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Médias : "L’été devrait servir à réfléchir sur le monde, non à s’abrutir"

Lien publiée le 27 août 2022

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Médias : "L'été devrait servir à réfléchir sur le monde, non à s'abrutir" (marianne.net)

Pour Anne-Sophie Letac, professeur de géopolitique en classes préparatoires aux grandes écoles, il faut en finir avec les sujets médiatiques légers l'été, pour enfin entrer dans le fond des choses.

Médias : "L'été devrait servir à réfléchir sur le monde, non à s'abrutir"

A force de traduire tous les dangers en codes couleurs infantiles et de moins en moins opérationnels, tout le monde vit plus ou moins en vigilance orange, ce qui peut se résumer en « on a un peu peur de tout mais sans y croire vraiment ». Les randonneurs sont tout de même sur le GR20, un sentier fort âpre, au moment de l’épisode orageux gravissime qui frappe la Corse, des centaines de bateaux voguent sur une Méditerranée déchaînée et se retrouvent en grand péril, personne n’a anticipé les vents à 200 km à l’heure, les représentants de Météo France ouvrent le parapluie sur les télévisions en continu, le personnel politique est au taquet, Gérald Darmanin en front row sur la Corse ravagée passe un quart d’heure à se justifier devant les médias, on a fait de la prévision (sic) dit-il. Emmanuel Macron parle en visioconférence depuis son bunker sans piscine à débordement, en visio comme il dit pour faire dynamique, tout est dramatique mais tout est sous contrôle en même temps.

Or, s’il y a bien un code couleur qui devrait être activé, c’est un code spécial vacances d’été, rouge éclatant, qui signalerait les dangers de prendre les gens pour des débiles et de susciter des injonctions contradictoires. Est-il normal que les politiques soient officiellement déconnectés, bronzés quand ils surgissent en cas de gros pépin, en vacances sobres, genre île de Ré ou Porquerolles, pas de destinations lointaines pour ne fâcher personne et se mobiliser rapidement en cas de besoin ? Non. Dans une société équilibrée, il ne devrait y avoir aucune communication sur les vacances des ministres ou députés, celles-ci devraient être exceptionnelles et passer inaperçues, d’autant qu’en réalité les malheureux travaillent en secret. On comprend qu’il s’agit de faire la promotion du tourisme français, carburant essentiel et dramatiquement rentier de notre pays, tout en évitant d’énerver la horde de ceux qui ne partent jamais. Mais il est malsain d’insuffler l’impression d’un arrêt complet de la vie politique.

CHANGER D'HABITUDES L'ÉTÉ

Les médias en ligne, les journaux amincis et les télévisions en continu ne sont pas en reste : plus aucune émission de fond, tout s’arrête, ce qui signifie implicitement que les présentateurs et journalistes sont aux abonnés absents. Reste l’infotainment, mais le décalage entre le temps d’information consacré aux vacances et la réalité statistique médiocre du nombre de Français concernés conduit à la rage et à la haine. Et surtout, dans un monde complexe qui mériterait justement d’être décrypté l’été puisque nous avons un peu plus de temps de cerveau disponible, dans un monde de guerre toute proche, la plupart des médias nous informent que le chassé-croisé des juillettistes et des aoûtiens est difficile, qu’un morse a été tué en Norvège parce que le public s’en approchait trop, que les piscines c’est profond, que les vacances c’est dangereux entre piqûres de guêpes et noyades, et glissent à la fin deux mots sur Taïwan. Il est temps de siffler la fin de la récré.

« Se ressourcer, se déconnecter c’est indispensable, mais se faire laver le cerveau durant deux mois entiers, on peut et on doit s’en passer. »

Les vacances d’été à rallonge et plus encore leur mise en scène sont devenues insoutenables écologiquement, politiquement et moralement. Si l’on en croit la monstrueuse litanie de l’été, entre mégafeux girondins et grandes eaux corses, le tourisme de masse est à la fois responsable et victime de la désorganisation des écosystèmes, témoin le bête mégot jeté sur l’autoroute qui brûle une partie de la montagne ou les deux douches par jour de touristes en zone de stress hydrique. Les événements climatiques exceptionnels devraient aussi nous inciter à ne plus construire d’autoroutes, à éviter la voiture. Mais les grandes vacances commencent toujours par des grèves monstres de transports en commun qui incitent à recourir au transport individuel malgré les bouchons et le prix de l’essence. La Première ministre Elisabeth Borne, aujourd’hui chargée de la planification écologique, a d’ailleurs déclaré d’utilité publique en 2018 une future autoroute A69 destructrice d’écosystèmes précieux.

Nous ne pouvons plus nous permettre la surconsommation, le gavage débridé mis en scène du 1er juillet au 30 août, comme si la normalité, l’objectif final consistait à passer l’été sur la plage ou faire du sport dont les aspects les plus extrêmes sont mis en valeur, comme l’ultra-trail du Mont-Blanc. Plus grave, il y a longtemps que nous sommes en alerte orange de déconnection des élites, de cynisme des influenceurs et de tous ceux qui devraient informer convenablement au lieu d’entretenir les illusions fondées sur l’ignorance et l’apathie générale. Se ressourcer, se déconnecter c’est indispensable, mais se faire laver le cerveau durant deux mois entiers, on peut et on doit s’en passer.