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Le Média, saison 2: après le chaos, un avenir incertain

Lien publiée le 22 novembre 2018

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://www.lexpress.fr/actualite/medias/le-media-saison-2-apres-le-chaos-un-avenir-incertain_2049215.html

Alors que Le Média termine sa campagne d'abonnements et de cotisations, L'Express s'interroge sur son futur.

Pendant plusieurs semaines, Le Média a organisé une campagne pour récolter des fonds.

Comme dans une série, Le Média en est déjà à sa saison 2. Comme dans une série, cette webtélé indépendante lancée en janvier 2018 par des proches de Jean-Luc Mélenchon, a déjà connu de nombreuses crises et des rebondissements en pagaille. À tel point que certains de ses personnages principaux, à savoir Aude RossigneuxNoël MamèreSophia Chikirou ou encore Jacques Cotta, ont fini, de gré ou de force, par quitter les plateaux de tournage.Des crises qui ont plombé la crédibilité du Média, ainsi que ses comptes.  

Début de la saison 2. Pour se refaire une santé financière et pérenniser son existence, Le Média a lancé il y a quelques semaines une campagne de crowdfunding ainsi qu'une campagne de cotisations mensuelles. L'idée était de recueillir, en l'espace d'un mois et demi, 90 000 euros par mois. Pendant ce temps, la webtélé historiquement proche des Insousmis doit faire face à la naissance d'un petit nouveau : la nouvelle version de Canal Fi, la chaîne de La France Insoumise

Le résultat de l'appel aux dons, à quelques jours de la fin de l'opération, n'est pas suffisant, indique Aude Lancelin à L'Express. Aujourd'hui, l'ancienne numéro 2 de L'Obs et actuelle directrice de la rédaction est une des dernières journalistes "célèbres" qui continuent d'arpenter les locaux montreuillois du Média. 

"Il y a eu des augmentations de cotisations, ainsi que l'inscription de 700 nouveaux socios ["abonnés" du Média]. Nous avons augmenté nos revenus mensuels de plus de 30 000 euros, ce qui représente 35% de l'objectif de notre campagne de 50 jours", explique la directrice de la rédaction, qui ne se montre guère surprise que Le Média n'ait pas rempli ses objectifs. "Notre campagne a subi toutes sortes de perturbations...", regrette-t-elle.  

Le Média fragilisé par les "affaires"

Des perturbations ? Il y en a eu. Le 16 octobre, le siège de La France Insoumise et le domicile de Jean-Luc Mélenchon ont été perquisitionnés. Médiapart révèle ensuite que Sophia Chikirou - l'ex-directrice de la communication de Jean-Luc Mélenchon partie au début de l'été - a dormi la nuit précédente chez le leader de LFI. "Cette histoire touche à des fondements moraux, déplore un ancien journaliste du Média, qui en a claqué la porte il y a quelques mois. L'effet de voir Sophia Chikirou dormir chez Jean-Luc Mélenchon est catastrophique."  

Après des accusations de racisme au coeur de la rédaction lancées par des journalistes proches de l'ex-porte-parole, Sophia Chikirou poursuit Le Média devant la justice et lui réclame 120 000 euros pour une facture non réglée. Accusée d'avoir voulu encaisser un chèque de 67 000 euros pour le compte de sa société Médiascop, et soupçonnée (sans être nommée dans la plainte) d'être entrée dans les locaux du Média alors qu'elle avait démissionné de l'entreprise de presse, Sophia Chikirou, qui dénonce une "manipulation", a brutalement contre-attaqué. 

"Tout ça est lourd et pénible à traverser, alors que nous avons tant de projets à mener, tant d'envies journalistiques", admet Aude Lancelin, qui a bien conscience que tout ceci fait du tort au Média. "Depuis janvier, on a subi des polémiques et des attaques permanentes. On a l'habitude de ne pas naviguer en eaux calmes, mais ces derniers rebondissements sont assez inattendus. L'organisation de notre défense dans le procès que nous intente notre ex-dirigeante, qui réclame 120 000 euros à notre média, financé uniquement par des petits donateurs, nous fait notamment perdre beaucoup de temps."  

Et tout ceci ne contribue en rien à asseoir la crédibilité du Média... "Ces polémiques sont des phénomènes classiques présents au sein des partis politiques, analyse pour L'Express Jean-Marie Charon, sociologue des médias. Ça ne peut donc que fragiliser l'image de ce média." 

Des changements profonds pour la saison 2

Et pourtant, Le Média s'est renouvelé pour le lancement de sa deuxième saison. De nouveaux formats ont été créés, telle que l'émission historique La Grande H, et de grandes enquêtes sociétales ont été publiées. Le 8 novembre, le journaliste Julien Brygo s'est intéressé au quatrième employeur du monde, McDonald's. Quant à "l'autre 20 Heures", produit d'appel du Média à son lancement, il a lui aussi changé, devenu plus court, plus percutant.  

"On a eu des retours encourageants sur la nouvelle saison et les nouveaux programmes lancés, se réjouit Aude Lancelin. La ligne éditoriale est plus cohérente, l'indépendance journalistique nettement plus garantie depuis que Sophia Chikirou a jeté l'éponge en démissionnant cet été de l'entreprise de presse. Sa position rendait les choses compliquées, car en tant qu'ancienne communicante de la FI, le soupçon était sans cesse présent." 

Un ancien journaliste de la rédaction interrogé par L'Express est, malgré son départ, plutôt d'accord avec ce sentiment. "Je trouve ça dommage qu'on ne soit pas parti sur des pistes comme ça dès le début, regrette-t-il. C'est plus cohérent, ils sont davantage dans des calibrages adaptés aux petits moyens."  

Avec seulement 11 journalistes permanents, contre une trentaine il y a quelques mois, Le Média n'a jamais tourné avec si peu de moyens. "Ils se battent vaillamment, insiste le cofondateur du Média, Henri Poulain, auprès de L'Express. Ils tentent de mille manières de renouveler leur écriture, avec une voix très différente. Il y a un désir de sobriété, de faire avec les moyens du bord. Je reconnais la valeur de cette saison 2 qui, je l'espère, durera encore très longtemps." 

À terme, Le Média compte développer l'investigation, consolider ses formats, lancer des séries (l'une d'entre elles est intitulée "Paris capitale du crime politique"). Plusieurs émissions seront par ailleurs tournées lors de ces prochaines semaines, notamment sur la crise de l'hôpital public, et sur l'indépendance de la justice. "Evidemment, toujours sous notre prisme, poursuit Aude Lancelin. On a toujours une proximité intellectuelle avec certains LFI mais on est moins que jamais un organe de propagande."  

L'opinion, c'est dépassé ?

Mais ce prisme, les spectateurs déçus du Média, et ceux qu'il restait encore à conquérir, en veulent-ils encore ? Rien n'est moins sûr, juge Jean-Marie Charon, sociologue des médias. "D'emblée, dès l'annonce de la création du Média, j'étais sceptique, rappelle-t-il. En Marche! aussi avait soumis l'idée d'en créer un, mais on ne peut que s'interroger sur le lancement de plateformes d'opinion dans un pays comme le nôtre, où il y a un refus de ce type de presse. Le quotidien La Croix a réussi à peu près à se stabiliser mais continue de se faire grignoter, quant au journal L'Humanité, il ne cesse de reculer... même chose avec La Marseillaise."  

Restent des médias "de sensibilité" évidemment, rappelle le sociologue, mais qui ne requièrent pas spécialement l'adhésion à un courant politique. "Si Le Média s'est défendu dès le départ de ne pas être le porte-voix ou le porte-parole des Insoumis, son lien avec des personnalités très proches de LFI et son manque de transparence n'ont pas joué pour lui", estime-t-il. 

Et puis, il y a aussi ce risque de voir Le Média se transformer en "Lancelin TV", souligne notre ex-journaliste. "C'est elle qui a la force du réseau, et c'est la dernière professionnelle connue du Média. Pour bien faire, il manque des personnalités référentes." Si Jacques Cotta a quitté Le Média en octobre dernier, c'est en raison de la ligne éditoriale instaurée par la journaliste, a-t-il longuement expliqué sur le site de Médiapart... 

Dans ce contexte compliqué, dans une rédaction scindée en deux, avec d'un côté les proches de Sophia Chikirou, et puis les autres, Aude Lancelin tient bon, dit-elle, grâce à la "bonne ambiance" qui règne à Montreuil. "On est dans un état de fatigue avancé, mais la situation est clarifiée et la détermination intacte, assure la directrice de la rédaction. On est dans une sorte de loft, on vit ensemble, on mange ensemble, c'est un peu une ambiance kibboutz. Le Média est un collectif joyeux, soudé, qui partage des visions, des combats, et c'est comme ça qu'on tient le coup. Sinon, ce ne serait pas supportable."