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Les habitants d'Amiens-Nord partagés sur une présence policière renforcée
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Mercredi, sur la place à proximité de laquelle le ministre de l'Intérieur Manuel Valls s'était rendu la veille, le bar-PMU ne désemplit pas et les commentaires sur le déploiement de nombreux policiers vont bon train, alors que le quartier semble avoir retrouvé le calme, depuis l'envoi d'une centaine de policiers en renfort.
"Moi, je suis allé en ville quand il y avait les émeutes, je buvais mon café tranquillement, il n'y avait personne, ni flics ni CRS", témoigne Abdelkader, un trentenaire, derrière un étal de fruits et légumes.
"Si vous habitez dans le quartier, que vous voyez des CRS, vous vous sentiriez en sécurité, vous ?" demande-t-il, condamnant une remarque qu'il dit avoir entendue alors qu'elle était lancée par des CRS à des jeunes : Viens, je vais niquer ta mère. "C'est de la provocation", estime Abdelkader.
"Les gendarmes, ils ont été là pendant huit jours, on n'a pas vu de problème. Ils sont là, on passe à côté, il n'y a rien. Dès qu'ils sont arrivés (les CRS), ils commencent avec les bombes lacrymogènes, ils courent à gauche à droite, on ne sait plus qui a tort, qui a raison", renchérit Bacari, alors qu'il est en train de jouer aux courses
"Il n'y a pas de dialogue social"
"Les CRS, on n'a rien à voir avec eux. Amiens, ce n'est pas une ville habituée aux CRS. Ce sont deux mondes qui s'affrontent, deux mondes qui ne se connaissent pas. Il n'y a pas de dialogue social" entre CRS, qui se croient "dans le zoo", et riverains, affirme Tanazi, rappeur de 28 ans qui se présente comme "le porte-parole du quartier".
"Tous les jours, j'entends des bâtard, sale chien, tu vas retourner dans ton pays. (...) Moi, si j'insulte un CRS, je passe devant le juge", remarque le rappeur et président d'une association locale, Bloc 5, qui porte pour nom de scène "Shoingolife".
Habitant le quartier depuis environ dix ans, il dit n'avoir jamais vu cette police de proximité à Amiens, celle "qui descend de la voiture, ces policiers qui vont vers les jeunes et qui causent", mais plutôt des "policiers et des jeunes qui ne s'entendent pas" et qui ont tous "la haine".
Les îlotiers, Philippe Lemaire, qui réside dans le quartier depuis son développement dans les années 60, s'en souvient très bien. Il déplore d'ailleurs leur suppression par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, en 2003, même si, à Amiens-Nord, leur local existe encore et pourrait servir de nouveau.
Dans ces quartiers nord, où près de la moitié de la population a moins de 25 ans et où le taux de chômage atteint 45 %, touchant deux jeunes sur trois, Sami met en garde contre les "mauvaises explications" des difficultés des riverains. "On dit qu'il y a une guerre entre la police et les jeunes, mais ce n'est pas un problème de police. Le problème, c'est que des jeunes de 20 ans, de 25 ans, ils n'ont pas de travail, ils n'ont pas le droit d'exister", souligne-t-il.
Jetant un coup d'oeil à son quartier en pleine rénovation, où barres HLM côtoient immeubles sur quelques étages, Tanazi juge qu'"il n'y a pas que du malheur ici. On aime l'endroit où on vit, on demande juste un peu de gaieté." À titre d'exemple, les boutiques du "centre commercial" qui contourne la place - supermarché, boulangeries, boucherie, pharmacie et bar-PMU - sont les mêmes depuis 20 ans.