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Vive la grève générale aux Antilles
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Vive la grève générale – Anti-K
Jacques Chastaing a partagé une publication.
SAMEDI 11 DECEMBRE : VIVE LA GREVE GENERALE !
Au 28e jour de grève générale en Guadeloupe et au 21e en Martinique, il est clair que la durée de la lutte exprime une détermination qui est révélatrice non seulement de la profondeur des colères qui remuent les esprits dans ces anciennes colonies mais aussi partout dans l’Hexagone et dans le monde.
Ce samedi 11 décembre, les manifestations de longue durée des Gilets Jaunes comme des anti-pass sanitaire atteignaient toujours un niveau de mobilisation étonnant pour des luttes commencées il y a plus de trois ans pour l’une et près de cinq mois pour l’autre.
La très faible participation de seulement 43% au référendum en Kanaky-Nouvelle Calédonie ce 12 décembre suite à l’appel au boycott des organisations kanaks, n’a pas empêché Macron de triomphalement déclarer que donc la Nouvelle Calédonie resterait française. En fait, cette faible participation est du niveau des scrutins électoraux sur l’Hexagone et notamment de ceux qui ont vu la victoire de Macron, témoignant du désintérêt général que suscite de plus en plus ce jeu électoral truqué des bourgeois.
En même temps, les manifestations de rue, elles, durent et se multiplient montrant que la démocratie montante se situe là. Car il n’y a pas que les Gilets Jaunes contre la hausse des prix et pour une autre démocratie ou les anti-pass sanitaires également pour une autre démocratie sanitaire, il y a aussi les manifestations féministes, celles pour la défense du climat, contre le racisme ou encore contre les violences policière et l’autoritarisme en général.
Et ce climat social qui place de plus en plus la démocratie a un autre endroit que dans les scrutins organisés par les riches, leur argent, leurs médias et leurs instituts de sondage, traduit une montée de l’activité et du militantisme social désavouant toutes les valeurs de l’ordre bourgeois et une montée qui va continuer.
C’est ce climat là qui se généralise aujourd’hui et qui nous permet de parler de grève générale désorganisée car en même temps que ces mouvements il y a aujourd’hui beaucoup de grèves. Comme toujours, les grèves quand elles sont en nombre important comme aujourd’hui sont toujours liées à d’autres mouvements sociaux mais en même temps dénotent autre chose et ouvrent d’autres possibilités.
La durée et la constance des mouvements montrent une colère profonde et large mais témoignent aussi et surtout d’une confiance accrue en soi, en son bon droit, en d’autres valeurs que celles de l’égoïsme capitaliste, de l’incompétence et du mensonge organisé de ses représentants politiques. C’est cet état d’esprit qui préside à l’émergence des grèves générales.
Nous sommes dans cette situation d’émergence. Il ne s’agit en effet plus d’une accumulation de griefs et de colères comme dans les périodes précédentes, mais d’une accumulation qui est en train de passer un seuil qualitatif.
Chacun trouve légitime en effet de participer à une grève ou une manifestation parce qu’on commence à se dire qu’après tout on ne serait pas plus incompétent ou illégitime pour diriger ce monde que les capitalistes et leurs serviteurs politiques qui le mènent à la catastrophe.
Au fond, la pandémie a montré aux travailleurs qu’ils étaient essentiels au bon fonctionnement de la société et tellement plus utiles que tous les parasites qui nous dirigent. Elle a montré aussi que les « rien » portaient des valeurs de solidarité autrement supérieures à celles de l’égoïsme capitaliste. La pandémie a rendu également plus visible l’incapacité de nos dirigeants, leur irresponsabilité et a accru la visibilité et le sens de classe des inégalités.
Aux bénéfices records des entreprises alors qu’elles licencient, à l’enrichissement scandaleux des milliardaires alors qu’ils nous demandent de nous serrer la ceinture, s’est ajouté le fait qu’il nous devient insupportable qu’ils osent en plus nous faire la morale, tandis que eux s’adonnent aux frasques les plus indécentes. Hier, ça passait. Plus aujourd’hui. Ceux d’en bas ne veulent plus, ceux d’en haut ne peuvent plus.
Hier on acceptait une productivité accrue et un stress croissant au travail, c’était « comme ça ». Mais l’accumulation de griefs arrive à un moment où ça devient trop. Et ce trop a commencé.
On ne veut plus.
En haut, ils ne peuvent plus. Il y a eu la pandémie et la nullité de sa gestion par les classes « supérieures ». Aujourd’hui s’y rajoute la faillite de leur flux tendu, du zéro stock, avec la pénurie qui pointe son nez en même temps que les goulots d’étranglement du système d’approvisionnement se multiplient. Pour demain, on nous parle d’une menace de disette alimentaire. Comme pour la pandémie, l’augmentation de la productivité du travail, le stress, les accidents, les licenciements… accolés aux périodes de chômage du fait des pénuries et de baisse des salaires, ne deviennent plus acceptable. Alors, la hausse des prix, liée à l’exploitation des pénuries par les profiteurs capitalistes, devient la goutte de trop…
Les grèves pour les augmentations de salaires se multiplient et là aussi, durent et s’étendent. C’est dans le géant de la chimie, Arkéma qui double ses bénéfices et connaît une extension des grèves pour les salaires dans ses entreprises.
C’est Dassault et son « contrat du siècle » avec ses 63 avions pour les Émirats Arabes Unis qui connaît aussi une grève de ses ouvriers pour les salaires qui scandent « pas de pognon, pas d’avions ». C’est une simple négociation annuelle pour les salaires chez Sanofi, 3e groupe pharmaceutique mondial, qui se transforme en grève et large dénonciation dans la rue du système Sanofi.
C’est Enedis, où les salariés ont déjà fait reculer leur direction par la lutte sur le projet Hercule, qui y prennent goût et entrent dans une grève pour des augmentations de salaires qui est en train de s’étendre à tout le territoire.
Et de multiples autres grèves pour les salaires dans le public comme dans le privé, ce qui est significatif. Tout cela au milieu d’autres luttes pour les conditions de travail, l’emploi, les effectifs, les horaires, mais des grèves aussi pour les « autres » comme la grève des bibliothécaires contre le pass sanitaire pour permettre l’accès des bibliothèques à tous et encore la grève historique par l’importance de sa participation dans le secteur du social et du médico-social, pour ne pas abandonner les plus précaires. C’est une autre société qui transparaît là, celle de la solidarité et de la générosité.
Tout ce qui germe là, s’est déjà transformé en grève générale au Antilles, mais mûrit aussi dans toute l’Europe où, comme hier en France, on voit se déclencher des luttes et manifestations massives contre le pass sanitaire, qui entraîneront comme ici, d’autres luttes, d’autres combats, d’autres objectifs.
L’Italie a pris de l’avance. Les syndicats de base avaient appelé à une grève générale en octobre, très suivie sur fond de manifestations anti-pass et de grèves des dockers et autres contre le pass, puis ont organisé une grande manifestation contre le chômage et ce 4 décembre une manifestation aussi très suivie contre le gouvernement et sa politique d’austérité .
Cela a poussé les grandes confédérations syndicales a appeler à une journée de grève générale le 16 décembre. Ce n’est qu’une journée mais ce sera un point d’appui pour aller plus loin. Et chaque pays « en avance » dans la lutte, devient lui aussi un point d’appui, un exemple pour tous les autres pays qui vivent la même situation et y trouvent encouragement et inspiration.
Les grèves viennent toujours après les autres manifestations sociales parce que c’est plus difficile de faire grève que de manifester. Mais, à leur tour, quand les grèves commencent, ce qui est le cas en France avec à nouveau la semaine prochaine, une augmentation de leur nombre, elles deviennent alors l’annonce d’explosions encore plus importantes.
Nous n’avons jamais connu de grève importante dans le système de production en flux tendu que nous vivons aujourd’hui. Or une vague de grèves dans ce système étranglerait encore plus rapidement l’ensemble des chaînes d’approvisionnement que les engorgements actuels et les pénuries qui en résultent. Ce système est très fragile et très sensible à la grève quand elle se généralise. La classe bourgeoise dans son ensemble, et par dessus la tête de ses gouvernements réactionnaires, pourrait aussi être amenée à reculer, comme on voit déjà un certain nombre d’entreprises accorder des augmentations de salaires au moindre déclenchement de lutte. Cela ne pourrait alors que générer de nouvelles luttes à un autre niveau.
On a vu ce 9 décembre, l’incroyable recul du gouvernement Modi, un gouvernement dont les leaders se réclament de Hitler et Mussolini, face à la persistance et la détermination du mouvement paysan, leur accordant tout ce qu’ils demandaient, ce qui était pourtant considérable.
L’Inde, les Antilles, l’Italie… à des étapes différentes, dessinent le chemin que nous sommes en train de prendre. Faisons-le consciemment.
Jacques Chastaing le 12/12/2021