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L’Amérique de Biden vend toujours des armes aux ravageurs du Yémen
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
» L’Amérique de Biden vend toujours des armes aux ravageurs du Yémen (les-crises.fr)
Le président américain semble d’accord pour maintenir un large approvisionnement du Moyen-Orient en armes américaines. C’est l’un des nombreux reproches faits à ce contrat de 23 milliards de dollars avec les Émirats arabes unis.
Source : Responsible Statecraft, Medea Benjamin et Ariel Gold
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises
Les femmes yéménites vivent en plein air après avoir été déplacées de leurs maisons en 2016 (akramalrasny / Shutterstock)
La récente annonce de l’administration Biden donnant le feu vert à une vente d’armes massive de 23 milliards de dollars aux Émirats arabes unis tourne en dérision son engagement à mettre les droits de l’homme au premier plan de sa politique étrangère. Le rôle désastreux joué par les Émirats au Yémen et en Libye, ainsi que leur bilan déplorable en matière de Droits de l’Homme dans leur pays, devraient les disqualifier pour l’acquisition d’armes de pointe.
L’accord a été négocié sous l’administration Trump et a été révélé moins d’une semaine après que Donald Trump ait annoncé la normalisation des relations entre Israël et les EAU, connue sous le nom d’accords d’Abraham. Alors que le public se régalait de la soi-disant brillante initiative de paix de Trump, la clause secrète qui adoucissait l’accord a été divulguée : les États-Unis vendraient des milliards de dollars d’armes à l’État du Golfe – 50 avions de chasse F-35, 18 drones Reaper et divers missiles, bombes et munitions.
Les EAU et Israël n’ont jamais été en guerre et entretenaient des liens officieux depuis des années, mais cet « accord de paix » a permis à l’administration Trump de contourner une politique qui exige que les États-Unis garantissent la supériorité militaire d’Israël dans la région. L’administration a également présenté la vente comme nécessaire pour que les Émirats arabes unis puissent contrer la menace posée par l’Iran.
Le Premier ministre israélien Bibi Netanyahu, roi du drame en politique, a d’abord feint d’être scandalisé par le fait qu’un autre pays du Moyen-Orient qu’Israël puisse posséder des F-35 de haute technologie, mais il a rapidement été révélé que le Premier ministre était au courant depuis le début et qu’il avait approuvé l’accord avec sa propre réserve : Israël recevrait des armes américaines supplémentaires pour « équilibrer » celles destinées aux EAU.
Les opposants au contrat d’armement au Congrès ont réagi en présentant une résolution bipartite de désapprobation pour bloquer la vente. Étonnamment, le sénateur belliciste Bob Menendez (D-NJ), président de la commission sénatoriale des Affaires étrangères, a pris la tête de la résolution avec les sénateurs Chris Murphy (D-Conn.) et Rand Paul (R-KY). Ils ont fait part de leurs inquiétudes quant au moment choisi pour contourner le Congrès, à l’implication troublante des EAU au Yémen et en Libye, et aux relations militaires des EAU avec la Russie et la Chine.
Bien que leur proposition ait été rejetée, lorsque Joe Biden est entré en fonction, le département d’État a mis en attente cette vente, ainsi qu’un contrat d’armement que Trump avait négocié avec l’Arabie saoudite. Les groupes de défense des droits de l’homme pensaient que l’examen de Joe Biden pourrait conduire à l’annulation de l’accord mais, apparemment, les pressions géopolitiques, les faucons de l’administration et les pressions du lobby de l’armement l’ont emporté.
Les entreprises qui devraient tirer de gros bénéfices de cette vente sont Lockheed Martin, Raytheon, General Atomics et Northrop Grumman. Lockheed Martin obtiendra 10,4 milliards de dollars en vendant 50 de ses F-35. Selon le New York Times, Raytheon, le plus grand fournisseur de bombes, a fait pression sur l’administration Trump pour obtenir cet accord. Le secrétaire à la Défense de Trump, Mark Esper, était un lobbyiste de Raytheon et le secrétaire à la Défense de Biden, Lloyd Austin, est un ancien membre du conseil d’administration de Raytheon.
Le rôle des Émirats arabes unis au Yémen aurait dû suffire à faire échouer l’accord. Depuis six ans, une coalition soutenue par les États-Unis et dirigée par l’Arabie saoudite mène au Yémen une guerre si brutale que, selon David Beasley, directeur exécutif du Programme alimentaire mondial, cette nation déchirée par la guerre est un « enfer sur terre » où un enfant yéménite meurt toutes les 75 secondes.
En 2017, Human Rights Watch et l’Associated Press ont accusé les EAU de gérer des prisons secrètes au Yémen où les prisonniers étaient soumis à d’horribles formes de torture. D’anciens détenus décrivent des conditions de vie exiguës, couverts d’excréments, battus, agressés sexuellement et ligotés sur un « gril ». « Nous pouvions entendre les cris » a déclaré un ancien détenu pendant six mois à l’aéroport de Rayan. « L’endroit tout entier est saisi par la peur. Presque tout le monde est malade, les autres sont proches de la mort. Quiconque se plaint se dirige directement vers la chambre de torture » a déclaré un ancien détenu.
En plus de leur implication directe, les Émirats arabes unis ont soutenu des bélligérants locaux – environ 90 000 combattants – en leur fournissant une formation directe, un renforcement des capacités, une assistance logistique et des salaires. Ils ont également fait appel à des mercenaires venus d’aussi loin que la Colombie, et les armes vendues aux EAU se sont retrouvées entre les mains de milices liées à al-Qaïda au Yémen.
Des plaintes ont été déposées devant des tribunaux au Royaume-Uni, en Turquie et aux États-Unis, alléguant que les mercenaires des EAU au Yémen ont commis des violations des droits humains et des crimes de guerre. Elles affirment également que les Émirats arabes unis se sont joints aux Saoudiens pour faire respecter un blocus naval qui a empêché les populations dans le besoin d’obtenir du carburant, de la nourriture et des médicaments, en engageant plus de 30 avions de chasse pour effectuer des frappes aériennes et des navires pour faire respecter le blocus de la coalition.
Soucieux de sortir d’une guerre perdue qui a été si mauvaise pour leur image, les Émirats ont organisé une cérémonie le 9 février 2020 pour marquer la fin de leur implication dans la guerre au Yémen, passant d’une « stratégie de priorité militaire à une stratégie de priorité à la paix.» Mais les groupes humanitaires sur le terrain nous disent que les EAU maintiennent une présence à Socotra, à Mukallah, et une petite présence à Aden. En outre, ils offrent un soutien financier et militaire à une variété de groupes armés et de mouvements politiques qui ont eu une influence déstabilisante dans tout le pays, en particulier dans le sud.
En Libye, les EAU ont contribué à une destruction massive en soutenant le général Khalifa Haftar dans sa lutte ratée contre le gouvernement internationalement reconnu de Tripoli. Les Nations Unies ont constaté que les EAU violaient l’embargo sur les armes imposé par le Conseil de sécurité de l’ONU à la Libye en fournissant des équipements de combat à la milice de Haftar, un groupe connu pour ses violations des droits de l’homme. Un rapport de 2020 du ministère américain de la Défense a accusé les Émirats arabes unis de financer et de soutenir les mercenaires russes en Libye et un rapport de janvier 2021 du groupe d’experts sur le Soudan a révélé que les Émirats arabes unis ont eu des « relations directes » avec des groupes armés de la région soudanaise du Darfour qui combattent en Libye.
Une plainte déposée devant le tribunal de district des États-Unis par le New York Center for Foreign Policy Affairs au nom des victimes des actions des EAU en Libye affirme que « des preuves nombreuses et accessibles au public suggèrent que les armes vendues seront utilisées en violation directe de la paix mondiale et de la sécurité des États-Unis, ainsi que de la politique américaine antérieure. »
Un autre argument contre cette vente est qu’elle alimente la course aux armements au Moyen-Orient. Si les Émirats arabes unis sont sur le point de devenir le premier État arabe à acquérir des F-35, ils ne seront pas les derniers. Le Qatar a déjà demandé à les acheter et l’Arabie saoudite suivra probablement. Israël attend des armes supplémentaires en plus des 3,8 milliards de dollars qu’il reçoit déjà chaque année des États-Unis en assistance militaire.
Cette vente accroît également la tension avec l’Iran à un moment où l’administration Biden tente d’amener l’Iran non seulement à réduire son programme nucléaire, mais aussi à réduire ses missiles balistiques et ses activités militaires dans la région. Il est certain que l’intensification des ventes d’armes à un adversaire iranien clé le dissuadera de se démilitariser.
Une dernière raison de s’opposer à l’accord est la situation intérieure des EAU. Le prince Mohammed bin Zayed est un dictateur rusé du Moyen-Orient qui utilise les ressources militaires et financières de son pays pour contrecarrer les avancées vers la démocratie et le respect des droits de l’homme sous couvert de lutte contre le terrorisme islamique. Les Émirats arabes unis restreignent la liberté d’expression et font taire les dissidents.
L’homosexualité et l’apostasie sont des crimes capitaux dans ce pays musulman, et les peines légales toujours en vigueur comprennent la lapidation, l’amputation, la crucifixion et la flagellation. Selon Amnesty International, en 2020, malgré la pandémie de la Covid-19, les Émirats arabes unis ont continué à détenir des dizaines de prisonniers d’opinion, dont l’éminent défenseur des droits humains Ahmed Mansoor. Le gouvernement maintient des opposants en détention arbitraire et un certain nombre de prisonniers restent incarcérés alors qu’ils ont purgé leur peine.
Le 15 avril 2021, une coalition multipartite de parlementaires européens a condamné la répression systématique de la liberté de parole et d’expression, et a demandé la libération de tous les prisonniers d’opinion, la fin de la torture et des mauvais traitements infligés à ces prisonniers, ainsi que la protection des familles des prisonniers contre les châtiments collectifs.
Un autre groupe soumis à toutes sortes d’abus est constitué par les millions de migrants qui travaillent dans les Émirats dans le cadre du système de la kafala, un système de parrainage par visa qui prive les travailleurs de leurs droits fondamentaux.
Confronté à des crises intérieures telles qu’une pandémie, une économie malmenée et des tensions raciales explosives, le président Biden comprend la nécessité de concentrer son attention sur les questions intérieures et de mettre un terme aux implications militaires des deux dernières décennies. Sa récente annonce du départ des troupes américaines d’Afghanistan d’ici le 11 septembre 2021 en témoigne.
Mais la vente d’armes aux Émirats arabes unis, d’un montant de 23 milliards de dollars, est un geste désastreux dans la direction opposée. Elle place les États-Unis du côté d’un violeur en série des droits de l’homme et enflamme une région déjà inondée de beaucoup trop d’armes. Les sénateurs Menendez et Feinstein ont introduit une nouvelle série de lois visant à contrôler la vente des F-35, mais c’est l’ensemble de la vente qui doit être remis en question. Si Biden refuse de faire passer les préoccupations nationales et les droits de l’homme avant les profits des fabricants d’armes, le Congrès doit intervenir et adopter une législation pour l’arrêter.
Source : Responsible Statecraft, Medea Benjamin et Ariel Gold – 22-04-2021
Traduit par les lecteurs du site Les-Crises