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Chris Hedges : "Biden est le produit de notre système de corruption légalisée"

Biden

Lien publiée le 9 juin 2021

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

» Chris Hedges : « Biden est le produit de notre système de corruption légalisée » (les-crises.fr)

Ne vous laissez pas berner par Joe Biden. Il sait que ses projets de loi sur les infrastructures et l’éducation ont autant de chances d’être adoptés que le salaire minimum de 15 dollars ou les chèques de relance de 2 000 dollars qu’il nous a promis en tant que candidat.

Source :Consortium News, Chis Hedges
Traduit les lecteurs Les-Crises

Le président Joe Biden en mars. (Maison Blanche, Adam Schultz)

Ne vous laissez pas berner par Joe Biden. Il sait que ses projets de loi sur les infrastructures et l’éducation ont autant de chances d’être adoptés que le salaire minimum de 15 dollars ou les chèques de relance de 2 000 dollars qu’il nous a promis en tant que candidat.

Il sait que son plan pour l’emploi ne créera jamais « des millions d’emplois bien rémunérés – des emplois grâce auxquels les Américains peuvent élever leur famille », pas plus que l’ALENA, qu’il a soutenu, ne créerait, comme cela avait également été promis, des millions d’emplois bien rémunérés.

Son mantra « acheter américain » n’a aucune valeur. Il sait que la grande majorité de nos produits électroniques grand public, de nos vêtements, de nos meubles et de nos biens industriels sont fabriqués en Chine par des travailleurs qui gagnent en moyenne un ou deux dollars de l’heure et ne disposent ni de syndicats ni de droits fondamentaux du travail.

Il sait que son appel à réduire les franchises et les coûts des médicaments sur ordonnance dans la loi sur les soins abordables [Le Patient Protection and Affordable Care Act, surnommée « Obamacare », est une loi votée par la 111ᵉ législature du Congrès des États-Unis et promulguée par le président Barack Obama le 23 mars 2010, NdT] ne sera jamais accepté par les entreprises qui tirent profit des soins de santé.

Il sait que les entreprises qui financent le parti démocrate veilleront à ce que leurs lobbyistes continuent de rédiger les lois qui leur garantissent de payer peu ou pas d’impôts. Il sait que les subventions aux entreprises et les incitations fiscales qu’il propose comme solution à la crise climatique ne feront rien pour arrêter la fracturation du pétrole et du gaz, la fermeture des centrales au charbon ou la construction de nouveaux gazoducs pour les centrales au gaz.

Ses promesses de réforme n’ont pas plus de poids que celles affichées par Bill Clinton et Barack Obama, que Biden a servis servilement et qui ont également promis l’égalité sociale tout en trahissant les travailleurs et les travailleuses.

Biden est la parfaite illustration de la créature sans âme et amorale produite par notre système de corruption légalisée. Sa longue carrière politique au Congrès se définit par sa capacité à représenter les intérêts des grandes entreprises, en particulier les sociétés de cartes de crédit implantées dans le Delaware. On le surnommait le sénateur Credit Card. Il a toujours dit avec désinvolture au public ce que celui-ci voulait entendre avant de vendre tout le monde.

Il a été l’un des principaux partisans et concepteurs d’une vague de lois fédérales « sévères à l’encontre de la criminalité » qui ont contribué à militariser la police nationale et à faire plus que doubler la population du plus grand système carcéral au monde, avec des directives sévères en matière de peines obligatoires et des lois qui mettent des gens en prison à vie pour des crimes non violents liés à la drogue, alors même que son fils luttait contre la dépendance. Il a été l’un des principaux auteurs du Patriot Act, qui a commencé à nous priver de nos libertés civiles les plus fondamentales. Et il n’y a jamais eu un seul programme d’armement ou de guerre qu’il n’ait pas soutenu.

Rien de sérieux ne changera sous Biden, en dépit de toute cette excitation à l’idée qu’il puisse être le prochain FDR [Franklin Delanoe Roosevelt, NdT].

La somme de 715 milliards de dollars demandée par Biden pour le ministère de la défense pour l’exercice 2022, soit une augmentation de 11,3 milliards de dollars (1,6 %) par rapport à 2021, viendra soutenir non seulement les provocations militaires désastreuses avec la Chine et la Russie auxquelles il adhère, mais aussi les guerres sans fin au Moyen-Orient et l’industrie hypertrophiée de la défense.

Les mécanismes du capitalisme prédateur

La surveillance gouvernementale généralisée ne sera pas diminuée. Julian Assange restera une cible. Les industries qui ont été délocalisées à l’étranger et les emplois syndiqués bien rémunérés ne reviendront pas. Les rouages du capitalisme prédateur, et le sadisme qui le définit, empoisonneront la société aussi impitoyablement sous Biden que lorsque Donald Trump dirigeait sa présidence via Twitter.

(Illustration originale par M. Fish)

Le sadisme définit désormais presque toutes les expériences culturelles, sociales et politiques aux États-Unis. Il s’exprime dans la cupidité d’une élite oligarchique qui a vu sa richesse augmenter de 1 100 milliards de dollars pendant la pandémie, alors même que le pays connaissait sa plus forte augmentation de taux de pauvreté depuis plus de 50 ans.

Il s’exprime dans les exécutions extrajudiciaires perpétrées par la police dans des villes comme Minneapolis. Il s’exprime au travers de notre complicité dans le massacre de Palestiniens non armés par Israël, dans la crise humanitaire engendrée par la guerre au Yémen et dans le règne de la terreur en Afghanistan, en Irak et en Syrie. Il s’exprime au travers de la torture dans nos prisons et nos sites noirs [Les prisons secrètes de la Central Intelligence Agency (aussi appelées black sites, ou « sites noirs ») désignent des prisons clandestines contrôlées par l’agence américaine dans différents pays, NdT]. Il s’exprime au travers de la séparation des enfants et de leurs parents sans papiers, enfants qui sont alors détenus comme des chiens dans un chenil.

L’historien Johan Huizinga [Historien néerlandais, (1872-1945) spécialiste de l’histoire culturelle dans la lignée de Jacob Burckhardt, NdT] écrivant sur le crépuscule du Moyen Âge, expliquait que lorsque les choses se délitent, alors on adopte le sadisme pour pouvoir affronter l’hostilité d’un univers devenu apathique. N’étant plus reliée à un dessein commun, une société en rupture se replie sur le culte du moi. Comme le font les entreprises de Wall Street et la culture de masse au travers des émissions de télé-réalité, elle met en vedette les comportements classiques des psychopathes : charme superficiel, grandiloquence et suffisance ; besoin de stimulation constante ; penchant pour le mensonge, la tromperie et la manipulation ; incapacité à éprouver remords ou culpabilité.

Obtenez ce que vous pouvez, aussi vite que vous le pouvez, avant que quelqu’un d’autre ne le fasse. C’est là ce qui caractérise l’état de nature [L’état de nature est une notion de philosophie politique forgée par les théoriciens du contrat à partir du XVIIᵉ siècle qui s’oppose à l’état civil, NdT], la « guerre de tous contre tous », que Thomas Hobbes voyait comme la conséquence de l’effondrement social, un monde dans lequel la vie devient « solitaire, pauvre, méchante, brutale et courte ». Et ce sadisme, comme l’a compris Friedrich Nietzsche, alimente un plaisir pervers et sadique.

Pour la plupart des Américains, la seule issue est de faire comme Biden, se mettre au service de la machine sadique. L’appauvrissement de la classe ouvrière a conditionné des dizaines de millions d’Américains pour qu’ils acceptent d’être recrutés au service d’une police militarisée qui fonctionne comme une armée létale d’occupation interne ; d’une armée qui fait régner la terreur par le biais des occupations à l’étranger ; d’agences de renseignement qui pratiquent la torture dans des sites noirs partout dans le monde ; d’un vaste réseau d’espionnage du gouvernement sur les citoyens ; du vol d’informations personnelles par les agences de crédit et les médias numériques ; du plus grand système carcéral au monde ; d’un service d’immigration qui traque des personnes qui n’ont commis aucun crime et sépare les enfants de leurs parents pour les entasser dans des entrepôts ; d’un système judiciaire qui condamne les pauvres à des décennies d’incarcération, souvent pour des délits non violents, et leur refuse un procès avec jury ; des entreprises qui effectuent le sale boulot des expulsions, en interrompant les services publics, y compris l’eau, en recouvrant des dettes usuraires qui poussent les gens à la faillite et en privant de tout service de santé ceux qui ne peuvent pas payer ; des banques et des prêteurs sur gages qui accablent les personnes démunies au moyen de prêts prédateurs à taux d’intérêt élevé ; et d’un système financier conçu pour maintenir la majeure partie du pays enfermée dans un système de dettes paralysant, alors que la richesse de l’élite oligarchique atteint des niveaux jamais rencontrés dans l’histoire américaine.

Arrestation d’un membre présumé d’un gang à Corpus Christi, au Texas, en juin 2020. (Bureau du Marshall des États-Unis, Flickr)

Ce sont là quelques-uns des rares emplois qui sont bien rémunérés. Ils procurent un sentiment de toute-puissance, car les victimes, elles, sont quasiment sans défense. Au service de l’État ou des entreprises, les employés peuvent malmener, humilier et même tuer en toute impunité, comme l’illustre le meurtre quasi quotidien de civils non armés par la police. Le fait d’être au service de centres monolithiques de pouvoir absout les gens de tout choix moral. Il confère une omnipotence divine.

A quoi ressemble ce sadisme

Nous savons à quoi ressemble ce sadisme. Il a le visage de Derek Chauvin étouffant nonchalamment George Floyd sous le regard impassible de ses collègues policiers. Il a le visage d’Andrew Brown Jr, abattu de cinq balles par la police en Caroline du Nord, dont une à l’arrière de la tête. Il a le visage d’Abner Louima, à qui la police a enfoncé un manche à balai dans le rectum dans les toilettes du commissariat du 70e arrondissement de Brooklyn, ce qui a nécessité trois interventions chirurgicales majeures pour réparer les blessures internes.

Un prisonnier nu à Abu Ghraib utilisé comme cible pour l’entraînement au tir par des soldats américains. (Gouvernement américain, Wikimedia Commons)

Il a aussi le visage du chef des opérations spéciales des Navy Seals, Edward Gallagher, abattant au hasard des civils non armés et utilisant un couteau de chasse pour, à plusieurs reprises, poignarder à mort un prisonnier irakien de 17 ans, blessé et sous sédatif, avant de se photographier avec le cadavre. Il a le visage des civils irakiens, dont peu avaient quelque chose à voir avec l’insurrection, nus, ligotés, battus, humiliés sexuellement et violés, et parfois même assassinés, par des gardes de l’armée et des mercenaires à Abu Ghraib.

Les prisonniers d’Abu Ghraib étaient régulièrement traînés sur le sol de la prison par une corde attachée à leur pénis et des lampes chimiques étaient utilisées pour les sodomiser ou étaient brisées pour que le liquide phosphorique puisse se déverser sur leur corps nu. Il a le visage des femmes qui sont torturées, battues, dégradées et violées sexuellement, souvent par de nombreux hommes, dans des films pornographiques, et qui sont ensuite rejetées après quelques semaines ou mois souffrant de graves traumatismes, ainsi que de maladies sexuellement transmissibles et de déchirures vaginales et anales nécessitant une reconstruction chirurgicale.

Les sociétés sadiques condamnent des pans de la population – en Amérique, ce sont les Noirs pauvres, les musulmans, les sans-papiers, la communauté LGBTQ, les anticapitalistes radicaux, les intellectuels – comme des déchets humains. Ils sont perçus comme des contaminants sociaux. Les sociétés sadiques élaborent des lois, des institutions et des structures bureaucratiques qui fonctionnent, selon les termes de Max Weber, comme une « mécanique inerte ».

La machine force la plupart des gens à se fondre dans la masse, quant à ceux qui acceptent de faire son sale boulot, elle leur permet de s’élever au-dessus de la multitude. Ceux qui exercent le sadisme au nom de l’élite au pouvoir craignent d’être repoussés dans la masse. C’est la raison pour laquelle ils s’adonnent vigoureusement à la dégradation, à la cruauté et au sadisme que la machine exige. Plus ils insultent, persécutent, torturent, humilient et tuent, plus ils semblent creuser comme par magie le fossé entre eux et leurs victimes. Voilà pourquoi les policiers et les agents pénitentiaires noirs peuvent être aussi cruels, et parfois plus cruels même, que leurs homologues blancs.

Le sadisme éradique, au moins momentanément, les sentiments d’inutilité, de fragilité et de vulnérabilité à la douleur et à la mort qui habitent le sadique. Il procure du plaisir.

J’ai été battu par la police militaire saoudienne, puis par la police secrète de Saddam Hussein lorsque j’ai été fait prisonnier après la première guerre du Golfe. Les gorilles qui me battaient y prenaient manifestement plaisir.

Les mauvais traitements infligés par Israël aux Palestiniens, les agressions contre les musulmans, les jeunes filles et les femmes en Inde et le dénigrement des musulmans dans les pays que nous occupons font partie d’un effondrement mondial qui va au-delà des États-Unis.

Wilhelm Reich, dans La Psychologie de masse du fascisme, Payot, 1999, et Klaus Theweleit, dans Fantasmâlgories, Paris, L’Arche, 2016, soutiennent que ce qui est au coeur du fascisme, c’est le sadisme, conjugué à une hyper-masculinité grotesque, plutôt qu’un système de croyances cohérent, bien que les régimes communistes de Chine et d’Union soviétique puissent être aussi meurtriers et sadiques que leurs homologues fascistes.

Jean Amery, résistant belge de la Seconde Guerre mondiale, capturé et torturé par la Gestapo en 1943, quand il définit le sadisme explique : « Il se profile comme négation radicale de l’autre, comme refus d’en reconnaître à la fois le principe social et le principe de réalité. Un monde où triomphent le martyre, la destruction et la mort ne peut subsister, c’est évident. Mais le sadique ne se soucie guère de la perpétuation du monde. Au contraire : il veut abolir le monde, et par la négation de son prochain, qui pour lui aussi est « l’enfer » dans un sens bien particulier, il veut réaliser sa propre souveraineté totale. »

L’autodestruction collective

Le point de vue d’Amery est important. Une société sadique est une société d’autodestruction collective. Elle est l’apothéose d’une société déformée par des expériences accablantes de perte, d’aliénation et d’inertie. Le seul moyen qu’il reste à l’individu pour s’affirmer dans les sociétés en faillite c’est de détruire.

Johan Huizinga, dans son livre L’Automne du Moyen Âge, note que la dissolution de la société médiévale a engendré « le caractère violent de la vie ». Aujourd’hui, ce « caractère violent de la vie » pousse les gens à commettre des meurtres policiers, des expulsions de familles, des faillites ordonnées par les tribunaux, le refus de soins médicaux aux malades, des attentats suicides et des fusillades de masse.

Comme l’a compris le sociologue Emile Durkheim, ceux qui cherchent à anéantir les autres sont mus par le désir de s’anéantir eux-mêmes. Le sadisme procure l’excitation et le plaisir, souvent à forte connotation sexuelle, qui nous attirent vers ce que Sigmund Freud a appelé l’instinct de mort, l’instinct qui pousse à détruire toute forme de vie, y compris la nôtre. Lorsque nous sommes plongés dans un monde imprégné de mort, la mort, paradoxalement, est considérée comme le remède.

Le capitalisme d’entreprise, qui a perverti les valeurs de la société américaine pour en marchandiser tous les aspects, y compris les êtres humains et le monde naturel, affirme que les diktats du marché devraient régir notre existence, une conviction imprégnée de sadisme. Il est question ici du plaisir que procure l’exploitation des autres, comme l’a écrit Friedrich Nietzsche dans Généalogie de la morale :

« Précisons la logique de toute cette forme de rétribution – elle est assez bizarre. L’équivalence est obtenue de cette manière : au lieu d’un avantage qui compense directement le dommage (donc, au lieu d’une compensation en or, en terre, en biens quelconques), le créancier reçoit en guise de remboursement et de compensation une sorte de plaisir – le plaisir de pouvoir se défouler sur une personne impuissante sans avoir à y penser, le plaisir de faire le mal pour le plaisir de le faire [en français dans le texte, NdT], la jouissance de la transgression. Cette jouissance est d’autant plus valorisée que le débiteur est plus bas dans l’ordre social, et le créancier peut facilement y voir une gourmandise savoureuse, voire un avant-goût d’un rang supérieur. Par le biais de la « punition » du débiteur, le créancier partage un droit qui appartient aux maîtres. Enfin, il parvient lui-même, pour une fois, au sentiment exaltant de mépriser un être comme quelqu’un d’ « inférieur à lui », comme quelqu’un qu’il a le droit de maltraiter – ou du moins, si la véritable force de la punition, de l’application du châtiment, a déjà été transférée aux « autorités », le sentiment de voir le débiteur méprisé et maltraité. La compensation consiste alors en une autorisation et un droit à la cruauté. »

Les traders en énergie d’Enron, dans un dialogue qui aurait pu provenir de n’importe quelle grande entreprise, ont été filmés en 2000 en train de discuter du « vol » de la Californie, et de la façon de s’en prendre à « Grand-mère Millie » [gigantesque arnaque à l’électricité du début des années 2000, maquillage de comptes, sociétés écrans, manipulation de cours boursiers, fausses pénuries, affaire qui a failli mettre en faillite l’Etat de Californie mais aussi le premier d’une série de scandales de fraude comptable, pour en savoir plus https://www.youtube.com/watch?v=wj2FeuvFCJQ, NdT]. Deux traders, identifiés comme Kevin et Bob, ont rejeté les demandes de remboursement des régulateurs californiens en invoquant les prix systématiquement exorbitants pratiqués par la société.

« Kevin : Alors ce qu’on raconte est vrai ? Ces enculés vont vous reprendre tout l’argent, les gars ? Tout cet argent que vous les mecs vous avez volé à ces pauvres grands-mères en Californie ?

Bob : Ouais, Grand-mère Millie, mec. Mais c’est elle qui ne savait pas comment voter avec ce putain de bulletin papillon [butterfly ballot, bulletin de vote à deux colonnes (noms des candidats) le long d’une unique colonne centrale où il convient de perforer son choix, les colonnes induisant des confusions lors du vote, NdT].

Kevin : Ouais, maintenant elle veut récupérer son putain d’argent pour toute l’électricité que tu as facturée à 250 dollars le mégawattheure.

Bob : Tu sais – tu sais – tu sais, Grand-mère Millie, c’est celle pour laquelle Al Gore se bat, tu vois bien ?

Plus tard dans la même conversation, Kevin et Bob dénigrent les Californiens.

Kevin : Oh, la meilleure chose qui pourrait arriver est un putain de tremblement de terre, laisser cette chose flotter dans le Pacifique et leur mettre des putains de bougies.

Bob : Je sais. Ces gars-là, il suffit juste de les virer.

Kevin : Ils sont tellement dans la merde et ils sont tellement, mais comment dire, tellement…

Bob : Ils sont tellement niqués. »

Ce n’est pas grâce à de maigres aides gouvernementales que nous nous extirperons du capitalisme prédateur et de sa culture du sadisme. Nous ne nous en extrairons pas, tout simplement parce que les rédacteurs de discours et les spécialistes en relations publiques de Biden, qui utilisent les sondages et les groupes de discussion pour nous dire ce que nous voulons entendre, arrivent à nous faire croire que l’administration est de notre côté. Il n’y a aucune bonne volonté au sein de la Maison Blanche de Biden, au Congrès, dans les tribunaux, dans les médias – qui sont devenus une chambre d’écho des classes privilégiées – pas plus que dans les salles de conseil des entreprises. Ce sont eux nos ennemis.

Nous nous libérerons de cette culture du sadisme de la même façon que les personnes déshéritées se sont libérées de l’emprise du capitalisme de connivence pendant la Grande Dépression, en nous organisant, en manifestant et en désorganisant le système jusqu’à ce que les élites dirigeantes soient contraintes de concéder une certaine justice sociale et économique.

La Bonus Army, composée des vétérans de la Première Guerre mondiale à qui l’on avait refusé le versement de primes de pension, a installé à Washington d’immenses campements qui ont été violemment dispersés par l’armée [La Bonus Army, aussi nommée Bonus March ou Bonus Expeditionary Force était un rassemblement d’environ 20 000 vétérans américains de la Première Guerre mondiale qui manifestèrent du printemps jusqu’à l’été 1932 pour demander le paiement immédiat de primes, NdT]. Autre exemple, dans les années 1930, des groupes de voisinage, dont beaucoup étaient membres des Wobblies [Industrial Workers of the World ou IWW (familièrement les Wobblies) est un syndicat international fondé aux États-Unis en 1905 dont le siège actuel se trouve à Chicago, NdT] ou du parti communiste, ont physiquement empêché les services du shérif d’expulser des familles.

Le 28 juillet 1932 : Des manifestants de la Bonus Army (à gauche) affrontent la police. (Photographe du Signal Corps, Wikimedia Commons)

En 1936 et 1937, le syndicat United Auto Workers a mené dans les usines une grève sur le tas, celle-ci a paralysé General Motors, obligeant l’entreprise à reconnaître le syndicat, à augmenter les salaires et à satisfaire les revendications syndicales en matière de protection de l’emploi et de sécurité des conditions de travail. Il s’agit de l’une des plus importantes victoires syndicales de l’histoire américaine, et elle a conduit à la syndicalisation de l’ensemble de l’industrie automobile aux États-Unis.

Les agriculteurs, acculés à la faillite et victimes de saisies par les grandes banques et Wall Street, ont fondé l’Association des vacances des agriculteurs pour protester contre la saisie des fermes familiales [La Farmers ‘Holiday Association était un mouvement d’agriculteurs du Midwest des États-Unis qui, pendant la Grande Dépression, ont approuvé la suspension des produits agricoles du marché, créant essentiellement des vacances d’agriculteurs du travail, NdT], une des raisons pour lesquelles les voleurs de banque tels que John Dillinger, Bonnie et Clyde et le Barker Gang sont considérés comme des héros populaires. Les fermiers ont bloqué les routes et détruit des montagnes de produits agricoles, ce qui a réduit l’offre et fait monter les prix.

Les agriculteurs, tout comme les travailleurs syndiqués de l’automobile, ont fait l’objet d’une surveillance gouvernementale généralisée et d’attaques violentes de la part du FBI, d’hommes de main d’entreprises, de voyous armés, de milices et des services du shérif. Mais le militantisme a marché. Les agriculteurs ont obligé l’État à accepter un moratoire de facto sur les saisies de fermes agricoles. Au même moment, des manifestations de masse devant les capitales des États ont fait pression sur les législatures des États afin qu’elles bloquent le recouvrement des paiements hypothécaires en retard.

Les fermiers locataires et les métayers du sud se sont syndiqués. Le ministère du Travail a qualifié leur action collective de « guerre civile en miniature ». Dans tout le pays, les chômeurs et les affamés ont squatté les maisons et les terrains vacants, formant des bidonvilles connus sous le nom de Hoovervilles. Les indigents ont pris possession des bâtiments publics et des services publics. C’est cette pression constante, et non la bonne volonté de FDR, qui a donné naissance au New Deal. Lui et ses collègues oligarques ont fini par comprendre que s’il n’y avait pas de réforme, il y aurait une révolution, ce que Roosevelt a reconnu dans sa correspondance privée.

Ce n’est que lorsque les gens seront réintégrés dans la société, lorsque le contrôle des entreprises et des oligarques sur nos systèmes éducatifs, politiques et médiatiques sera écarté, lorsque nous retrouverons l’éthique du bien commun, qu’alors nous aurons un quelconque espoir de reconstruire les liens sociaux positifs qui font qu’une une société est saine. L’histoire a amplement illustré comment ce processus fonctionne. C’est une question de peur. Et tant que nous ne leur ferons pas peur, tant qu’un Joe Biden terrifié et les oligarques qu’il sert ne verront pas devant eux une marée de fourches, nous ne pourrons pas ébranler la culture du sadisme qu’ils ont créée.

Chris Hedges est journaliste. Lauréat du prix Pulitzer, il a été correspondant à l’étranger pendant 15 ans pour le New York Times, où il a occupé les postes de chef du bureau du Moyen-Orient et du bureau des Balkans. Il a auparavant travaillé à l’étranger pour le Dallas Morning News, le Christian Science Monitor et National Public Radio. Il est l’hôte de l’émission On Contact de Russia Today America, nominée aux Emmy Awards.

Source :Consortium News, Chis Hedges – 04-05-2021

Traduit les lecteurs Les-Crises