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Interruption du séminaire d’Aghion, écotartuffe en chef de Macron

économie Macron

Lien publiée le 2 novembre 2017

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=8788

D’une pierre trois coups. En dénonçant pour le prime time des « multirécidivistes du refus d’emploi », Macron criminalise tous ceux qui n’acceptent pas de travailler dans n’importe quelles conditions et à n’importe quel tarif. Il prépare une vague de radiations des chômeurs et, en même temps, par ce choix du terme pénal « multirécidiviste », menace toute opposition qui ne serait pas sans conséquences .

Mardi 31 octobre, des chômeuses, intermittentes et précaires, sont intervenues au séminaire de Philippe Aghion au Collège de France [1], conseiller « officieux » de la présidence, pour y diffuser le tract qui suit et prendre la parole pour en restituer l’argument : le discours de cet économiste du régime a pour fonction de masquer la terrible violence sociale organisée par les dirigeants économiques en charge de l’entreprise France.

Une partie d’un public nombreux constitué majoritairement de septuagénaires à l’allure bourgeoise sans doute venus vérifier la qualité de leur placement a tenté de mettre fin à la main à cette intervention rapidement relayés par les vigiles maison. Refusant de participer au pugilat qui s’annonçait et menaçait de tourner au lynchage, les contradicteurs ont alors décidé d’aller prendre l’air.

Tout ce que nous souhaitons à Macron et à ses semblables est d’avoir à subsister en conduisant un fenwick dans un entrepôt frigorifique en équipe de nuit.

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À quoi peut donc servir un économiste du régime ? pdf

À quoi peut donc servir un économiste du régime ?

Alors que par mille dispositions et quelques coups de force on cherche à imposer une glaçante loi Travaille, un séminaire hebdomadaire au Collège de France a pour objet la « dynamique des entreprises », clé de « la croissance » [2]. Ce séminaire préfigure une « vitrine de l’innovation » financée par des investisseurs. Il est donné par un maître du genre, Philippe Aghion. Hier membre de la commission Attali pour la libéralisation des services et de la finance, monsieur a l’oreille du Prince. Fort bien. Mais qu’y a-t-il derrière ces mots aux allures de bonne nouvelle ?

La nouvelle n’est pas neuve. Cela fait 40 ans que l’on nous promet le retour de la croissance, la fin du tunnel et le début de la reprise pendant que progressent la précarisation de l’emploi, les inégalités et la misère. Il aura bien fallu admettre depuis que, derrière ce voile de fumée, il n’y a rien de moins que la destruction des conditions mêmes de la vie humaine. Car, non, ce n’est pas la planète qui est en danger, mais bien les habitantes de cette planète. Déjà, les trois quarts des insectes ont disparu en Europe. Et il n’y a plus de moineaux à Paris.

Sous la neutralité apparente des mots d’expert, nos accélérateurs de réformes savent ce qu’ils taisent. La « dynamique des entreprises » pour laquelle plaide Philippe Aghion est allée si loin depuis la glorification socialiste de l’entreprise des années 1980 que chacun est désormais sommé de se faire entrepreneur [3], quitte à travailler sans droit au chômage ou à la retraite pour un taux horaire qui peut descendre à 2,93 euros de l’heure, comme chez Deliveroo ; quitte à ce que la vie tout entière soit placée sous le signe de l’évaluation et de l’économie. Ce qu’ils occultent – avec leur apologie d’étranges « premiers de cordée » exclusivement soucieux de solidarité entre riches –, ce sont les vies mutilées, broyées par les mécanismes implacables d’une société de concurrence : une précarisation radicale du travail et de l’existence et tous les droits aux employeurs ; les horaires en coupure où l’on n’a plus de temps à soi et les accidents et suicides au travail ; des jeunes toujours plus pauvres à qui on suggère de « devenir milliardaires » et le théâtre sinistre de la recherche d’emploi – encore, toujours, se vendre ; ces femmes au salaire ou à l’allocation de rien qui se privent de repas pour nourrir les enfants et les expulsions locatives et la rente foncière qui croissent de concert ; les sans-papiers et autres migrants sans lesquels le BTP, l’hôtellerie, la restauration ou l’agriculture, par exemple, seraient mis à mal, traqués, enfermés, expulsés et ces « chômeurs » employés qui dépendent de chiches allocations et de salaires de peu ; ces jeunes hommes qui ne savent pas si et combien de fois ils passeront par la prison pour cause de pauvreté délictueuse ou s’ils ne finiront pas blessés ou tués par la police ; ces allocataires présumés fraudeurs et stigmatisés pour parasitisme (on croit rêver) et ces retraités sans droit ou à faible revenu qui s’activent sur le marché du travail, eux aussi à bas prix et aux pires conditions.

Aiguë ou diffuse, la peur du lendemain se généralise. Et quand ça rue dans les brancards et dit le refus du bât de l’exploitation et de la trique sémantique et organisationnelle que tous les DRH de l’entreprise France nous assènent quotidiennement et partout, des entreprises à Pôle emploi comme à la radio, les grenades pleuvent sur les manifestants.

L’« économie des institutions » et « la réallocation » dont il est question ici, on sait ce que c’est. Du CICE – 20 milliards par an d’assistance aux entreprises pour contribuer as usual à un déficit qu’on utilise ensuite contre la population –, Aghion a dit qu’il était trop tardif. Il fait partie de ceux qui ont préconisé la suppression d’emplois appelés aidés : 140 000 précaires vont perdre leur maigre salaire. Comme d’autres militants de l’économie, cette sorte de gens que l’on trouve désormais n’importe où, à l’épicerie ou au café du coin, cet économiste du régime promeut une « grande réforme des transferts sociaux » sans laquelle le En marche ou crève resterait… un projet. Cette réforme a été amorcée par les mesures d’économies dévolues aux collectivités territoriales : les RSAstes, les bibliothèques, les crèches, le logement et tant d’autres besoins vitaux vont être soumis à rude épreuve.

Amorcée, la réforme l’est également par la suppression de l’ISF et une réduction des APL que seule la menace latente d’une mobilisation des scolarisés des lycées et des facs a jusqu’alors empêchée d’aller plus loin. Aujourd’hui, on annonce 30% de coupes budgétaires en matière de santé. En raison toujours d’un « déficit », on va fermer des lits, c’est-à-dire mettre des malades dehors ou sur des brancards. On refuse de compenser les départs à la retraite de personnels hospitaliers déjà pressurés et confrontés à un burn out rampant ou déclaré. Toxiques elles aussi à n’en pas douter, les réformes à venir du chômage et de la formation professionnelle. Ils comptent nous plonger dans l’austérité par tous les moyens possibles.

Aghion n’est rien d’autre qu’un communicant de cette politique. Il dit aimablement vouloir « simplifier la séparation » des entreprises d’avec leurs salariés. Autrement dit – alors que les plans sociaux se multiplient – faciliter encore les licenciements mais aussi créer de nouveaux contrats révocables à tout instant qui ne comporteront même pas les garanties inhérentes au CDD. Morgue étatico-patronale, notre « maître des horloges » morigène les salariés en lutte de GM&S à La Souterraine – 156 licenciements programmés – en exigeant qu’au lieu de fainéanter, ils aillent postuler à Ussel, à 140 km de chez eux, pour dix postes vacants….

Aghion encore : « je ne dis pas chômeur, je dis personne en formation » [4]. C’est occulter la rareté et la brièveté des emplois disponibles, occulter qu’1,7 millions de chômeurs sont actuellement employés, par intermittence et/ou sur des horaires réduits. Mensongers grossiers, grossiers menteurs. Les experts mentent effrontément, sans honte. Assouplir le droit au travail ne crée pas d’emplois mais sert à dégrader les emplois occupés ou proposés, jusqu’au stage et à l’autoentrepreneuriat.

Aghion, Les Échos, le 08/05/2017 :

Les mobilisations du printemps 2016 se sont conclues par un échec. Qu’à cela ne tienne, nous n’avons pas les moyens de renoncer. Nous avons à expérimenter de nouvelles modalités de refus, de grève, d’interruption. Contre la mise au travail généralisée de la nature et des vivants et sa destructivité foncière, comme d’autres lorsqu’ils accueillent comme il se doit le pédégé de l’entreprise France ou ses ministres, nous sommes venus dire ici : nous ferons tout pour empêcher ce sale boulot.

Pas de justice, pas de paix.

Quelques travailleurs du dimanche et multirécidivistes du refus

Notes :

[1Séminaire de Philippe Aghion au Collège de France., le plus éclairant et rapide quant à ce concepteur de la start up nation, c’est de regarder son clip promotionnel, à droite de la page du Collège de France. Pour mieux situer son rôle : Macron, le code du travail et l’ISF, Le service de la classe, Frédéric Lordon.

[2Economie-débat. Monsieur Philippe Aghion bouleverse la croissance, Michel Husson.

[3La personne devient une entreprise, note sur le travail de production de soi, André Gorz.

[4] Philippe Aghion : « Il ne faut plus dire chômeurs mais personnes en formation », France Inter, 21 septembre 2017 ; Après la victoire d’Emmanuel Macron, l’économiste proche du président élu, trace les contours de ce que pourrait être son action, Les Échos, 8 mai 2017.