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Coup d’État au Burkina Faso: sans regret pour Kaboré, sans illusion sur l’armée
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le président déchu Roch Kaboré. Wikimedia commons
C’est à la Radio Télévision du Burkina (RTB) que les militaires des Forces de défense et de sécurité (FDS) ont annoncé leur prise du pouvoir le 24 janvier sous l’appellation de Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR). Ils ont déclaré le maintien les accords internationaux, la dissolution du gouvernement et de l’Assemblée nationale et la suspension de la Constitution.
L’ensemble des ministres arrêtés ont été libérés sans pour autant qu’ils aient la possibilité de quitter le territoire. Quant au président, Roch Marc Christian Kaboré, il est détenu dans une résidence à Ouagadougou 2000, le quartier chic de la capitale.
Désormais, l’homme fort du Burkina est le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. Quelques jours auparavant, il était le commandant de la 3e région militaire couvrant la région de la capitale Ouagadougou. Il a été à plusieurs reprises sur le front contre les djihadistes.
Délitement de l’État
Pour son deuxième mandat, Kaboré s’était engagé à faire de la situation sécuritaire du pays sa priorité numéro un. La situation ne s’est pas améliorée pour autant, bien au contraire. Les changements de gouvernement n’ont eu comme effet que de s’aliéner le soutien des caciques de son parti, le Mouvement du peuple pour le progrès (MPP).
Des pans entiers du pays sont désormais sous la coupe, plus ou moins lâche, des groupes djihadistes. Déjà en 2000, les experts considéraient que 50 % du territoire n’étaient pas couverts par l’armée ou la gendarmerie1.
Après le choc du massacre du village de Solhan dans l’extrême nord du pays où 160 personnes ont péri, les Burkinabé ont été révoltés par la situation des gendarmes à Inata. Abandonnés dans leur caserne, située dans une des régions les plus dangereuses, ces militaires n’avaient de choix pour se nourrir que de chasser les animaux aux alentours, avant qu’ils ne se fassent massacrer par les djihadistes. Cet épisode tragique a montré l’état dans lequel se trouvent les soldats des FDS, dû à l’incurie des responsables civils et militaires.
Inefficacité de l’armée…
Le pays, avant la révolution de 2014 qui a chassé Compaoré, était épargné par les attaques djihadistes. Les autorités de l’époque avaient tissé des liens avec les groupes islamistes en s’abstenant de toute action contre eux. La révolution a bouleversé ce modus vivendi sans que l’armée y soit réellement prête. À part le conflit de la Bande d’Agacher avec le Mali en 1985, les soldats restaient dans leurs casernes et les généraux dans leurs bureaux climatisés. Ils en sortaient pour réaliser des coups d’État (sept depuis l’indépendance du pays en 1960). Seul le Régiment de sécurité présidentielle (RSP) était composé d’hommes formés avec du matériel adéquat. Quand Gilbert Diendéré, le commandant du RSP, a tenté un coup d’État en 2015, le régiment a été dissous et ses hommes ont été disséminés à travers les garnisons du pays.
Roch Kaboré, qui est issu du sérail du clan Compaoré – il été son Premier ministre et a géré la dévaluation du Franc CFA en 1994 – se méfiait des FDS et de leur penchant putschiste. Il n’a pas entrepris les efforts nécessaires pour rendre plus efficaces les FDS. Il était tout aussi réticent à une implantation trop importante des troupes de Barkhane. Il s’est isolé de son parti, de l’armée, de la France et surtout des populations.
…et de Barkhane
S’il y a eu, à la confirmation du coup d’État, quelques centaines de personnes qui sont descendues dans la rue pour soutenir les militaires, on est loin de la liesse populaire. L’état d’esprit est plus proche du soulagement parmi la population d’un pays qui compte plus d’un million et demi de déplacéEs. Rappelons qu’une journée avant la prise du pouvoir par les militaires, des manifestations sévèrement réprimées avaient eu lieu contre la politique de Kaboré.
Les organisations militantes de la société civile désapprouvent ce coup d’État et demandent à la junte des garanties sur les libertés démocratiques et une gouvernance qui rompt avec la corruption et la gabegie.2
Les États-Unis et l’Union européenne ont condamné le coup de force. Silence du côté du Kremlin, mais le responsable en Centrafrique de la société de mercenaire russe Wagner s’est dit prêt à aider à la formation des soldats burkinabé, profitant de l’incapacité de Barkhane de contenir les assauts des groupes islamistes.
- 1.Antonin Tisseron, Une boîte de Pandore : le Burkina Faso, les milices d’autodéfense et la loi sur les VDP dans la lutte contre le jihadisme, Friedrich-Ebert-Stiftung, 2021.
- 2.Lire la déclaration de huit organisations burkinabé sur https://www.afriquesenlu…