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Pourquoi la gauche refuse-t-elle de reconnaître que la prostitution repose sur un racisme brutal ?

féminisme racisme

Lien publiée le 11 octobre 2017

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://christinedelphy.wordpress.com/2017/10/03/pourquoi-la-gauche-refuse-t-elle-de-reconnaitre-que-la-prostitution-repose-sur-un-racisme-brutal/

Un interviewé a admis ouvertement que s’il exploitait des Chinoises dans la prostitution, c’était pour réaliser un fantasme qu’il avait à leur sujet. « Vous pouvez aller beaucoup plus loin avec les filles orientales … »

Julie Bindel : « Un certain nombre d’acheteurs de sexe que j’ai interviewés m’ont dit qu’ils choisissent souvent des femmes particulières en se basant sur des stéréotypes racistes et colonialistes. »
Photo : Getty

Ce n’est un secret pour personne que le commerce du sexe est tissé de misogynie. La gauche libérale et d’autres soi-disant « progressistes » laissent souvent de côté leurs principes pour appuyer un commerce mondial multimilliardaire fondé sur la douleur et l’oppression des femmes et des filles. Cela n’est pas surprenant, compte tenu du sexisme généralisé de la gauche, mais les mêmes apologues restent souvent silencieux quant au fait incontestable que les femmes et les filles noires, brunes et autochtones du monde entier sont les premières achetées et vendues dans la prostitution. Au cours d’une recherche approfondie menée en préparation de mon nouvel ouvrage sur l’industrie du sexe (The Pimping of Prostitution : Abolishing the Sex Work Myth), j’ai rencontré et interviewé des femmes et des hommes qui résistent à la banalisation du racisme au sein de la prostitution.

En 2015, par exemple, j’ai rencontré Ne’cole Daniels, une Afro-américaine survivante de cette industrie et membre de l’organisation abolitionnisteSPACE International, lors d’une conférence aux États-Unis. Daniels ne laisse planer aucun doute sur le racisme sous-jacent aux systèmes de prostitution étatsuniens. « Le commerce du sexe fonctionne exactement comme le racisme, dit-elle. Ils prétendent que certaines d’entre nous valent moins que les autres. »

Pala Molisa, une universitaire d’origine Pacifica qui milite contre la violence masculine en Nouvelle-Zélande, a souvent été accusée d’être « putophobe » après avoir analysé la prostitution comme une forme d’oppression. Molisa a été menacée de perdre son emploi, elle a été la cible d’une campagne d’intimidation et de harcèlement en ligne, et a été accusée par des propagandistes du travail du sexe d’être une « bigote sexuellement réprimée ».

Molisa dit avoir appris de sa mère et d’« autres sœurs autochtones » ce qu’elle sait au sujet de la suprématie blanche et de la base coloniale de la prostitution. « Nous ne voulons pas que les hommes soient tenus seuls responsables de la réduction des femmes au statut de propriété sexuelle; nous voulons voir démantelée toute l’institution de la prostitution – qui est la base de la culture coloniale patriarcale du viol, explique Molisa. Le modèle dominant de masculinité en régime patriarcal est également façonné par les concepts de race et de classe, par le capitalisme et la suprématie blanche. »

Bridget Perrier est une militante autochtone canadienne et survivante de l’industrie du sexe. En 2015, Perrier a débattu de prostitution à la télévision britannique avec une membre (blanche) du lobby pro-prostitution, l’English Collective of Prostitutes (ECP). Perrier, qui a élevé deux enfants de femmes assassinées par Robert Pickton, s’est fait dire par la porte-parole de l’ECP qu’elle « avait du sang dans ses mains » en raison de sa campagne pour faire criminaliser les proxénètes et les acheteurs de sexe. « Cet argument n’est que de la merde colonialiste, a commenté Perrier. J’en ai ras-le-bol de me faire dire que la prostitution est bonne pour moi et pour mes sœurs autochtones, surtout quand il est aussi évident que cette condition est inférieure aux attentes des gens qui nous attaquent. »

Courtney, une autre survivante autochtone canadienne, m’a dit : « L’industrie du sexe repose sur le racisme et le colonialisme, ainsi que sur la misogynie. Pour les femmes autochtones et afro-américaines, et toutes les femmes et les filles de couleur, c’est encore une façon dont l’homme blanc prend ce qu’il veut de nos communautés, de nos cultures et de nos âmes. »

Bon nombre d’acheteurs de sexe que j’ai interviewés m’ont dit qu’ils choisissent souvent des femmes particulières en fonction de stéréotypes racistes et colonialistes. L’ethnicité elle-même est érotisée dans la prostitution. Un homme m’a dit : « J’avais en tête une liste de sélection raciale ; je les ai toutes essayées au cours des cinq dernières années, mais elles se sont révélées avoir les mêmes caractéristiques. » Un autre interviewé a ouvertement admis que son utilisation de femmes chinoises dans la prostitution visait à réaliser un fantasme qu’il entretenait à leur sujet : « Vous pouvez faire beaucoup plus avec les filles orientales, comme une fellation sans préservatif et éjaculer dans leur bouche… Je les considère comme sales. »

La publicité faite aux services sexuels capitalise souvent sur des stéréotypes racistes et colonialistes. Lors d’une rencontre avec des femmes de l’Asian Women for Equality Society, à Montréal, on m’a parlé d’une étude où l’on avait analysé 1 500 annonces de prostitution affichées en ligne. Quatre-vingt-dix pour cent d’entre elles faisaient appel à des stéréotypes racistes comme facteurs de vente : par exemple, les femmes asiatiques étaient décrites comme « soumises », « exotiques », « nouvellement immigrées », « fraîchement débarquées du bateau » et « jeunes et expérimentées ». « C’est ce que les hommes recherchent chez les femmes asiatiques », m’a dit une membre de cette collective.

Dans le principal quartier « chaud » d’Amsterdam, où la majorité des femmes prostituées affichées comme de la viande dans les bordels à vitrine proviennent de la Roumanie et de l’Afrique de l’Ouest, il y a si peu de femmes nées aux Pays-Bas qui vendent du sexe que les proxénètes les signalent en mettant en vitrine des autocollants avec le drapeau néerlandais ou l’acronyme « NL » (Pays-Bas). Les prostituées blanches néerlandaises sont devenues relativement rares.

En somme, la traite des esclaves demeure bien vivante, mais elle a été restructurée dans le cadre du capitalisme néolibéral. Dans l’acte de prostitution, le corps des femmes et des filles est colonisé par les hommes qui les utilisent. Je me demande comment la gauche peut fermer les yeux sur ce fait, tout en prétendant lutter pour une société égalitaire et libre d’oppression. Il est bien possible qu’une grande partie de la gauche masculine se soucie peu de l’oppression des femmes dans la prostitution, mais elle pourrait au moins reconnaître nommément que le système prostitutionnel est en partie construit sur un racisme brutal ?

Julie Bindel

 

Le livre de Julie Bindel « The Pimping of Prostitution: Abolishing the Sex Work Myth. » sera publié par Palgrave Macmillan le 27 septembre. On trouvera ici plus de détails sur le lancement du livre et un débat organisé à cette occasion.

Version originale : http://www.independent.co.uk/voices/prostitution-sex-trade-is-built-on-brutal-racism-a7925476.html

Traduction: TRADFEM, avec l’accord de l’autrice.

https://tradfem.wordpress.com/2017/09/03/2687/

De l’autrice :

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