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La députée écologiste Karima Delli gazée par les gendarmes sur le GCO
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://reporterre.net/La-deputee-ecologiste-Karima-Delli-gazee-par-les-gendarmes-sur-le-GCO
Lundi 10 septembre, au soir, une manifestation a de nouveau eu lieu contre le projet d’autoroute GCO, près de Strasbourg. Les gendarmes ont fait usage de gaz lacrymogènes contre des élus et des députés européens. Karima Delli, députée écologiste, a été gazée en pleine figure. Alsace nature dénonce une « violence d’Etat inacceptable ». Le matin, la Zad avait été évacuée. Récit.
Plus de 300 citoyens et élus ont fait face aux forces de l’ordre lundi soir 10 septembre vers 20h dans la Zad de Kolbsheim, près de Strasbourg. Les manifestants avaient participé peu avant à un rassemblement au château de la commune, en compagnie des eurodéputés José Bové et Karima Delli. Les forces de l’ordre ont copieusement aspergé les manifestants de gaz lacrymogènes, manifestants parmi lesquels se trouvaient plusieurs enfants. « Il n’y avait aucune violence de notre part, témoigne Michel Dupont, un militant présent. A ce moment, nous avions les bras levés. » La députée Karima Delli a été sévèrement incommodée et s’est écroulée au sol, en pleurs, prise de difficultés respiratoires. Elle a été secourue par des manifestants, dont un médecin et José Bové, avant d’être évacuée. La tension est restée vive pendant une demi-heure avant que la plupart des manifestants refluent. Selon un communiqué de la préfecture du Bas-Rhin publié mardi 11 septembre, « les gendarmes engagés sur le dispositif de sécurisation ont fait usage de la force de manière strictement proportionnée ».
Karima Delli est présidente de la Commission des transports au Parlement européen.
« Il y a aujourd’hui une violence d’état très très préoccupante »
Reporterre a interrogé Maurice Wintz, président d’Alsace Nature, une association en pointe du combat contre le GCO :
« Ce qui s’est passé hier est une violence absolument injustifiée. Samedi on marche pour le climat. On a vu le préfet à l’issue de la manifestation, il nous dit, "Je suis très content que les gens se mobilisent pour le climat", comme si on pouvait se mobiliser pour le climat sans se mobiliser contre des projets qui détruisent l’espérance de maintenir un climat acceptable.
« Est-ce de l’ordre de l’inconscience, de l’incompétence, de l’incapacité à voir la réalité ? Samedi on manifeste, lundi on prend des gaz lacrymogènes. On subit une violence invraisemblable. Une élue, Danielle Dambach, s’est faite renverser par les forces de l’ordre. J’ai pris des lacrymos comme tout le monde. En même temps, à Vendenheim, ils ont commencé à déboiser, à la jonction entre l’autoroute A 4 et le futur GCO. Des déboisements qui restent entachés d’illégalité, parce qu’il y a des travaux de réduction d’impact qui n’ont pas été faits. Mais Vinci est tellement sûr du soutien de l’Etat qu’ils ne prennent même plus la précaution élémentaire. Et tout ceci dans un contexte où il y a des jugements du tribunal qui sont attendus pour la fin de la semaine, trois référés sont engagés : deux seront mis à l’audience vendredi, un troisième sans doute dans le courant de la semaine prochaine. On a demandé au préfet d’attendre au moins les référés. C’est comme si on n’avait rien dit.
« Il y a un avant et un après ce qu’il s’est passé hier. Il n’est pas question de faire un semblant de concertation dans les conditions actuelles. On se met en grève de toutes les commissions administratives, parce qu’on peut dire ce qu’on veut, on a une espèce de bulldozer qui avance. Par rapport aux années 1990, il y a aujourd’hui une violence d’Etat très très préoccupante. Aujourd’hui, c’est la force brute.
« Ils sont en train de mettre des barrières tout au long du tracé du GCO, on ne peut plus accéder à la zone. Notre seul espoir est le pouvoir judiciaire, s’il y en a encore un d’indépendant en France. On espère que le tribunal administratif va être à l’écart des pressions - on a des doutes. »
- Kolbsheim (Bas-Rhin), reportage sur l’évacuation du matin du lundi
« C’est le grand soir ! » « Rendez-vous à 5 h sur les barricades ! » Dimanche 9 septembre, à la nuit tombée, l’effervescence régnait sur la Zad du Moulin. Au cœur de la forêt de Kolbsheim, zadistes et villageois opposés au projet autoroutier de Grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg se préparaient à l’intervention des forces de l’ordre. Vers 20 h, ils étaient une quarantaine à échanger sur la résistance à opposer aux gendarmes mobiles : barrer la route départementale, organiser la venue des riverains, communiquer par talkie-walkie… L’assemblée a accepté l’idée d’une lutte pacifique, jugée indispensable pour gagner le soutien des habitants du voisinage.
La discussion a pris fin. Tout le monde s’est affairé. Sur une table jonchée des restes du dîner, de mégots et de bières, on a dessiné une carte où deux croix indiquaient l’emplacement des futures barricades. Un zadiste en imperméable, keffieh et capuche sur la tête, a rempli un extincteur de peinture. Deux personnes sont parties installer le poste de communication dans le presbytère de Kolbsheim : la pasteure Caroline Ingrand-Hoffet soutient la lutte contre le GCO. Elle a laissé la salle à disposition des militants écologistes.
L’obscurité était totale le long de la route départementale. De temps à autre, des lampes frontales ont éclairé des militants. Ils transportaient des pneus, une citerne, une remorque ou des palettes vers les entrées des villages de Kolbsheim et d’Ernolsheim-Bruche. Mais des rires ont éclaté aussi dans la nuit. Vers 3 h du matin, quelques militants se sont amusés à déterminer « qui a la plus grosse barricade ? ». Dans un talkie-walkie, on a demandé : « Ouais, les rastas, vous me recevez ? » Pas de réponse.
« Le préfet aurait pu attendre la fin des procédures de référé »
À 5 h du matin, la pasteure de Kolbsheim a fait sonner le tocsin. L’ambiance a changé en deux heures à peine. À la lisière de la forêt, les militants ne comptaient plus le nombre de camions militaires à l’horizon. Une centaine de gendarmes mobiles sont arrivés par Ernolsheim-Bruche. Dans un mégaphone, un agent a lâché deux sommations et ordonné de charger. La barricade enflammée a vite été éteinte. Les opposants ont reculé vers l’entrée de la Zad.
Vers 6 h, un meneur de la lutte anti-GCO a profité d’un bref instant de calme pour s’avancer vers les forces de l’ordre, les mains en l’air. Plusieurs élus locaux l’ont rejoint. Le maire de Kolbsheim, Danny Karcher, a demandé la fin de l’intervention au secrétaire général de la préfecture, Yves Séguy : « Le préfet aurait pu attendre la fin des procédures de référé [qui contestent la légalité de certains aspects du chantier]. »
« Il faut dégager la route, monsieur le maire. » L’élu sera gazé et chargé par les forces de l’ordre quelques minutes plus tard.
L’édile de Schiltigheim, Danielle Dambach, s’est interposée elle aussi entre les boucliers des gendarmes et les militants, de plus en plus tendus. Elle a évoqué la possibilité d’un moratoire sur le projet. Selon l’élue, la députée de la majorité Martine Wonner tente de convaincre le nouveau ministre de la Transition écologique d’ouvrir à nouveau les débats sur le projet autoroutier. Au bout d’une dizaine de minutes, la charge a été lancée. La maire écologiste est tombée dans la cohue. Une grenade lacrymogène a éclaté. La fuite collective dans la nuit s’est faite dans les cris de peur et les pleurs.
L’édile de Schiltigheim, Danielle Dambach, face au secrétaire général de la préfecture du Bas-Rhin, Yves Séguy (casqué).
À côté du moulin, les forces de l’ordre ont déjà pris place au cœur de la Zad. Les 515 gendarmes mobilisés ont été déployés en plusieurs points. Les opposants ont été dépassés par l’ampleur du dispositif mis en place. Deux heures durant, les zadistes et une majorité de riverains ont lutté en reculant, poussés par les boucliers des gendarmes et troublés par le gaz lacrymogène, utilisé en spray et par des jets de grenade.
« Je n’ai plus envie de servir cet État qui écoute davantage Vinci que les citoyens »
Vers 7 h du matin, la forêt a été vidée des 200 personnes mobilisées contre l’évacuation. À la sortie de Kolbsheim, les visages étaient marqués par la colère et la stupeur. Élisabeth, 61 ans, se tenait sur sa canne. Elle avait les larmes aux yeux et les lèvres tremblantes lorsqu’elle a résumé son sentiment :
Je ne m’attendais pas à tant de violence alors que nous étions tout à fait pacifiques. Alors, bien sûr, maintenant je pleure en regardant cette forêt où on se baladait quand on était jeunes. »
Dans le village, les militants essorés se sont assis sur le trottoir. Le maire de Kolbsheim a tenu à dénoncer encore une fois une intervention « inadmissible ». Annie Kessouri, deuxième adjointe, a abondé dans ce sens : « Ce matin, j’ai enlevé mon écharpe tricolore à un moment donné. Je n’avais plus envie de servir cet État où l’on écoute davantage Vinci que nos citoyens… » La rancœur régnait parmi les villageois. « Avec ce qui vient de se passer, difficile d’avoir de l’espoir face au changement climatique », a sifflé Valentine, habitante d’Ernolsheim-Bruche.
Lundi 10 septembre 2018, au matin. La Zad du Moulin est évacuée.
Sans Zad, dans cette matinée du 10 septembre, les militants écologistes ont perdu un moyen d’empêcher les travaux de commencer. Mais les opposants au GCO ont aussi vu un symbole de la lutte disparaître. Au milieu des poules, à côté des cabanes encore intactes, il n’y a plus que des gendarmes. Vêtus de gilets orange, des géomètres s’affairaient déjà dans le pré. Un camion de déménagement est arrivé. Un huissier de justice a organisé la saisie des objets présents dans les caravanes et autres baraquements. Vers 9 h du matin, un dernier zadiste était évacué d’une cabane construite dans la cime d’un arbre. Face aux caméras, il a crié sa rage contre ce projet « fou et inutile ».