan. Réfugiée à Toronto puis à Marly-le-Roi (Yvelines), les Garrido ne cesseront plus jamais de chanter… « La musique, on peut dire que ça a
été fondateur pour ma famille », résume l’avocate (sa sœur est une star de The Voice au Québec) qui semble puiser dans le chant une forme de rondeur plutôt rare en politique. « C’est un bazooka sur un air de merengue », corrige l’un de ses détracteurs de plateaux télé. « Elle vous démolit avec des notes de salsa dans la voix », s’amuse un autre qui n’en revient toujours pas. Au sommet d’un parti réputé pour ses coups de gueule, Raquel Garrido fait entendre une petite musique bien à elle. Un numéro de charme bien rodé où son accent québécois (sa première langue maternelle, ndlr) fait hurler de rire tout le monde, jusqu’à ses plus féroces adversaires.
« J’ai démarré la politique en étant odieuse et sectaire sur les bancs de Nanterre, se rappelle Garrido. Aujourd’hui avec Mélenchon, on n’est pas non plus des édredons de gentillesse. Mais on peut s’amuser, faire des blagues graveleuses. » Sa dernière pour la route ? Un portrait géant de Lénine dans son salon. « Depuis qu’il l’a su, Laurent Joffrin de Libé (qu’elle appelle Jules Joffrin, ndlr) me parle comme si j’étais commissaire dans l’Armée rouge. »
* Il avait publié un article sur NTM dans le journal du parti (L’Étincelle).
OLIVIER MALNUIT