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"On n’a jamais vu autant d’enfants en centre de rétention"
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Un intervenant de la Cimade alerte ce vendredi sur le sort d'un nourrisson, qui a dormi selon lui dans une chambre où il faisait 10°C. Un cas loin d'être unique.
Un nourrisson prématuré aurait passé la nuit dans un centre de rétention de Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) dans une chambre... à 10°C. L'histoire a été relayée sur Twitter ce vendredi par un intervenant de la Cimade au Centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot, Nicolas Braun. "Nous n'oublierons jamais votre inhumanité", lâche-t-il, interpellant la préfecture de l'Essonne et le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb.
Un nourrisson prématuré en rétention au CRA du Mesnil-Amelot dans une chambre où il fait 10°C. Nous n’oublierons jamais votre inhumanité. @gerardcollomb @EliseFajgeles@Prefet91 #LoiAsileImmigration
— Nicolas BRAUN (@derzorngottes) 1 mars 2018
La nouvelle est bouleversante. Pourtant, elle n'a rien d'exceptionnel, souligne la Cimade. Contactée par "l'Obs", Marion Beaufils, membre de l'association et intervenante dans ce centre qui compte plus de 200 places de rétention, parle plus généralement d'une "situation de catastrophe". "C'est simple, on n'a jamais vu autant d'enfants", remarque-t-elle, amère.
Marion a commencé à intervenir dans des centres (CRA) il y a trois ans. A l'époque, voir débarquer une famille avec des enfants était "exceptionnel". "Cela choquait tout le monde, les juges se bougeaient. Mais aujourd'hui, c'est devenu normal de voir des petits se balader dans les couloirs", déplore-t-elle.
"Son thermomètre indiquait 10 degrés"
Récemment, quatre familles avec 10 enfants ont passé la nuit derrière les barbelés du centre de rétention de Mesnil-Amelot. Un triste "record" que déplore l'association. Parmi ces enfants, le plus jeune est donc ce bébé prématuré âgé d'un mois. Les autres ont entre trois mois et 12 ans.
Mercredi, le froid gagne particulièrement les bâtiments du centre. Pas plus de 10 degrés dans la chambre du bébé, indique le thermomètre de sa mère.
"La maman l'a alors signalé à la directrice du centre. Celle-ci lui a répondu qu'elle n'avait qu'à fermer la porte de la chambre pour avoir plus chaud...", raconte Marion, présente ce même jour dans le bâtiment.
"Les enfants deviennent fous"
Mais le froid et la mauvaise isolation des chambres ne sont pas les seuls problèmes, souligne la militante. S'ajoutent à cela les contacts difficiles avec la police, l'angoisse de l'attente, le manque de place... mais aussi le bruit insupportable. Car le centre de Mesnil-Amelot se situe dans un couloir aérien, à dix minutes de l'aéroport de Roissy.
"Un avion passe toutes les minutes au-dessus de leur tête. Les enfants deviennent fous", explique la jeune femme.
En règle générale, une famille ne reste qu'un ou deux jours dans ces centres de rétention. Mais les délais se sont rallongés. "L'une des familles est là depuis 8 jours, c'est énorme", note l'intervenante.
"Il faut gérer les problèmes de lingettes et de biberons des plus petits. Et répondre aux questions des plus grands (10 et 12 ans) qui veulent retourner à l'école et voir leurs copains."
Et de conclure :
"On est toujours surpris de voir jusqu'où peut aller ce besoin d'expulser les gens..."
Contactées par "l'Obs", les équipes du centre ne souhaitent pas commenter l'affaire. Pour l'heure, la préfecture n'était pas non plus joignable.
Une femme et son enfant dans un car qui les conduit au centre de rétention de Vincennes. (THOMAS COEX / AFP)
"On va exploser le record des années Sarkozy"
Depuis des années, la Cimade n'a cessé de condamner la rétention d'enfants, une mesure qu'elle juge "indigne" et "dont aucun ne peut sortir indemne". L'association avait même lancé l'an dernier une pétition pour demander à Emmanuel Macron de mettre fin à l'enfermement d'enfants dans les CRA. Celle-ci compte à ce jour plus de 92.000 signatures.
En parallèle, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) avait condamné la France en 2016 pour des "pratiques dégradantes" à l'encontre des enfants enfermés. Mais cela n'a pas suffi à faire bouger les lignes.
En 2017, le nombre d'enfants en rétention avait dangereusement augmenté : 275 placements "soit presque autant qu'entre 2012 et 2015", signalait le Défenseur des droits, Jacques Toubon. Cette année, les chiffres pourraient de nouveau exploser.
Le défenseur des droits a même alerté le gouvernement jeudi 22 février sur cette pratique contraire à la Convention internationale des droits de l'enfant.
Alors qu'un nourrisson prématuré a passé la nuit dans une chambre du Centre de Rétention Administratif du Mesnil Amelot, par 10°C, il est bon de se rappeler que le @Defenseurdroits juge ces enfermements contraires aux droits fondamentaux des enfants. #CRA #Enfantspic.twitter.com/IvQ5CUl87z
— A. (@A_Mox) 2 mars 2018
Au téléphone, un représentant de la Cimade explique :
"On fait face à une situation inédite. C'est simple, on n'arrive même plus à les compter !"
Ces derniers jours, l'association s'efforce d'alerter l'opinion publique en relayant le sombre "palmarès" de la "politique Macron". Pêle-mêle sur Twitter, elle recensait le 28 février trois enfants enfermés depuis sept jours dans un centre du Doubs, mais aussi trois autres expulsés depuis un centre d'Eure-et-Loir et trois derniers encore expulsés depuis l'Aube.
En se basant uniquement sur les données des centres où elle intervient, la Cimade compte une trentaine d'enfants placés en rétention depuis le début d'année. "On va vite exploser les records des années Sarkozy", souligne au téléphone le représentant.
Selon les chiffres de la Cimade, le pic avait été atteint en 2010, époque où Brice Hortefeux était ministre de l'Intérieur. Cette année-là, 356 enfants avaient été enfermés dans des centres de rétention.
Graphique issu du "décryptage du projet de loi asile et immigration"
A Mesnil-Amelot, les intervenants de la Cimade se sont récemment entretenus avec les policiers chargés de l'accueil des étrangers. Présente lors de l'échange, Marion Beaufils rapporte : "Ils nous ont dit que toutes les 'places familles', soit les 12 chambres du centre, sont déjà complètes jusqu'au 15 mars". La courbe n'est donc pas près de s'inverser.