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Marx penseur de l’écologie - entretien avec Henri Peña-Ruiz

écologie Marx

Lien publiée le 13 juillet 2019

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https://lvsl.fr/marx-penseur-de-lecologie-entretien-avec-henri-pena-ruiz/

Henri Peña-Ruiz est agrégé de philosophie et maître de conférences à l’IEP de Paris. Il a consacré plusieurs ouvrages à l’oeuvre de Karl Marx : Marx, quand mêmeEntretien avec Karl Marx en 2012, puis plus récemment Karl Marx, penseur de l’écologie (publié en 2018 aux éditions Le Seuil). L’entretien qu’il nous accorde est l’occasion d’aborder cette dimension méconnue de l’oeuvre marxienne, celle de la prise en compte du rapport à la nature et plus globalement d’envisager Marx comme un penseur de l’émancipation. Entretien réalisé par Sébastien Polveche.


Le Vent Se Lève – Vous avez consacré plusieurs ouvrages à Marx, dont le dernier, intitulé Karl Marx, penseur de l’écologie. Cette dimension de l’oeuvre de Marx peut sembler contre-intuitive. Dans quelle mesure Karl Marx intègre-t-il l’écologie et le rapport à la nature à ses réflexions politiques et économiques ?

Henri Peña Ruiz –  Il est vrai que si on s’adonne à la lecture du corpus des œuvres de Marx et Engels, il apparaît que les considérations sur le respect l’environnement naturel sont très minoritaires. Mais il faut aller au-delà de cette première impression. En effet, la pensée de Marx s’enracine dans l’étude d’Épicure, c’est-à-dire du matérialisme philosophique grec. Avant Épicure, il y a Démocrite. Et Démocrite pense qu’on peut expliquer le réel avec un seul principe explicatif qui serait la matière, dont les différenciations pourraient expliquer les différentes formes de la réalité, qu’elle soit la réalité matérielle non organique, ou la réalité organique, ou la réalité humaine. 

Couverture de Karl Marx, penseur de l’écologie Ed. Le Seuil

La lecture par Marx de la philosophie grecque et notamment de la philosophie matérialiste a été déterminante dans son cheminement. Elle est d’autant plus déterminante qu’indépendamment de la question de l’explication de la réalité, il y a la question éthique, c’est-à-dire la question de l’ethos. L’ethos est un mot grec qui signifie la façon d’être, la façon qui nous permet le mieux possible de nous accomplir. Épicure répond à cette interrogation métaphysique en suivant un principe naturel qui est celui du plaisir, hedone, d’où le nom d’hédonisme. Le plaisir est un signe d’accomplissement de l’humanité. L’homme doit apprendre à se satisfaire, non pas de peu, mais de ce qui lui est nécessaire ; ce qui implique le rejet de la démesure, de l’hubris en grec. Et on pourrait résumer ce principe par l’expression “rien de trop, juste assez”. Autrement dit, le comportement humain, qui est un comportement qui doit se régler sur la nature, doit respecter l’idée que la démesure est toujours mauvaise. Par exemple si je bois trop de vin, je serai malade, j’aurai la nausée, c’est-à-dire que j’obtiendrai le contraire du plaisir, à savoir la souffrance.

Cette pensée intéresse beaucoup Marx. De même Marx est intéressé par l’idée qu’en expliquant la nature par ces lois, on cesse de craindre les dieux. Il y a une forme de dédramatisation de la nature, qui est rendue possible par la physique épicurienne. Et en même temps, cette physique épicurienne n’est pas seulement un humanisme, c’est-à-dire une théorie de l’accomplissement de l’être humain, mais c’est aussi un naturalisme : une théorie de la nature totale, dans laquelle l’être humain est un être naturel. A ceci près que parmi tous les êtres naturels, il est celui qui est capable de penser. C’est un point de départ philosophique chez Marx qui est très intéressant. Il rédige une thèse de doctorat sur la différence entre le système de Démocrite et le système d’Épicure. Il s’inscrit déjà sur une voie qu’on pourrait qualifier de naturaliste, c’est à dire une attention portée à la nature, entendue comme la réalité totale en laquelle s’inscrit l’être humain.

Ce sont déjà de bonnes bases pour qu’émerge ultérieurement une conscience de la nécessaire protection de la nature. Il y a là tous les éléments d’un rapprochement entre naturalisme et humanisme. Le souci de l’homme ne peut pas aller sans le souci de la nature. Et donc, on peut dire que dans le matérialisme naturaliste et humaniste du jeune Marx, qui écrit Les Manuscrits de 1844, il y a une orientation qui envisage clairement de concilier humanisme et naturalisme.

le capitalisme en agriculture ne fait pas qu’épuiser les hommes, il épuise aussi la terre.

Marx est très sensible à la condition ouvrière. Il n’existe à l’époque quasiment aucune loi pour tempérer le capitalisme sauvage. Guizot disait “enrichissez vous et comme cela vous pourrez voter”, justifiant à la fois le suffrage censitaire et la maxime même d’un capitalisme qui n’est pas encore tempéré par le contrepoids des lois sociales. Enrichissez-vous quoi qu’il en coûte en somme. Quoi qu’il en coûte aux hommes, avec une espérance de vie qui, chez les ouvriers atteint à peine 50 ans. Et quoi qu’il en coûte aussi à la nature. Et là, Marx et Engels remarquent que dans sa frénésie de profits, le capitalisme ne fait pas qu’exploiter les hommes, il exploite également la nature au-delà de toute mesure. Et on aura dans Le capital de Marx cette célèbre phrase : “le capitalisme en agriculture ne fait pas qu’épuiser les hommes, il épuise aussi la terre”. Donc cette formulation est clairement une formulation pré-écologique, même si Marx n’utilise jamais le terme écologie, Engels non plus.

LVSL – Le terme n’existait pas encore, c’est ça ?

HPR – Oui, le terme est forgé par le savant allemand Haeckel. La première occurrence apparaît en 1864. Or, en 1864, Marx travaille sur son livre Le Capital. Et il essaie d’organiser la classe ouvrière au niveau international, en rédigeant les statuts de la première Association internationale des travailleurs. Il est clair que la thématique écologique, même sans le terme (Marx emploie le terme naturalisme), existe comme composante incontestable de la théorie marxiste. Elle existe comme une thématique secondaire, dominée par la thématique de l’émancipation du prolétariat. Mais en même temps, tous les éléments qui permettent de penser un lien entre la thématique sociale et la thématique écologique sont réunis.

La nature est le corps non organique de l’homme

Marx écrit ainsi dans les manuscrits de 1844 que “la nature est le corps non organique de l’homme”. Et que donc, l’homme ne peut s’accomplir indépendamment d’un lien vital avec la nature. Il y a une confluence entre une anthropologie philosophique qui solidarise naturalisme et humanisme, et les prémices d’une économie politique qui mette en évidence le lien entre l’exploitation des être humains et l’exploitation dégradante, prédatrice, de la nature.

LVSL – Marx était également un observateur averti de la condition ouvrière, des risques liés aux pollutions, des conséquences des épidémies de choléra qui touchaient les grandes villes. Cela a-t-il joué aussi dans son cheminement intellectuel ?

HPR –  Oui. Je tiens à souligner le rôle Friedrich Engels. Quand ils se rencontrent et deviennent amis, Engels est fils d’un industriel textile en Allemagne. Engels est théoriquement promis à une carrière de patron de filature. Et il est outré par la condition des ouvrières qui travaillent dans les usines textiles de son père. Son père fait de lui un fondé de pouvoir qu’il envoie en Angleterre, mais Engels est beaucoup plus préoccupé par la condition ouvrière, qui vous l’avez rappelé, vivent dans des conditions telles, qu’ils sont soumis à des épidémies, qu’ils sont à la merci des famines, … Et c’est la conscience éthique révoltée de ce jeune homme, pourtant de grande famille, qui rejoint celle du jeune Marx, qui est lui aussi d’une grande famille, fils d’avocat. 

Engels joue un rôle déterminant dans l’évolution de la pensée marxienne. Lorsqu’il écrit un livre sur La situation de la classe laborieuse en Angleterre, Marx s’exclame “c’est un ouvrage tout à fait extraordinaire”. L’un et l’autre remarquent la pollution de la Tamise et Marx écrit dans une lettre qu’au “lieu de jeter tous ces nutriments dans la Tamise, on ferait mieux d’en faire de l’engrais pour l’agriculture”. Il y a déjà un frémissement de conscience de ce qu’est une société du gaspillage. Marx et Engels vivant encore dans une économie de rareté, ils ne sont pas aussi sensibles que nous le sommes à la question du gaspillage, même s’ils le soulignent. Dans sa description des crises du capitalisme, Marx souligne l’effroyable gaspillage occasionné par les crises, puisqu’on se met à détruire des marchandises pour ne pas faire baisser les prix et les vendre. Et il y a là quelque chose qui est symptomatique de l’émergence d’une conscience écosocialiste, c’est-à-dire conciliant la conscience socialiste et la conscience écologiste, si on ne craignait pas de paraître faire un anachronisme.

Bien sûr, ne créditons pas Marx et Engels d’une conscience écologique, au sens qui est le sien aujourd’hui, à l’heure de la dette écologique, de la réduction dramatique de la biodiversité et du réchauffement climatique. N’érigeons pas notre impatience en théorie. Mais en même temps, il y a des éléments qui sont tout à fait forts de la conscience écologique dans le corpus de Marx.

Évidemment Marx n’est pas décroissant, mais il n’est pas abstraitement croissant.

Évidemment Marx n’est pas décroissant, mais il n’est pas abstraitement croissant. Il dit que les rapports de production privés sont un carcan pour le développement de forces productives publiques. Il pointe la contradiction qui existe entre l’appropriation privée de l’outil de production et le caractère quasiment public de cette production elle-même. Et donc, il en conclut qu’il faut abolir la propriété privée des moyens de production. Mais cela ne veut pas dire que le développement des forces productives est nécessairement sans limites.  

Et d’ailleurs, il y a deux outils théoriques qui ne doivent pas échapper à notre attention. Le premier c’est la conscience que le capitalisme ne développe une branche de production que si elle est objectivement très lucrative. Et que donc, il y a une tendance à l’inégal développement des branches de production, selon qu’elles produisent plus ou moins de profits. Ce qui veut dire qu’une branche de production peut très bien être très lucrative sans avoir une nécessité sociale, alors qu’à l’inverse une branche de production peut être d’une très grande utilité sociale, mais si elle n’est pas très lucrative, le capitalisme aura tendance à s’en désintéresser. Par conséquent, la problématique n’est pas de croître abstraitement ou de décroître abstraitement ; c’est plutôt de décroître là où on croît trop par rapport à une économie de la demande, et de croître par rapport à une économie qui ne produit pas assez dès lors que ce n’est pas assez lucratif.

LVSL – En fait, il s’intéresse à la finalité de la production.

HPR – Absolument. Si la finalité de la production correspond à des besoins socialement repérables, il faut développer la production. Mais si toute une catégorie de ce qu’on appelle aujourd’hui des faux besoins ne sont pas d’une utilité fondamentale, là il faut décroître.

Il y a un deuxième point qui me paraît très important, c’est l’admirable texte qu’il produit dans son Introduction générale à la critique de l’économie politique, qu’il rédige en 1857. Il écrit que la production ne produit pas seulement un objet de consommation pour satisfaire un besoin qui préexiste, mais qu’elle peut produire aussi la consommation, au sens où elle peut inciter, par la présentation d’objets nouveaux le consommateur à s’intéresser à des objets dont il n’avait nul besoin auparavant. Et ça, c’est la découverte anticipée de ce qu’on appelle la société de consommation. Ce diagnostic sur la production qui produit la consommation, c’est aussi un deuxième élément qui montre que Marx nous fournit un appareil conceptuel pertinent pour critiquer l’hypertrophie de la production, l’hubris du capitalisme.

Tout cela il faut le construire en repérant tous les éléments, qui liés les uns autres, permettent, de construire une conscience écologique forte ; et non pas faible. C’est-à-dire, une conscience écologique qui n’est pas simplement descriptive, se réduisant à constater le mal que l’homme peut faire à la nature, et donc le mal qu’il peut se faire à lui-même. Marx apporte une analyse sur le système qui débouche sur cette prédation de la nature. Et évidemment, c’est le système capitaliste. Marx ne pense pas que la capitalisme peut être vert. D’ailleurs, il dit que les forêts devraient être un bien commun. Pourquoi ? Parce que le capitaliste qui s’empare d’une parcelle de forêt cherche à en tirer des profits immédiats. Or, la sylviculture est par essence un mode de production qui ne peut pas faire abstraction des cycles naturels. Il y a chez Marx une expression qui est tout à fait remarquable où il dit que l’humanité devrait apprendre à gérer la terre en boni patres familias, en bons pères de famille. C’est-à-dire qu’il y a un principe de solidarité intergénérationnel. On ne peut pas léguer la terre pour les générations à venir dans un état qui compromettrait leur survie.

LVSL – Au delà de la pensée de Marx, se pose la question de ses continuateurs, des régimes politiques qui se sont réclamés du marxisme. Quel bilan tirez-vous de l’expérience de l’URSS ou de la Chine communiste ? En quoi ce bilan invalide-t-il, ou pas, la portée écologiste de la pensée de Marx ?

HPR – La réponse est assez complexe. Parce que si prenez la révolution d’octobre 1917, beaucoup d’analystes font remarquer que pendant la première décennie, il y a eu beaucoup d’innovations, qui tenaient compte de la nature. Et avec la glaciation stalinienne, on s’éloigne durablement de la gestion de la nature en bon père de famille, telle que la prônait Marx. A partir de ce moment, on instaure une planification centralisée avec le Gosplan, cette obsession de la quantité sans tenir compte de la qualité, qui n’avait rien à voir avec l’idée d’une appropriation collective par les travailleurs à la base. Le mode de production cadré par de tels modes de production ne fut pas du tout ce que Marx recommandait.

Il n’y a pas de capitalisme vert, mais le stalinisme ne pouvait pas être vert non plus.

Mer d’Aral 1989 – 2008 (Wikipedia)

Si on prend un exemple d’une des catastrophes écologiques de l’Union Soviétique, le désastre de la mer d’Aral, où le Gosplan décide, sans consulter les soviets de pêcheurs, qui vivaient de l’écosystème de la mer d’Aral, de détourner l’Amou-Daria et Syr-Daria de la Mer d’Aral pour irriguer des plantations de coton. N’importe quel pêcheur consulté aurait alerté sur le risque d’augmentation de la salinité de l’eau de la mer d’Aral, et donc sur le risque de disparition de tout un écosystème, faune et flore confondue. Et on sait que la mer d’Aral a longtemps été une mer morte. Après les autorités soviétiques ont essayé de se ressaisir, mais entre-temps le mal avait été fait. Quel est le mode d’appropriation qui a produit cela ? Le contraire de ce que Marx voulait : une centralisation autoritaire, bureaucratique. Le mode de décision, à l’opposé de ce que Marx voulait, a conduit à une véritable catastrophe écologique. Il n’y a pas de capitalisme vert, mais le stalinisme ne pouvait pas être vert non plus.

LVSL – Ce qui s’est fait en Union Soviétique n’avait donc rien à voir ni avec l’écologie, ni avec le marxisme ?

Proclamation de la Commune de Paris (Wikipedia)

HPR – Sur le plan politique, Marx disait bien dans La guerre civile en France que le grand mérite des communards, c’est d’avoir innové dans la régulation politique. C’est-à-dire qu’ils ne se contentent pas de prendre la machine d’État et de la faire tourner à leur profit ou au profit du prolétariat. Ils brisent cette machine d’État pour lui substituer d’autres formes de régulation, avec le mandat impératif, avec la révocation possible des dirigeants, … L’expérience soviétique est une rupture, non seulement avec ce que Marx disait de la révolution socialiste, mais également avec ses intuitions écologiques, avec ses recommandations en matière de rapports de production, d’appropriation collective.  

LVSL – A vous écouter, on comprend que Marx est un penseur de l’émancipation : émancipation par l’appropriation collective des moyens de production, émancipation par l’instruction. Vous vous êtes également beaucoup intéressé à la laïcité. Est-ce que cette dimension universaliste est présente dans son œuvre ?

HPR – A l’égard de l’émancipation, il y a trois grands registres dans l’œuvre de Marx : il y a l’émancipation politique. Elle est indispensable, il suffit de lire les textes qu’il consacre à la révolution française. Puis, il y a l’émancipation intellectuelle et culturelle : par l’école, par le développement de l’instruction. Et cela, c’est très important pour Marx. Et enfin, il y a le registre de l’émancipation, qui a le plus intéressé Marx : l’émancipation économique et matérielle. On comprend pourquoi. Marx ne voulait pas d’une république bourgeoise. La république bourgeoise se satisfait de droits formels. La revendication populaire doit permettre de remplir ces droits formels avec des droits matériels qui donnent chair et vie à ces droits formels. C’est ce fameux passage du “droit de” au “droit à”. Le droit de partir en vacances peut être proclamé pour tout le monde, mais sans les congés payés qui permettent aux prolétaires de partir tout en étant payé, le droit de pouvoir prendre des vacances reste lettre morte.

L’émancipation s’articule au travers de ces trois registres : conquérir des droits politiques et juridiques, conquérir les moyens matériels de remplir ces droits et conquérir la culture et l’instruction, qui permettent aux prolétaires d’accéder au même niveau que les fils de bourgeois. Marx a cultivé ces trois registres d’émancipation. Il fait, par exemple, l’éloge de la Commune de Paris, d’avoir édicté une loi de séparation de l’école et de l’Église, et même de l’Église et de l’État.

Marx est universaliste. Il suffit de lire l’admirable texte des statuts de l’Association Internationale des Travailleurs. Marx conçoit la révolution à venir en terme éthique et universaliste. Il ne s’agit pas, pour la classe ouvrière de substituer sa domination à la domination de la bourgeoisie, mais de faire advenir une société où il n’y aura plus de domination. Bien sûr, il y aura encore des dirigeants de société, d’usines, des gens qui auront une position technique de régulation, mais plus de position politique de domination. Et effectivement, Marx n’a jamais prétendu que l’on pourrait se passer d’une forme de hiérarchie intégrée. C’est une hiérarchie technique et fonctionnelle, mais qui n’instaure pas de domination de certains hommes sur d’autres. C’est en ce sens là qu’il y a un universalisme de Marx. Et d’ailleurs il y a de très beaux textes de Marx où il recommande aux ouvriers d’incorporer dans leurs revendications la destruction du racisme.

LVSL – C’est une pensée qui tranche par rapport à que l’on peut constater dans la société française. On se souvient des déclarations du Président Macron appelant à réparer le lien entre l’Église et l’État, ou des revendications communautaristes portées ici et là. Quelle est votre approche par rapport à cela ?  

HPR – Mon approche, vous pouvez la déduire de tout ce que je viens d’expliciter. Par rapport à cette mouvance qui cherche à raciser les choses, et qui organise des réunions en non-mixité raciale, parce que les gens qui sont victimes de la domination raciste auraient besoin de se battre eux mêmes, pour eux mêmes et qu’il ne faudrait pas les mélanger aux autres. C’est une vision que je récuse. Marx ne pensait pas que l’émancipation du prolétariat devait être seulement l’affaire des prolétaires. Il disait que des bourgeois, pour des raisons éthiques, politiques, ou juridiques, peuvent très bien ne pas supporter l’existence de l’exploitation de l’homme par l’homme, et donc s’allier aux ouvriers pour les aider à s’émanciper. Parce qu’à travers l’émancipation du prolétariat se joue l’émancipation de toute l’humanité.