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Zagreb sera-t-elle nôtre ?
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Alors que des élections locales doivent se tenir en Croatie le 16 mai 2021, Zagreb je Naš (Zagreb est à nous – ZjN), une plateforme politique alliant partis de gauche et écologistes, est sur le point de réaliser un exploit historique1. Tomislav Tomašević, son candidat à la mairie de la capitale, est placé en tête des sondages qui lui prédisent une large victoire au deuxième tour, prévu deux semaines plus tard, et ce quel que soit son adversaire.
Formé début 2017 par un groupe de militant·es issu·es des mouvements sociaux et du milieu des ONG, et travaillant principalement sur des questions liées à l’utilisation de l’espace public, aux biens communs, à l’environnement et à la culture indépendante, ainsi que sur les droits humains et des travailleur·ses, et les causes féministe et LGBTQ, ZjN a introduit une perspective de gauche et écologiste dans le monde politique institutionnel en Croatie. Se présentant fréquemment comme ayant « un pied dans le militantisme et l’autre dans la politique électorale », les idées défendues par ZjN vont, grosso modo, de l’écosocialisme à une vision de gauche libérale. En 2017, ZjN avait présenté des candidat·es aux élections locales à Zagreb dans le but de proposer une alternative crédible à la politique corrompue, clientéliste et nationaliste-populiste qui avait jusque-là caractérisée les autorités locales dans la capitale croate. Plus que tout autre, le politicien Milan Bandić, élu à l’origine comme candidat du Parti social-démocrate (SDP), mais ayant par la suite lancé son propre parti (MB365), était devenu l’incarnation de ces politiques. Au cours de son mandat, qui a duré deux décennies, et jusqu’à son décès soudain le 28 février 2021, il s’était positionné à la tête d’un réseau clientéliste concentré sur l’accumulation de rentes et l’extraction de ressources, notamment à travers des activités dans les domaines de l’immobilier et des holdings de la ville2.
Lors des élections locales de mai 2017, ZjN avait formé une coalition avec d’autres partis écologistes et de la gauche, notamment Radnička fronta (Front des travailleurs – RF) et Nova ljevica (Nouvelle Gauche – NL). Malgré le peu de ressources et de temps à leur disposition, la coalition avait obtenu quatre sièges sur 51 à l’assemblée municipale, remportant près de 8 % des voix, ainsi que plusieurs sièges dans des unités plus petites du gouvernement local. En 2019, les principaux membres de ZjN ont rejoint un groupe de militant·es issu·es du milieu des ONG afin de former Možemo ! (Yes, we can – M !). En alliance avec des partis de la coalition, M ! s’est présenté aux élections européennes de mai 2019 et a obtenu près de 2 % des voix au niveau national, avec une forte présence dans plusieurs centres urbains. Pendant les élections parlementaires croates du 5 juillet 2020, la coalition dirigée par Možemo! a démenti les experts, qui l’avaient décrite comme un groupuscule « ici aujourd’hui mais disparu demain » : bien qu’elle n’ait pas présenté de candidat·es dans toutes les circonscriptions électorales, elle remporte 7% des voix et envoie sept député·es au Parlement, devenant ainsi la cinquième formation politique du pays. Suite à des désaccords, portant davantage sur les méthodes de travail et des problèmes de communication internes à la coalition que sur les orientations politiques, la coopération avec RF s’interrompt en décembre 2020. Možemo ! et ZjN continuent d’exister indépendamment, en coopérant étroitement à Zagreb, alors que M ! opère dans différentes régions de la Croatie, principalement celles où des groupes militants locaux sont actifs depuis plus longtemps.
Les origines de ZjN et de M !, en termes de trajectoires de leurs dirigeant·es et d’évolution de leurs politiques, sont complexes et parfois contestées. De nombreux dirigeant·es de ZjN ont atteint leur maturité militante pendant ce que j’appelle la « troisième vague » des mouvements sociaux après l’indépendance de la Croatie, en s’impliquant dans les luttes contre le capitalisme de connivence, la marchandisation et la privatisation des biens communs et de l’espace public3 et en développant une analyse structurale de l’utilisation délétère des ressources publiques dans la périphérie européenne. Bien que des luttes connexes aient existé à Dubrovnik, Split, Pula et dans d’autres localités, les activités de ces mouvements se sont concentrées sur Zagreb, avec notamment une importante mobilisation entre 2008 et 2010 pour s’opposer à la construction d’un centre commercial, d’appartements de luxe et d’un parking dans la zone piétonne de Cvjetni trg/Varšavska, au centre de la capitale. En 2013 et 2014, une campagne nationale contre le projet du gouvernement, alors dirigé par le SDP, de privatiser des autoroutes, a également réuni des activistes du mouvement social et des syndicalistes. En outre, une vague de protestations et d’occupations menées par les étudiant·es contre l’introduction de frais de scolarité dans l’enseignement supérieur, à travers toute la région y compris à la faculté des sciences humaines et sociales de l’université de Zagreb, a également constitué une expérience formatrice pour beaucoup. Un certain nombre de personnes impliquées dans Možemo ! ont également travaillé dans des ONG de la « deuxième vague », mais plutôt dans celles qui, tout en étant axées sur des projets, combinaient à ces approches technocratiques des visions plus ouvertement politisées. En effet, certain·es membres de la coalition, en particulier celles et ceux de NL, ont une expérience au sein des réseaux anti-guerre et anti-nationalistes et des associations de femmes qui se sont développés en Croatie pendant les guerres du début des années 1990.
En matière de points de référence et d’inspiration, si les Verts européens, Bernie Sanders, Jeremy Corbyn, Podemos et Syriza méritent d’être mentionnés, ce sont les nouveaux mouvements municipaux dans un certain nombre de villes espagnoles, notamment la plateforme citoyenne Barcelona en Comú et des plateformes similaires à Valence et Madrid, ainsi que les initiatives transnationales Right to the City, qui ont le plus servi de modèle. La Zelena Akademija (Académie verte) a en outre constitué une plateforme d’une importance capitale afin de forger les personnalités et les visions politiques du ZjN : tenue tous les deux ans sur l’île croate de Vis depuis 2008, l’Académie verte fut à l’origine organisée par la Heinrich Böll Stiftung, la fondation du parti écologiste allemand, avant d’être prise en main par son successeur local en Croatie, l’Institut d’écologie politique (IPE). Le candidat à la mairie de Zagreb, Tomislav Tomašević, a été employé de l’IPE alors que l’une des candidates adjointes à la mairie, Danijela Dolenec, professeure associée à la faculté de sciences politiques de l’université de Zagreb, a présidé son conseil académique pendant de nombreuses années. Outre les questions de décroissance et de transformation verte, des thèmes tels que le socialisme municipal et les expériences des villes rebelles y ont occupé une place importante ces dernières années. La Zelena Akademija a par ailleurs joué un rôle essentiel dans la promotion d’échanges avec des groupes militants en Europe du Sud-Est et au-delà.
ZjN a ainsi emprunté à Barcelona en Comú un certain nombre d’éléments liés à la prise de décision démocratique, notamment l’idée de cercles concentriques de coordination et de soutien. Le groupe considère par ailleurs que la question des méthodes et des processus est inséparable de celle du contenu de son programme politique, et tout aussi importante : il a ainsi mis en pratique les concepts de démocratie directe et de communication horizontale dans ses rangs, avec ses partenaires mais aussi, et surtout, avec les citoyen·nes. Son programme pour les élections locales a été élaboré par quelque trente-trois groupes de travail, à la fois thématiques et régionaux, impliquant environ 200 personnes4. Les besoins et les priorités des citoyen·nes ont été recueillis de manière systématique, par le biais de consultations au niveau local et d’un questionnaire en ligne, rempli par quelque 10 000 personnes. Le ZjN a présenté son programme comme une occasion unique de construire une autre Zagreb et de mettre en œuvre une planification participative, en partenariat avec les citoyen·nes, une comptabilité et une budgétisation transparentes, à un système d’attribution des emplois et des contrats basé non pas sur les relations interpersonnelles mais sur les compétences. Ces mesures sont ancrées dans des pratiques de recrutement et de commandes publiques transparentes, écologiques et socialement justes, ainsi que dans une politique de préservation des biens et des actifs de la ville.
La vision est celle d’une ville revitalisée, respectueuse de l’environnement, qui met l’accent sur l’efficacité énergétique, notamment via les panneaux solaires, le traitement sécurisé des déchets, l’amélioration de la gestion de l’eau et le recyclage, ainsi qu’un système de transport plus intégré et à faible émission de carbone. Une autre priorité est un développement équilibré et polycentrique de la ville, des logements publics abordables, davantage d’espaces publics, et des services de santé, préscolaires et sociaux améliorés et plus équitables, avec pour priorités une meilleure accessibilité pour les personnes handicapées et de meilleurs services pour les personnes âgées, les personnes souffrant de problèmes de santé mentale et les survivant·es de violences familiales. La transformation de chaque quartier devrait passer par l’ouverture de centres culturels et communautaires et le développement de l’accès au sport et aux loisirs pour toutes et tous. La nature de la gouvernance locale devrait en sortir profondément changée, passant du modèle du maire/shérif qui décide de tout, à une prise de décision plus décentralisée, avec un rôle plus important pour les petits services du gouvernement local et une consultation active des citoyen·nes et des utilisateur·euses des services. Tomašević a laissé entendre que ses priorités immédiates, une fois devenu maire, seraient de commander un audit indépendant des finances de la ville, de demander la démission de tou·tes les chef·fes de section et d’ouvrir des concours pour accéder à l’emploi dans une administration municipale réformée, et enfin de proposer un plan d’aménagement urbain.
Le programme de ZjN semble vouloir trouver un équilibre entre « normalisation » et « transformation » de la gouvernance urbaine : entre une politisation radicale des structures, une croyance dans le pouvoir de la technocratie et de l’expertise, et une foi dans la démocratie directe et le bon sens des citoyen·nes ; en somme, entre un programme de gauche et écologiste véritablement progressiste et une approche plus libérale. Ainsi, en avril dernier, la création d’un « Conseil consultatif » a été présentée au public (potentiellement afin de contrer des critiques quant au manque d’expérience de Tomašević) : bien que n’étant pas orienté vers une gouvernance technocratique néolibérale, ce Conseil ne semble pas non plus empreint de zèle révolutionnaire et anticapitaliste. Une autre préoccupation à garder à l’esprit est l’absence relative de membres dotés d’une perspective de gauche radicale sur les sujets de l’économie et des finances, ce qui donne du poids à la critique « comment allez-vous payer pour tout ce que vous proposez ? » dans certains milieux.
Bien que beaucoup de choses puissent changer à l’approche des élections, Tomašević obtient actuellement un score d’environ 37 % dans les sondages, soit une avance de plus de 20 points sur son plus proche rival. L’identité de celui ou celle qui arrivera en deuxième position et sera, par conséquent, l’adversaire de Tomašević au second tour, n’est pas certaine, mais il pourrait s’agir du candidat du parti de droite actuellement au pouvoir (HDZ) Davor Filipović5, du candidat du SDP Joško Klišović6 ou même de la candidate de BM365 Jelena Pavičić Vukičević7
. Tomašević a cependant une bonne avance sur tou·tes ses adversaires potentiel·les. Il est néanmoins crucial de souligner qu’alors même qu’il obtient jusqu’à 30 % dans certains sondages, il est très peu probable que le ZjN puisse obtenir à lui seul une majorité à l’Assemblée municipale, qui compte 47 sièges. L’espoir d’une majorité viable repose ainsi sur l’idée d’une coalition, formelle ou informelle, avec le SDP et un petit parti centriste, le GLAS. Si cela semble actuellement possible, rien n’est cependant garanti, à plus forte raison puisqu’aucun autre parti susceptible d’être représenté à l’Assemblée ne constitue un allié acceptable pour le ZjN et puisque le ZjN ne s’engagera dans aucun type de marchandage politique : ainsi, il est possible que le groupe ne dispose que d’une marge de manœuvre limitée.
À l’approche des élections, les attaques personnalisées et les coups bas du HDZ et d’autres groupes de droite, ainsi que les scandales inventés de toutes pièces par certains médias néolibéraux, nationalistes et/ou clientélistes, risquent de se multiplier. Les grandes lignes sont toutes trouvées : Zagreb ne peut être livrée à des activistes radicaux qui détestent la Croatie, n’ont aucune expérience en matière de gouvernement et sont sans aucun doute financé·es de l’étranger (George Soros a été invoqué plus d’une fois) et/ou par de mystérieux donateurs nationaux ayant leur propre agenda. La gauche a également formulé certaines critiques – généralement constructives mais pas toujours. Une partie de ces reproches concerne la base du mouvement, qui est fortement ancrée dans une nouvelle classe moyenne professionnelle et citadine, composée de personnes hautement qualifiées et n’inclut que peu de membres de la classe ouvrière. Il s’agit d’un problème complexe, notamment lié à la manière dont l’appartenance de classe, la précarité et l’inégalité fonctionnent dans une ville postindustrielle telle que Zagreb. Il est aussi crucial de déterminer d’où vient ce problème, et s’il concerne principalement les fondateur·rices, les militant·es et/ou les partisan·es de la plate-forme, ou bien s’il résulte d’un manque d’attention porté aux plus opprimé·es (ce qui est contestable). En réalité, ZjN est à l’image d’une sorte de « nouvelle gauche » laquelle, sans ignorer les structures matérielles de classe, ne les considère pas comme antérieures, surdéterminantes et plus importantes que les structures d’oppression basées sur le genre, l’ethnicité, le handicap, l’âge et la sexualité. Une autre critique concerne le peu de référence positive au socialisme yougoslave : bien que certaines figures clés de la plate-forme portent un intérêt marqué au souvenir de la période socialiste et, en particulier, à l’héritage de l’autogestion des travailleur·euses, il ne s’agit pas d’une référence cruciale pour la plupart des membres, d’autant que beaucoup n’ont aucun souvenir direct des différentes phases du socialisme qui a pris fin, à toutes fins utiles, il y a plus de trois décennies.
Il y a, bien sûr, une dimension régionale à ZjN et à son succès, qui est le produit d’un renouveau des idées de gauche et d’une radicalisation du mouvement social au cours des quinze dernières années. Mais, ce qui est peut-être encore plus important, c’est que la capacité de la plateforme à mobiliser par le biais des médias sociaux, combinée à une campagne positive et à une utilisation exemplaire des médias et la priorité accordée à l’écoute active des préoccupations des habitant·es de la ville, s’est avérée une recette efficace pour bâtir une bonne réputation, un processus pouvant être long. Le ZjN s’est développé de manière organique et progressive, en créant des alliances et en utilisant des réseaux interdépendants, a également énormément contribué à la promotion de l’égalité des genres en termes de participation politique et à recréér un imaginaire autour de ce que pouvait être l’engagement politique. En ce sens, le ZjN semble remarquablement différent de l’opportunisme politique habituel : grâce à son travail acharné notamment après les récents tremblements de terre à Zagreb et dans d’autres parties de la Croatie, mais aussi pendant la crise du COVID, et par sa présence dans des instances telles que l’Assemblée de la ville et le Parlement croate, le mouvement semble être bien parti pour demeurer un acteur politique central. En effet, s’inspirant du succès de Zagreb, les élections locales ont vu l’émergence d’un certain nombre de groupements Možemo ! dans d’autres villes, souvent dirigés par des personnalités issues du mouvement social et respectées dans les cercles militants. La victoire à Zagreb pourrait également entraîner un réalignement à gauche de la politique croate, notamment par une radicalisation du SDP ou, du moins, une suppression de ses structures clientélistes. De tels processus pourraient constituer un tremplin pour un véritable changement au niveau national dans la politique croate, à trois ans des prochaines élections parlementaires. Lors de consultations dans la ville de Šibenik en septembre 2017, notamment avec des membres dirigeant·es de Podemos et Syriza, les difficultés de passer de l’activisme indépendant à la politique électorale et, plus important encore, la différence entre « gagner une élection » et « prendre le pouvoir » ont été longuement discutées avec les militants de ZjN. Implicitement, l’accent mis sur le « nouveau municipalisme » ou le « socialisme municipal » suggère que le changement radical parait plus facile à réaliser à l’échelle urbaine qu’à l’échelle nationale, notamment en créant un élan en répondant aux besoins des citoyen·nes de manière directe et relativement rapide.
En même temps, bien sûr, les villes sont (tout autant que les États) intégrées dans des rapports capitalistes variés ; les mêmes agences de notation que celles encadrant les États utilisent des paramètres néolibéraux semblables pour déterminer les coûts des emprunts sur les marchés financiers, et ainsi de suite. Les obstacles entre succès électoral et une réelle prise de pouvoir à Zagreb sont accentués, bien sûr, par la nature obscure des finances de la ville et par le pouvoir de résistance détenu par de nombreux fonctionnaires clés en poste depuis deux décennies. Une préférence pour le capital « national » et/ou « orienté vers l’investissement » par rapport au capital « étranger » et/ou « prédateur » ne suffira pas à garantir un changement durable. Travailler de manière multi-scalaire, y compris au niveau régional et international, en s’appuyant sur l’expérience des plates-formes et des mouvements radicaux et en impliquant des conseillers techniques et financiers issues de la gauche et ayant une expérience internationale, ainsi qu’en sachant tirer les leçons de ce qui a fonctionné ailleurs, sera crucial pour construire un projet émancipateur à long terme. Ce projet pourrait avoir des implications massives dans la région et au-delà.
*
Paul Stubbs est un sociologue né au Royaume-Uni qui vit et travaille à Zagreb, en Croatie, depuis 1994. Ses travaux portent sur la circulation des politiques publiques, les acteurs internationaux des politiques sociales et, plus récemment, sur l’histoire du socialisme yougoslave, de la protection sociale et du Mouvement des non-alignés. Son dernier ouvrage, Socialist Yugoslavia and the Non-Aligned Movement : social, cultural, political and economic imaginaries, sera publié par McGill-Queens’ University Press en 2022.
*
Texte original publié par LeftEast.
Traduction Céline Cantat.
Notes
[1] L’auteur de ce texte est membre du groupe de soutien de ZjN depuis sa création : il participe régulièrement aux réunions et aux votes sur des questions telles que la sélection des candidat·es et le choix des partenaires de coalition. Il a également travaillé sur les aspects du programme de la plateforme relatifs à la politique sociale pour les élections locales de 2017 et 2021 et pour les élections parlementaires de 2020 (pour ZjN-Možemo !). Il n’occupe aucune fonction officielle au sein de la plateforme et n’a aucune ambition politique !
[2] Voir Hoffmann, Dražen, Nives Miošić-Lisjak, Duje Prkut, Dragan Jelić, Paul Stubbs, Berto Šalaj et Siniša Zrinščak (2017) Croatia’s Caputred Places : studies on the quality of local governance pour un aperçu de la capture de l’État local à Zagreb, entre autres sites en Croatie. https://www.gong.hr/media/uploads/croatia’s_captured_places.pdf
3] Stubbs, Paul (2012) « Networks, Organisations, Movements : narratives and shapes of three waves of activism in Croatia », Polemos 15 (2) : 11-32, .
https://www.gong.hr/media/uploads/croatia’s_captured_places.pdf
[4] Le programme dans son intégralité se trouve, en croate, sur https://zagreb.mozemo.hr/program/
[5] Filipović, un candidat faible choisi alors que le parti au pouvoir s’attendait à pouvoir continuer à travailler de manière informelle avec Bandić en tant que maire, a mené une campagne qui consiste presque uniquement à attaquer contre Tomašević.
[6] Klišović a été désigné comme candidat du SDP après un remaniement en profondeur du parti dans la capitale. Il ne s’est pas livré à une campagne agressive et semble prêt à travailler avec Tomašević et ZjN après les élections.
[7] Pavičić Vukičević, un proche associé de Bandić, s’est lancé tardivement dans la course, sans doute encouragé à se présenter par des intérêts clientélistes qui craignent que leur réseau d’influence ne soit brisé. Sa candidature a récemment été évoquée par un grand journal national.