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Le syndicalisme révolutionnaire dans les luttes
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
http://www.zones-subversives.com/2019/01/le-syndicalisme-revolutionnaire.html
Le syndicalisme d'action directe permet de construire des organisation de classe pour lutter au quotidien. Sa longue tradition historique lui permet d'éviter les idéologies à la mode. Néanmoins, le syndicalisme révolutionnaire comporte aussi certaines limites.
Des mouvements sociaux secouent l’histoire. Ces révoltes permettent d’améliorer la vie quotidienne des prolétaires et s’inscrivent dans la lutte des classes. Néanmoins, les mouvements sociaux comportent aussi de nombreuses limites qui ne leur permettent pas toujours d’aboutir, surtout ces dernières années en France. Il semble donc incontournable de réfléchir sur les potentialités et les limites de ces luttes sociales.
La vieille tradition syndicaliste révolutionnaire propose un éclairage sur les mouvements sociaux actuels. Ce courant participe à la lutte des classes à travers un syndicat. Cet outil doit permettre d’améliorer les conditions travail mais aussi de renverser l’ordre capitaliste. Guillaume Goutte, correcteur de presse, militant à la CGT et aux Comités syndicalistes révolutionnaires (CSR), réaffirme la pertinence du syndicalisme révolutionnaire pour lutter contre l’Etat et le capitalisme. Il propose ses réflexions et ses stratégies de lutte dans le livre Vive la syndicale ! Pour un front unique des exploités.
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Mouvement contre la loi Travail
En 2016, le mouvement contre la loi Travail marque une importante révolte interprofessionnelle. Ce mouvement est porté par une inter-syndicale composée de la CGT, FO, la FSU et Solidaires. Une initiative à la base pose la date du 9 mars 2016 pour lancer le mouvement social. La protestation syndicale parvient à arracher quelques petites victoires sectorielles. Néanmoins, la loi Travail est votée et le mouvement échoue. La faiblesse du syndicalisme de classe et les limites de certaines composantes du mouvement social peuvent expliquer cet échec.
Le printemps de 2016 a permis de perturber le ronronnement des manifs syndicales.Le cortège de tête, sur fond de culture rap, modifie l’ambiance des manifestations notamment parisiennes. Ce cortège regroupe diverses personnes, syndiquées ou non syndiquées, pour donner une tonalité insurrectionnelle à la manifestation. Néanmoins, le succès du cortège de tête révèle quelques limites. « Certes, le cortège de tête s’inscrit dans l’air du temps, celui d’une époque qui voue un culte au spectaculaire, à l’image et à des spontanéités très normées », déplore Guillaume Goutte. Les réseaux sociaux, avec leurs codes imposés par la logique marchande, priment sur la sociabilité de classe. Des structures interprofessionnelles peuvent proposer des lieux de rencontres, d’entraide et de partage. Mais les syndicats, longtemps attachés aux Bourses du travail, ne proposent plus de tels espaces de sociabilité.
L’expérience de Nuit debout a rapidement dépassé le cadre égotico-comique imposé par François Ruffin et Frédéric Lordon. Cet espace assure une continuité de la contestation sociale entre deux journées d’action. Mais la libération de la parole devient une fin en soi et s’enferme dans un espace citoyenniste, avec des débats-forum sans perspectives. La commission « Grève générale » tente de coordonner les différents secteurs en lutte pour d’organiser des actions en soutien aux mouvements de grève. Mais elle reste isolée dans des discussions qui tournent autour de potagers urbains.
Le Front social lance des appels à la grève générale et ne cesse de dénoncer les trahisons des directions syndicales. « Mais, de fait, ces éléments de langage-là, perpétuent, consciemment ou non, un discours de défiance à l’égard de la besogne syndicale, présentée au mieux comme une naïveté inefficace au pire comme un agent de neutralisation des combats sociaux », s’indigne Guillaume Goutte. Néanmoins, il reste difficile de construire une grève à la base. Le Front social pense toujours la manifestation comme centrale dans le rapport de force alors qu’elle doit simplement permettre de rendre visible les luttes réelles qui existent dans les entreprises.
Les organisations libertaires n’ont plus aucune influence dans les mouvements sociaux. Les groupuscules anarchistes adoptent une posture idéologique plutôt qu’un point de vue de classe. Les luttes autonomes des exploités sont délaissées au profit de projets alternatifs ou de la propagande idéologique. Les organisations libertaires ne sont plus des espaces d’échange d’analyses sur les luttes sociales, mais des sectes qui cherchent à recruter.
Les appels de la CGT à la grève générale ne changent rien. Les organisations syndicales ne parviennent plus à imposer un rapport de force sur la durée. Leur implantation dans le monde du travail ne cesse de s’effriter. Les grèves deviennent plus difficiles à déclencher. Elles exposent à une perte de salaire mais aussi à la répression patronale. Face à cette situation, les syndicats peuvent proposer une solidarité interprofessionnelle, à travers les unions locales, et des caisses de grève. Les structures syndicales hésitent également à se lancer dans des grèves de peur de perdre l’opinion publique.
La grève par procuration s’appuie sur un secteur en particulier, comme les cheminots en 1995 ou les raffineries en 2010. Mais cette stratégie s’oppose à la généralisation de la grève. La lutte sociale permet de relever la tête face aux logiques de l’entreprise. La grève permet aussi de briser la routine de prendre le contrôle de son existence. La grève peut bloquer la production, mais elle change surtout l’ambiance d’un lieu de travail voire d’un quartier. Il a manqué au mouvement de 2016 une multiplication de grèves.
Renouveler le syndicalisme
Le courant du syndicalisme révolutionnaire existe toujours au sein de la CGT. Il est porté par les Comités syndicalistes révolutionnaires (CSR) pour développer des analyses et des perspectives. « Un courant n’est pas une fraction, et la raison d’être es CSR est de diffuser et de faire valoir dans l’organisation syndicale des pratiques, des analyses et des stratégies, non de manœuvrer bureaucratiquement pour contrôler des appareils au nom d’une idéologie », précise Guillaume Goutte. La pique vise sans doute le courant trotskiste. Le syndicalisme révolutionnaire recherche l’unité à travers des pratiques de lutte, plutôt qu’en proclamant une idéologie.
L’anarcho-syndicalisme choisit de s’organiser uniquement avec des syndiqués qui portent un projet de société communiste libertaire. Le syndicalisme révolutionnaire insiste sur l’action directe, mais n’hésite pas à côtoyer des réformistes ou des syndiqués sans idéologie précise. Le syndicalisme révolutionnaire tient à rester ancré dans les sociabilités et les pratiques de lutte des salariés.
L’indépendance du syndicat doit permettre l’unité de la classe sans le contrôle des sectarismes. Le Parti communiste a longtemps contrôlé la CGT. Aujourd’hui, c’est la France insoumise qui veut faire main basse sur les syndicats. Son leader, Jean-Luc Mélenchon, dénonce même la Charte d’Amiens et le principe de l’autonomie ouvrière. La lutte des classes s’efface derrière un populisme de gauche qui rejette l’opposition entre les salariés et leur patron. Dans cette perspective réformiste, les syndicats doivent être marginalisés. En 2018, la « Marée populaire » s’appuie sur l’échec des luttes sociales pour permettre une recomposition de la gauche. Cette initiative range la CGT à la remorque des partis politiques. Même si ce happening se solde par un échec cuisant.
Le syndicalisme révolutionnaire s’attache à articuler les petites victoires immédiates avec une perspective de rupture avec le capitalisme. Les syndicalistes doivent répondre aux aspirations immédiates et aux problèmes de la vie quotidienne pour ne pas se retrouver déconnectés. Mais ils ne doivent pas non plus s’enfermer dans une routine syndicale sans horizon émancipateur.
Le syndicat local d’industrie vise à regrouper les ouvriers et employés d’une même branche professionnelle. Le capitalisme multiplie les catégories et les échelons. Le syndicat d’industrie doit briser ses séparations et permettre une solidarité entre les diverses professions. Mais la CGT choisit d’opter pour des syndicats d’entreprise et ne parvient pas à attirer les précaires. « Ce choix explique aussi pourquoi, en période de mouvement social, les grèves rencontrent tant de difficultés à s’étende et à se généraliser, à dépasser les quelques secteurs clés, vieux bastions syndicaux qui pourraient être amenés à disparaître », analyse Guillaume Goutte.
Limites du syndicalisme
Le livre de Guillaume Goutte reste une introduction claire et militante du syndicalisme révolutionnaire. Cette tradition historique reste peu spectaculaire. Les luttes du quotidien priment sur les démonstrations médiatiques. Ce courant du mouvement social apporte une réflexion indispensable pour sortir de l’impasse stratégique actuelle.
Guillaume Goutte ne masque pas les limites du syndicalisme. Ces organisations ne cessent de s’effondrer. Leur implantation perdure dans certains bastions et dans la fonction publique. Pourtant, les secteurs les plus précaires sont laissés à l’abandon alors que la nécessité de s’organiser semble plus décisive. Mais Guillaume Goutte continue de croire dans la possibilité de reconstruire le syndicalisme à travers des Unions locales dynamiques. Il insiste sur l’importance de la sociabilité interprofessionnelle et sur les pratiques de lutte pour faire revivre les syndicats.
Guillaume Goutte reste surtout attaché au syndicalisme de base. Il montre bien ses potentialités, mais élude ses limites. Créer un syndicat combatif et faire vivre une Union locale dynamique devient extrêmement compliqué. Le syndicat doit se battre uniquement pour exister. Si l’organisation de classe reste indispensable, le syndicalisme n’est pas toujours l’outil le plus pertinent. Néanmoins, il faut reconnaître que certaines luttes locales peuvent s’appuyer sur des syndicats combatifs.
Néanmoins, Guillaume Goutte semble assez peu lucide sur l’indigence desbureaucraties syndicales. Il refuse de remettre en cause les directions et les intersyndicales. Ces bureaucrates sont pourtant les ennemis de classe du prolétariat. Ils ne cessent de s’opposer aux révoltes sociales. Le mouvement des gilets jaunes montre à nouveau que les syndicats combattent les révoltes, surtout lorsqu’elles sont spontanées et qu’elles échappent à leur contrôle.
Les syndicats restent des appareils qui cherchent à encadrer les luttes pour les orienter dans des impasses réformistes. Solidaires et la CGT restent inféodés à une idéologie réformiste qui s’appuie sur l’Etat pour réguler le capitalisme. Ces syndicats ne s’inscrivent évidemment pas dans une perspective révolutionnaire. Ils veulent aménager l’exploitation et la misère de la vie quotidienne. Mais ils ne veulent pas inventer une perspective émancipatrice.
Les grandes révoltes historiques échappent à l’emprise des syndicats. Ce sont desmouvements autonomes qui se construisent depuis la base. L’auto-organisation et la spontanéité prédominent. Les syndicalistes, tout comme les gauchistes, sont des militants englués dans la routine et la défaite qui n’ont plus aucune imagination. C’est lorsque qu’une majorité d’exploités se révolte que des idées nouvelles peuvent surgir. L’action directe et la spontanéité doivent nourrir les organisations de base pour inventer une société sans classe et sans Etat.
Source : Guillaume Goutte, Vive la syndicale ! Pour un front unique des exploités, Nada, 2018
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Une histoire de l'autonomie des luttes
Pour aller plus loin :
Vidéo : Et pourtant, ils existent : histoire du syndicalisme d’action directe en France de 1895 à nos jours, mis en ligne sur le site de la CNT Travail & Affaires sociales le 25 août 2015
Radio : Guillaume Goutte et David Doillon, Histoire de l’anarchisme au Mexique et proximité avec les luttes indigènes et les zapatistes, émission Trous noirs diffusée le 13 janvier 2014
Radio : Critique libertaire du PIR, syndicalisme révolutionnaire et critique radicale du capitalisme - avec Bernard Gilles (CNT/SO), émission mise en ligne sur le site Sortir du capitalisme
Radio : Un siècle après l’affrontement inter-capitaliste, une histoire du mouvement révolutionnaire 1881-1914 – avec Guillaume Davranche, émission mise en ligne sur le site Sortir du capitalisme
Radio : « FAQ anarcho-syndicaliste » par la CNT-AIT Toulouse, mis en ligne sur le site Liberté ouvrière le 18 novembre 2018
Jean-Yves Lesage et Guillaume Goutte, Quand le « syndicalisme rassemblé » divise la CGT, mis en ligne sur le site la revue Les Utopiques le 21 juin 2017
Que deviennent les zapatistes, loin des grands médias ?, mis en ligne sur le site de la revue Ballast le 13 novembre 2014
Articles de Guillaume Goutte mis en ligne sur le site La voie du jaguar
Jean-Guillaume Lanuque, Un compte rendu de Guillaume Goutte, Pour l’anarcho-syndicalisme. Contre toutes les dominations, publié sue le site de la revue Dissidences le 12 septembre 2016
Fabien Delmotte, Redonner d’autres perspectives au syndicalisme : échanges autour de la revue Les Utopiques, publié sur le site Autre Futur le 19 janvier 2018
Textes du Groupe Salvador Segui - FA publiés sur le site Paris-luttes.info
Rubrique syndicalisme révolutionnaire sur le site du Groupe anarchiste Savador-Segui
Le syndicalisme révolutionnaire sur le site La Bataille socialiste
Rubrique Syndicalisme Révolutionnaire sur le site Archives autonomies
Rubrique Syndicalisme Révolutionnaire sur le site du Courant Communiste International
Rubrique Syndicalisme sur le site Alternative libertaire
Cyrnea , Aux origines des divisions du syndicalisme, publié sur le site 19h17 le 18 mai 2017