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Que faire du mot "communisme" ?

Lien publiée le 6 mars 2022

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Que faire du mot « communisme » ? – CONTRETEMPS

Invité.e.s à discuter du signifiant « communisme » trente ans après l’effondrement de l’Union soviétique, quatorze intellectuel.le.s livrent, dans cet ouvrage, leurs réflexions sur cette idée politique qui, manifestement, n’en finit pas de cheminer – et de mobiliser. En guise de bonnes feuilles, nous publions l’introduction de Manuel Cervera-Marzal, chercheur en science politique, membre du comité de rédaction de Contretemps, éditeur et auteur de nombreux ouvrages. 

(In)actualité du communisme

La première occurrence attestée du mot « communisme » date de 1797. Dans le dernier des seize tomes de son autobiographie intitulée Monsieur-Nicolas, Restif de la Bretonne, proche des babouvistes et fervent partisan de la Conjuration des Egaux, se déclare à la fois « patriote », « républiquain » et « communiste ». Il ajoute que « le Communisme serait le meilleur des Gouvernements » [1]. Cependant, la communauté des biens est une idée plus ancienne. On la retrouve dans les Actes des Apôtres (2, 44-45) pour décrire les principes régissant la première communauté chrétienne de Jérusalem : « Tous les croyants vivaient ensemble et ils mettaient tout en commun. Ils vendaient leurs biens et leurs possessions, et ils en partageaient le produit entre tous en fonction des besoins de chacun ». Cette communauté fut prise pour modèle par plusieurs groupes d’anabaptistes qui, au cours des XVe et XVIe siècles, sympathisèrent avec les soulèvements paysans et leurs demandes de justice sociale. Dans La Guerre des paysans en Allemagne (1850), Friedrich Engels, qui ne s’y trompe pas, fait d’ailleurs du prédicateur et chef révolutionnaire Thomas Müntzer (1449-1525) le héros d’un communisme primitif, annonciateur du communisme scientifique.

Que désigne ce mot ? Un épisode révolutionnaire, un régime dictatorial, une communauté fondée sur l’égalité, une idéologie, une utopie, l’engagement au sein d’un parti, un spectre, un mouvement réel, l’abolition de la propriété privée ou même l’exigence d’instauration du royaume de Dieu sur Terre ? La liste n’est pas exhaustive. Le communisme est gros de ces multiples significations et des affects souvent contradictoires qui y sont attachés : espoir et déception, enthousiasme et trahison, crainte et désir, ferveur et tragédie, promesse et mélancolie. Le sens et la charge du mot varient en fonction des personnes et des contextes. Il évoque parfois un siècle révolu, où les idéologies avaient encore droit de cité et où diviser le monde en deux camps n’était pas du manichéisme mais un état de fait. Mais n’y a-t-il pas, aussi, une actualité du communisme ? C’est la question et le pari de ce livre.

Selon un sondage IFOP commandé par L’Humanité en novembre 2020[2], deux tiers des Français nés après la chute du mur de Berlin estiment qu’il est « possible de construire une société basée sur la coopération et le partage des richesses et des pouvoirs ». Trois quarts jugent que « les salariés et les travailleurs devraient pouvoir décider des choix de leurs entreprises ». 78% pensent que « des secteurs comme la santé, l’éducation ou le logement ne devraient pas être soumis à la concurrence et à la compétition économique ». Enfin, 83% soutiennent que « la lutte des classes est toujours une réalité aujourd’hui ». De tels chiffres collent difficilement avec le diagnostic médiatique sur la jeunesse « qui se droitise ». Ils témoignent surtout d’un potentiel anticapitaliste qui ne demande qu’à fleurir.

Ces dernières années, du Liban à l’Irak en passant par la Tunisie, Hong Kong, l’Algérie, le Chili et l’Espagne, la jeune génération précarisée est d’ailleurs montée en première ligne des grandes explosions sociales. Les mots d’ordre ne sont pas identiques d’un pays à l’autre, la colère se cristallise sur des cibles différentes : ici contre la dictature, là contre les violences racistes et policières, contre une puissance occupante, contre des élites corrompues, contre le chômage, pour le climat, au nom du féminisme, etc. Derrière ce ras-le-bol, aussi diffus que disparate, est-on en droit de dire que les mobilisations de la jeunesse visent toutes, plus ou moins consciemment, un même horizon communiste ?

Ce serait trop simple et ce serait faire violence aux propos des premiers concernés. Pour en revenir au sondage administré par l’IFOP aux Français de moins de 30 ans, ces derniers sont 72% à estimer que le communisme « n’est pas une idée d’avenir ». Lorsqu’on leur demande à quels mots ils associent spontanément celui de communisme, « dictature » et « échec d’une idéologie » arrivent avant « égalité » et « partage des richesses ». Que faire de ces données contradictoires, qui indiquent une forme d’attachement aux idées communistes mais un net refus d’assumer l’identité communiste ? Une interprétation plausible serait d’affirmer que le communisme reste d’actualité mais qu’il est désormais contraint de se présenter sous un autre nom ; d’où, par exemple, le récent engouement pour les « communs ». Le sang versé par Staline et ses épigones a irrémédiablement entaché la noble idée d’une société dans laquelle chacun participerait selon ses possibilités et recevrait selon ses nécessités. Theodor Adorno soutenait qu’on ne pouvait plus écrire de poèmes après Auschwitz[3]. Peut-on encore se réclamer du communisme après le Goulag ? Si oui, sous quelles conditions et moyennant quels ajustements ?

William Morris, auteur des Nouvelles de nulle part (1890) et militant actif dans l’émergence d’un courant marxiste libertaire en Grande-Bretagne, invite à ne pas nous crisper sur une querelle terminologique : « Les hommes combattent et perdent la bataille, et la chose pour laquelle ils ont lutté advient malgré leur défaite. Quand elle advient, elle se révèle être différente de ce qu’ils avaient visé, et d’autres hommes doivent alors combattre pour ce qu’ils avaient visé, sous un autre nom »[4]. La question, en effet, va bien au-delà des mots. Quiconque entend changer le monde ne saurait faire l’économie d’un bilan du « socialisme réellement existant » et des régimes dictatoriaux qui, au siècle passé, ont prétendu incarner le communisme. Il en va de notre responsabilité de ne pas reproduire les erreurs et les fautes. Aujourd’hui encore, au nom du communisme, on instaure la dictature d’un parti unique qui laisse exploser le nombre de milliardaires. En mars 2021, la Chine compte davantage de milliardaires que les Etats-Unis et l’Inde réunis. Et Xi Jinping, après avoir aboli la limite constitutionnelle des deux mandats, se prépare à rester président à vie.

En érigeant le prolétariat en classe universelle, qui défend les intérêts de l’humanité en défendant ses propres intérêts, Karl Marx et Friedrich Engels ont durablement noué le sort du communisme à celui du mouvement ouvrier. Il faut d’ailleurs être précis sur les termes. La classe ouvrière ne désigne qu’une fraction du prolétariat. Celui-ci se réfère aux individus contraints de vendre leur force de travail pour subvenir à leurs besoins (ce qu’on appelle aujourd’hui le salariat) tandis que celui-là vise un secteur professionnel particulier, lié aux usines et à l’industrie. Historiquement, l’expansion de l’idéologie communiste et l’expansion des luttes prolétaires ont été de pair, en s’alimentant réciproquement. Les communistes, fraction la plus avancée du prolétariat, ont aidé ce dernier à prendre conscience de sa force. Inversement, de l’insurrection de février 1848 à la Révolution russe, la combativité des prolétaires a permis d’affiner la théorie révolutionnaire, en offrant une inestimable matière à penser à Karl Marx, Rosa Luxemburg, Antonio Gramsci et tant d’autres.

Les mésaventures du communisme sont donc liées au déclin du sujet qui l’a porté durant un siècle et demi : la classe ouvrière. Cette dernière n’a pas disparu, comme on l’entend trop souvent. Elle a été invisibilisée, par la vulgate journalistique et politique. Les ouvriers constituent environ 20% de la population active en France, soit plus de 5 millions de personnes. En 1995, un rapport de la Banque mondiale faisait état de 2,45 milliards d’ouvriers dans le monde, dont 400 millions dans l’industrie, 800 millions dans les services, et 1,1 milliard dans l’agriculture. Ce qui a disparu, ce n’est donc pas la classe en soi, c’est plutôt une certaine idée qu’elle se faisait d’elle-même et de son unité, par-delà les divisions nationales et corporatistes. La conscience de classe, qui reste forte dans certains pays et dans certains bastions syndicaux, ne s’est pas évaporée subitement. Elle a été fragilisée par de multiples facteurs, à la fois symboliques et matériels, qui vont de l’individualisation des conditions de travail à la destruction des solidarités collectives en passant par le déclin des partis ouvriers, ainsi que par les discours lénifiants sur la « tertiarisation de l’économie » et l’émergence d’une (soi-disant) « classe moyenne généralisée ».

Quelle classe sociale pour ramasser le drapeau rouge et le brandir comme jadis ? Le prolétariat s’est progressivement emparé de l’idée communiste à partir du Manifeste du parti communiste, rédigé par Marx et Engels en 1847 pour le second congrès de la Ligue des communistes. Auparavant, le communisme avait été porté par des philosophes tels que Platon, des écrivains tels que Thomas More, des prêcheurs tels que Fra Dolcino et des théologiens tels que Tommaso Campanella. Engels méprisait le lumpenproletariat et Marx regardait avec méfiance la paysannerie, en raison du rôle réactionnaire qu’elle joua en 1848 à travers son soutien à Louis-Napoléon Bonaparte. Un siècle plus tard, dans une Chine massivement agraire, Mao Zedong érigea la paysannerie en force motrice de la révolution. Malgré son rapport privilégié au prolétariat, le communisme, on le voit, est donc susceptible d’être porté par différentes classes sociales, et même par plusieurs classes à la fois, comme le souhaitait Antonio Gramsci, qui plaidait pour la constitution d’alliances « national-populaires » entre les groupes subalternes.

Pour devenir hégémonique, la classe ouvrière doit apprendre à incarner le peuple dans sa globalité, écrit Gramsci en 1926 : « Le prolétariat peut devenir la classe dirigeante et dominante dans la mesure où il parviendra à créer un système d’alliances de classes qui lui permettra de mobiliser contre le capitalisme et contre l’Etat bourgeois la majorité de la population laborieuse, ce qui, dans le cas de l’Italie, compte tenu des rapports réels qui existent entre les classes, revient à dire dans la mesure où elle réussira à obtenir l’assentiment des larges masses paysannes »[5]. Cette citation, extraite du premier texte dans lequel Gramsci parle d’hégémonie, résume précisément sa pensée : il y a hégémonie quand une partie (le prolétariat) se hisse au niveau du tout (la nation) en ralliant d’autres parties (la paysannerie). Le communisme est gros des groupes qui l’investissent.

Mais le communisme n’est pas qu’une affaire de groupes. Il s’agit aussi, et peut-être d’abord, d’une émancipation individuelle. Le mot de « communisme » laisse penser que le collectif primerait sur les individus qui le composent. A gauche, l’individualisme a mauvaise presse. Il est généralement assimilé à une forme d’égoïsme et au triomphe du chacun-pour-soi néolibéral. C’est pourtant au nom des « individus réels »[6] que, dans L’idéologie allemande (1845), Marx élabore sa conception du matérialisme historique. De manière encore plus explicite, Marx et Engels écrivent, dans Le manifeste du parti communiste (1847), que « le libre développement de chacun est la condition du libre développement pour tous ». Au jeu des occurrences, on s’aperçoit que l’œuvre de Marx compte davantage de références aux « individus » qu’à la « classe ouvrière ». C’est bien les individus qui ont à gagner à l’avènement du communisme. D’abord, parce que la coopération est plus épanouissante que la compétition. Ensuite, parce que le matraquage publicitaire attise des désirs de consommation que les salariés n’ont pas les moyens de satisfaire, puisque les patrons s’accaparent la plus-value de leur travail. Enfin, parce que la division du travail produit des individus morcelés, aliénés par la répétition d’une tâche ultra-spécialisée. Au nom de l’épanouissement individuel, Marx s’élève ainsi contre un « communisme encore très grossier et irréfléchi », qui conduit au « nivellement » égalitaire, à la « négation de la personnalité » et à des absurdités telles que la « communauté des femmes » (en remplacement du mariage)[7].

Une autre difficulté concerne le rapport à l’Etat, Marx lui-même ayant révisé sa position suite à la Commune de Paris. Il ne suffit plus, dit-il, que le prolétariat s’empare du pouvoir d’Etat et le mette à son service en centralisant les décisions relatives à la production. Il faudra « briser » cette machine, qui véhicule une domination politique (dirigeants / exécutants) non réductible à l’exploitation capitaliste (bourgeois / prolétaires). On se met alors à envisager un usage transitoire de l’Etat, ce dernier étant appelé, à terme, à dépérir. Une fois la révolution achevée, le « gouvernement des hommes » céderait sa place à « l’administration des choses », selon la formule qu’on prête (à tort) au comte de Saint-Simon. Mais n’est-ce pas mettre le doigt dans un engrenage technocratique qui imagine pouvoir abolir la politique, le conflit, la délibération ? Et, comme le fait remarquer Bakounine aux marxistes, l’idée d’un Etat qui s’éteindrait de lui-même n’est-elle pas illusoire et dangereuse ?

Ces débats agitent la Ière Internationale (1864-1876) et font écho à l’opposition entre les bâtisseurs d’expérimentation utopique (le familistère de Guise, la colonie New Harmony de Robert Owen, les Icaries créées par les disciples d’Etienne Cabet) et les partisans d’une conquête du pouvoir d’Etat. Le communisme est-il possible à l’échelle locale, tel un ilot d’égalité au milieu d’un océan capitaliste ? Ou sa viabilité exige-t-elle d’emblée qu’il soit instauré au niveau national, voire mondial ? Et quid de l’usage de la violence ? S’emparer de l’Etat, certes, mais par la voie électorale ou par la voie insurrectionnelle ? Réforme ou révolution ? Au cœur du débat stratégique, on trouve aussi la question de savoir si les réformes sociales (congés payés, limitation du temps de travail, sécurité sociale, etc.) signifient qu’on abandonne le projet d’édifier une société communiste, qu’on se contente d’un capitalisme moralisé, ou si, au contraire, ces réformes sont un avant-goût du monde à venir, une forme de déjà-là communiste ?

Autant de questions ouvertes, qu’on retrouvera au fil des chapitres réunis dans ce livre. Il ne s’agit pas seulement d’un ouvrage collectif mais d’un ouvrage polyphonique. J’ai fait le choix d’y réunir des intellectuel.le.s aux sensibilités multiples. Toutes et tous, bien sûr, appartiennent à la gauche. Mais, à propos des débats exposés ci-dessus, leurs avis divergent, parfois fortement. « Est-il possible et souhaitable de réinvestir le signifiant « communiste » et de le doter d’un contenu positif, désirable, mobilisateur ? » J’ai soumis cette interrogation aux quinze contributeurs. Ils s’y sont confrontés, chacun à leur manière, et je les en remercie. Plutôt qu’une annonce de plan, résumant chaque chapitre l’un après l’autre, je propose ici un collage de citations extraites de leurs textes respectifs. Ce collage fera sentir, je crois, la tonalité à la fois singulière et plurielle qui imprègne cet ouvrage.

« L’impuissance du marché et de l’Etat ouvre la voie à une alternative que j’appelle le communisme. Le communisme, pas le socialisme. Parce qu’aujourd’hui, tout le monde se déclare socialiste. Même Bill Gates déclarait récemment dans un entretien qu’il était socialiste. Etre socialiste signifie simplement : « ne soyons pas trop égoïste« , « prenons un peu soin d’autrui » et d’autres banalités de ce genre » (Slavoj Zizek)

« Si je ne suis pas enthousiaste avec ce mot de communisme, c’est sans doute que je suis spiritualiste et libérale et j’ai bien peur que cette part d’humanité disparaisse avec ce vocable. Et si je suis pour un revenu qui protège à vie les existences, je ne crois pas que cela suffise à protéger l’humanité de l’humanité. La vie matérielle est une condition nécessaire mais pas suffisante. Il faut protéger aussi l’inventivité, le faux pas, la quête, le leurre même » (Sophie Wahnich)

« A échelle quasi mondiale, depuis pas mal d’années, depuis sans doute ce qui a été appelé « le printemps arabe« , nous sommes dans un monde où abondent les luttes, plus précisément : les mobilisations et rassemblements de masse. Je propose de dire que la conjoncture générale est marquée, subjectivement, par ce que j’appellerais le « mouvementisme« , soit la conviction largement partagée que d’importants rassemblements populaires vont sans aucun doute parvenir à changer la situation » (Alain Badiou)

« Tout en souscrivant à la nécessité de contester l’affirmation largement acceptée selon laquelle l’échec désastreux du modèle soviétique nous oblige à rejeter l’intégralité du projet d’émancipation, je pense qu’il y a des leçons importantes à tirer de cette expérience tragique et cela invite à repenser sérieusement certains principes centraux du projet communiste. Il serait en effet trop facile de se contenter d’affirmer que « le socialisme réellement existant« représente une réalisation imparfaite d’un idéal qui n’a jamais vraiment été mis en œuvre » (Chantal Mouffe)

« En me présentant ici comme « un communiste« , parmi d’autres, je veux marquer le primat de la question « qui » sur la question « quoi« , pour des raisons de conjoncture politique et idéologique auxquelles je reviendrai en conclusion, mais d’abord pour entretenir l’incertitude que recouvre le terme, en la redoublant d’une incertitude portant sur ma propre identité »(Etienne Balibar)

« Le communisme nous semble le mot le plus adéquat pour désigner la seule alternative efficace au capitalisme. […] L’humanité sera communiste ou ne sera plus ! L’abolition de la propriété privée lucrative permettra enfin de donner la priorité à l’intérêt général et surtout d’empêcher tout retour en arrière » (Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot)

« Pour le commun-isme, perdre son suffixe et ainsi renouer avec le sens commun, c’est céder sur sa terrible grandeur, la matrice organisationnelle qu’il promet dans l’Histoire, l’annonce salvatrice d’un ordre total émancipant tout égaré du prolétariat, et enfin la science que semble recouvrir sa modélisation réticulaire et parfaite. Passer du communisme au commun, pour les revenus de la vie de parti, c’est revenir à soi, au soi platement existant, dénudé, étourdi, angoissé » (Alain Deneault)

« Nous ne pouvons pas entendre les voix des communistes réunionnais.es tant que nous ne nous affranchissons pas du cadre normatif et de la géographie de l’histoire coloniale. Vouloir ajouter au récit national français des « chapitres oubliés«  se conçoit et se défend mais ce geste accumulatif ne fait-il pas qu’ajouter à la géographie historique française des territoires et des peuples, sans pour autant poser la question de la construction de cet espace-temps » (Françoise Vergès)

« La question du communisme a été pensée depuis l’Antiquité, avec Platon, à partir de la communauté des frères (la fraternité) qui partagent et mettent tout en commun : leurs biens et leurs femmes. […] Cela a conduit à penser la libération sexuelle, non pas dans une égalité entre hommes et femmes, mais à partir de la libre expansion du désir masculin. Sur le plan économique, cela a conduit à considérer la question principalement à partir de la propriété des moyens de production capitalistes, dans un oubli du mode de production domestique et de l’exploitation du travail domestique » (Irène Pereira)

« L’idéal communiste s’est éloigné du réel historique avec la glaciation idéologique. Son emprisonnement dans un régime dictatorial sous la férule d’un Staline, et d’un Mao est parvenu à en statufier la caricature. […] Cependant, les idées d’hier ressurgissent maintenant. Au sein des différentes expériences collectives les idées figées, instrumentalisées et ossifiées d’autrefois, reprennent vie ; sous d’autres formes, elles sont appropriées par d’autres acteurs » (Michèle Riot-Sarcey)

« Le terme de « communisme » souffre aujourd’hui d’une évidente confusion liée à l’histoire politique du XXe siècle. Ainsi, le Parti communiste français peut sans sourciller célébrer avec emphase les 150 ans de la Commune de Paris et, quelques semaines plus tard, féliciter sans la moindre réserve, à l’occasion de son centième anniversaire (juillet 2021), le Parti communiste chinois pour l’œuvre qu’il a accomplie : le même terme peut-il encore renvoyer à deux événements aussi radicalement contraires ? » (Pierre Dardot et Christian Laval)

 

Notes

[1] Restif de la Bretonne, Monsieur-Nicolas, p. 3969 et p. 4250 (les seize manuscrits sont paginés par l’auteur). Cité in Jacques Grandjonc, « Quelques dates à propos des termes communiste et communisme », Mots. Les langages du politique, n°7, 1983, p. 147.

[2] IFOP, « Le regard des jeunes âgés de 18 à 30 ans sur le communisme », 30 décembre 2020. Disponible sur :

[3] Theodor W. Adorno, Prismes. Critique de la culture et société, Paris, Payot, 2010 [1951], pp. 30-31.

[4] William Morris, Selected Writings, Londres, The Nonesuch Press, 1948, p. 214.

[5] Antonio Gramsci, « Quelques thèmes de la question méridionale », Ecrit politiques III, Paris, Gallimard, 1980, p. 332.

[6] Karl Marx, L’idéologie allemande, Paris, Editions sociales, 1970, p. 12.

[7] Karl Marx, Manuscrits de 1844, Paris, Editions sociales, 1972, p. 71.