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Chine. Face à la révolte ouvrière, Foxconn offre une prime pour tenter de calmer la colère
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Chine. Face à la révolte ouvrière, Foxconn offre une prime pour tenter de calmer la colère
Ce mercredi, une grève a éclaté dans la plus grande usine d’iPhone au monde, située en Chine. Face à un niveau d’exploitation extrême et à la politique sanitaire de l’entreprise et du régime, la classe ouvrière chinoise pourrait bien se réveiller.
Ce mercredi, une grève a éclaté dans le complexe industriel de Foxconn à Zhengzhou en Chine. Employant plus de 200 000 ouvriers, le site de Zhengzhou est la plus grande usine d’iPhone au monde et est considérée comme l’une des pires entreprises en termes de salaires, de conditions de travail et d’exploitation.
Une grève ouvrière massive dans une usine aux conditions de travail inhumaines
Les conditions de travail y sont en effet inhumaines et les salaires sont inférieurs à 300$ par mois pendant la basse saison, ce qui oblige les travailleurs à faire de nombreuses heures supplémentaires pendant les saisons de pointe pour gagner un salaire annuel décent. Récemment, l’entreprise a lancé, avec l’aide du gouvernement et des autorités locales, une politique de recrutement massive dans la région du Henan pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre suite au départ de nombreux travailleurs après la reprise de l’épidémie de Covid-19 en octobre.
Les salariés de Zhengzhou se sont mis en grève après un retard de la part de la direction dans le paiement des primes de 6.000 yuans promises aux nouveaux salariés. Comme le rapporte CNN : « Foxconn avait promis aux travailleurs 3.000 yuans de prime après 30 jours de travail et 3.000 yuans supplémentaires au bout de 60 jours. Or, selon un travailleur, après être arrivés sur le site, les nouvelles recrues ont appris qu’elles ne recevraient leur première prime que le 15 mars, et la seconde en mai, ce qui signifie que les ouvriers vont devoir travailler durant le nouvel an chinois, qui commence en janvier 2023, pour obtenir la première partie de leur prime. »
Mais les salariés dénoncent également les conditions infligées par l’entreprise depuis le mois d’octobre. En effet, l’entreprise a isolé les salariés après la découverte de plusieurs cas de Covid parmi eux, suivant la politique « Zéro-Covid » de Xi Jinping. Depuis, les travailleurs dorment dans des dortoirs dans les couloirs avec des collègues testés positifs au Covid-19, allant de la chaîne de montage aux dortoirs de l’usine et passant des semaines à l’intérieur des locaux, entassés dans des conditions hygiéniques épouvantables.
Des salariés se seraient même enfuis du site tellement la situation était horrible. Et si Foxconn a brandi l’argument sanitaire pour imposer ce confinement, la réalité est que la situation sanitaire de l’entreprise a servi de prétexte pour produire à plus haute intensité, et ce en particulier à l’approche des fêtes de fin d’année.
Face à la révolte ouvrière, Foxconn tente de trouver une issue
Ce mercredi, des images provenant du site en Chine ont donc inondé la toile, montrant des scènes d’affrontements entre des centaines d’employés aux cris de « Défendons nos droits ! » et des policiers habillés en combinaisons intégrales de protection blanches et armés de matraques. Foxconn n’a pas tardé à s’exprimer et, cherchant à calmer le jeu, elle a expliqué : « Nous comprenons parfaitement les préoccupations de certains employés nouvellement embauchés. Nous nous excusons pour une erreur de saisie informatique et promettons que le paiement sera effectué comme convenu. »
L’entreprise a également proposé d’offrir 10 000 yuans, soit l’équivalent de 1400 euros, à chaque travailleur arrêtant de manifesté et quittant le site. L’entreprise Apple, qui a également du personnel dans l’usine, a quant à elle annoncé hypocritement travailler « en étroite collaboration avec Foxconn pour s’assurer que les préoccupations de leurs employés sont prises en compte. »
Une grève qui pourrait faire tâche d’huile
Les suites de la révolte de mercredi ne sont pour l’instant pas claires. Mais cette grève dans l’un des plus grands sites industriels du pays pourrait en inspirer d’autres, et c’est notamment ce qui effraie Foxconn et le gouvernement. Foxconn, qui est le plus grand fabricant d’iPhone d’Apple et produit 70% des iPhone dans le monde, est également le plus grand employeur du secteur privé en Chine, avec plus d’un million de personnes travaillant dans le pays dans une trentaine d’usines et d’instituts de recherche. L’entreprise a également d’autres sites de production en Inde et dans le sud de la Chine. Aujourd’hui, ce que pointent les travailleurs de Foxconn, c’est l’exploitation acharnée dont ils font l’objet, jusqu’à se faire enfermer dans leur propre usine.
Une colère qui pourrait trouver un écho dans le reste de la classe ouvrière, mais également du côté des classes moyennes des grandes villes, dont le ras-le-bol face aux restrictions sanitaires ne fait que grandir. Si la politique « Zéro-Covid » du gouvernement avait bénéficié d’un consensus les premiers mois de la pandémie et lui avait permis de vaincre le virus dans sa première phase, l’apparition du variant Omicron et de ses dérivés ont fait augmenter le nombre de cas et de décès de manière exponentielle et ont donné à voir au monde entier l’inefficacité et l’irrationalité du fonctionnement du pouvoir chinois.
Les possibilités de contestation de la politique du gouvernement et de rupture du pacte entre les classes moyennes et le pouvoir, qui avait permis de restaurer le capitalisme dans le pays à travers un échange des libertés démocratiques de la population contre une élévation de son niveau de vie, sont aujourd’hui plus à l’ordre du jour que jamais.
Les limites de la politique Zéro-Covid
En effet, la politique « Zéro-Covid » montre aujourd’hui ses énormes limites. Alors que la population avait consenti à cette politique ultra autoritaire dans le pays tant qu’elle permettait de contenir l’épidémie, il n’y a jamais eu autant de cas qu’aujourd’hui dans le pays. Plusieurs grandes villes du pays font ainsi face à des restrictions : à Shanghai, Guangzhou, Chongqing et Pékin, où les autorités demandent un test PCR négatif de moins de 48 heures pour accéder à des espaces publics tels que les hôtels, les bâtiments gouvernementaux et les centres commerciaux. Et si cela fait plusieurs semaines que la Chine voudrait assouplir les règles, l’économiste Ting Lu explique que « le chemin vers la réouverture peut être lent, coûteux et cahoteux ».
Or, la situation économique détermine grandement la situation économique. Et la politique « Zéro-Covid », par ses fermetures strictes, ses dépistages de masses et ses contrôles de quarantaine ont pesé sur la population et sur les finances des gouvernements locaux. Et Ting Lu explique : « Lorsque le nombre d’infections grimpera rapidement en flèche, ce sera un coup dur pour le système de santé et l’ensemble de la société. Les infections à grande échelle auront un impact négatif sur la consommation, la production et la logistique. » Pour lui, une amélioration de la situation économique pourrait n’avoir lieu qu’au troisième ou quatrième trimestre de l’année prochaine. Et ce, ajouté à la stagnation du secteur immobilier, qui avait été le moteur économique le plus important de la Chine au cours des deux dernières décennies, la situation économique chinoise semble risquer avoir des difficultés dans les mois à venir.
Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que Foxconn ait cherché à temporiser la situation sur son site aussi rapidement. Les déclarations de l’entreprise sont à inscrire dans le contexte des fêtes de fin d’année mais aussi dans la possibilité d’une extension de la révolte à d’autres sites. La classe ouvrière chinoise, l’une des plus exploitées mais aussi l’une, si ce n’est pas la plus nombreuse au monde, pourrait bien se réveiller. Et si elle venait à s’allier à la classe moyenne, ce pourrait bien être la fin du régime de Xi Jinping.