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Sénégal: chronique d’une insurrection annoncée

Sénégal

Lien publiée le 11 juin 2023

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

 Au Sénégal, chronique d'une insurrection annoncée (afriquexxi.info)

Analyse · La tension entre le pouvoir et le camp d’Ousmane Sonko, très populaire chez les jeunes, n’a cessé de grimper depuis deux ans. En instrumentalisant la justice depuis son élection afin d’écarter ses principaux concurrents et en laissant penser qu’il briguerait un troisième mandat, Macky Sall a pris le risque de faire de l’ancien lanceur d’alerte un martyr, et de voir la rue s’embraser.

En mars 2021, le Sénégal était, cinq jours durant, et en plusieurs endroits, le théâtre d’un déferlement de manifestations spontanées après l’arrestation d’Ousmane Sonko, perçue comme un abus du pouvoir. Au cours de ces cinq jours d’émeutes, 14 manifestants avaient perdu la vie, dont 12 (parmi lesquels 3 mineurs) à la suite de tirs par balles de la police, de la gendarmerie et de l’armée. Plusieurs bâtiments publics et biens privés avaient été détruits par les manifestants en furie.

Ce furent les « régulateurs sociaux », à savoir les marabouts et des leaders de la société civile, qui finirent par apaiser la situation en négociant un compromis entre le pouvoir et l’opposition. Cinq jours après son interpellation, la justice plaçait Ousmane Sonko sous contrôle judiciaire et le libérait tout en confisquant son passeport. Le M24, qui coordonnait alors l’action des partis politiques et de la société civile, suspendait son appel à manifester. Les « régulateurs sociaux » visitaient les familles des victimes (morts et blessés), leur accordant des réparations « officieuses » pour les dommages subis et appelant à la paix. L’État sénégalais ne reconnaissait toutefois pas sa responsabilité envers ces victimes et ne montrait aucune volonté de poursuivre les enquêtes sur ces violations des droits humains.

Deux ans plus tard, le Sénégal vit des journées similaires à celles de mars 2021. La condamnation d’Ousmane Sonko et de Ndeye Khady Ndiaye, propriétaire du salon de massage Sweet Beauty, à une peine de deux ans d’emprisonnement ferme pour, respectivement, « corruption de la jeunesse » et « incitation à la débauche », a immédiatement entraîné une autre série de manifestations réprimées dans le sang. Lors des journées du 1er et du 2 juin, 15 personnes ont été tuées selon le ministère de l’Intérieur – un bilan déjà plus lourd que celui de mars 2021. Le Sénégal vit sa crise politique la plus sérieuse depuis 1988, année au cours de laquelle une grève générale et une contestation électorale avaient fait vaciller le pouvoir d’Abdou Diouf.

Ces derniers jours, la rue a encore une fois répondu aux défaillances de la République. Mais alors qu’en mars 2021 les médiateurs sociaux avaient pu décanter la situation, leur capacité à en faire de même aujourd’hui est loin d’être garantie, leur crédibilité et leur impartialité étant de plus en plus remises en question par l’opposition. Au cours de ces deux dernières années, et dans le contexte de l’affaire juridico-politique « Sweet Beauty », dont la conclusion judiciaire pourrait l’empêcher de se présenter à l’élection présidentielle de 2024, Ousmane Sonko, jusqu’alors simple membre de l’opposition, a pris une nouvelle envergure aux niveaux national et international, suscitant intérêts et craintes, en articulant les aspirations d’une jeunesse et d’une classe moyenne désabusées, et œuvrant à la crispation des relations entre la France et le Sénégal.

AU DÉBUT ÉTAIT UNE PLAINTE POUR VIOLS

Lors de l’éclatement de l’affaire « Sweet Beauty », en 2021, Rama Salla Dieng, militante féministe et maîtresse de conférences à l’Université d’Édimbourg (Royaume-Uni), écrivait que le « corps des femmes est depuis toujours une arène de batailles politiques »1 au Sénégal. Au début était une plainte pour viols et menaces de mort, soumise à la section de recherches de la gendarmerie de la Médina (un quartier de Dakar), à l’encontre de celui qui était alors député à l’Assemblée nationale. L’autrice de la plainte, Adji Raby Sarr, une employée du salon de massage payée au pourboire, accusait Ousmane Sonko de l’avoir violée à plusieurs reprises entre décembre 2020 et février 2021, et de l’avoir menacée de mort en cas de dénonciation. Si Ousmane Sonko a reconnu avoir fréquenté ce salon de massage pour ses problèmes lombaires, il a toujours nié les accusations portées contre lui et n’a cessé de dénoncer un complot politique.

L’affaire qui allait structurer les débats politiques pour les années à venir éclatait à un moment particulier : Macky Sall avait réussi à coopter l’opposant Idrissa Seck, arrivé deuxième à l’élection présidentielle de 2019, en le nommant président du Conseil économique, social et environnemental, et en ouvrant le gouvernement à plusieurs membres de son parti. En effet, le remaniement gouvernemental de novembre 2020 intégrait plusieurs anciens critiques du gouvernement comme Oumar Sarr, du Parti démocratique sénégalais (PDS), et Aissata Tall Sall, du Parti socialiste/Osez l’avenir, tout en éjectant plusieurs potentiels dauphins de Macky Sall comme Aminata « Mimi » Touré, Makhtar Cissé ou encore Amadou Ba, alors ministre des Affaires étrangères. Ce faisant, Ousmane Sonko était l’un des seuls opposants à Macky Sall encore en marge de ce genre de tractations.

L’accusation de viols et de menaces de mort qui devait sonner le glas de sa carrière politique et paver la voie à un « deuxième quinquennat »/« troisième mandat » pour Macky Sall a dominé les débats publics. Si les partisans de Sonko y voient une machination politique ayant pour but d’écarter du jeu un acteur politique qui se distingue par son discours radical contre le système politico-économique, mais aussi contre les relations étroites entre la France et le Sénégal et la corruption des politiques et de l’administration, ses contempteurs, parmi lesquels figurent les tenants du pouvoir, arguaient qu’il ne s’agissait que d’une simple affaire de mœurs impliquant un homme politique qui avait abusé de son statut.

Adji Sarr, 20 ans, issue d’un milieu social modeste, employée dans des conditions précaires dans un salon de massage, se trouvait ainsi au centre de l’attention ; par sa voix, et par ses propos, elle pesait sur les aspirations de millions de Sénégalais·es et pouvait déterminer la trajectoire politique de la nation. Une pression forte sur une jeune femme qui était entrée par effraction sur la scène publique et qui est devenue à son corps défendant un jouet pour les acteurs politiques sénégalais. Le fait qu’elle aurait été soutenue par Me Gaby So, avocat au barreau de Dakar, dans la rédaction de la plainte pour viols et menaces de mort, et que plusieurs membres de la coalition au pouvoir l’aient soutenue dans sa quête de justice, a très tôt donné à l’affaire un relent politique, de même que la levée de l’immunité parlementaire d’Ousmane Sonko, en février 2021, ainsi que les arrestations préventives de plusieurs membres de son parti.

UNE FIGURE ANTI-SYSTÈME

Les associations féministes qui ont longtemps lutté pour la criminalisation du viol ont subi de multiples pressions pour « porter » cette affaire et défendre Adji Sarr face à Ousmane Sonko. Un ministre de la Justice a ainsi reproché à plusieurs de ces associations de ne pas avoir défendu Adji Sarr, bien que le gouvernement ait accédé à la demande de criminalisation du viol en janvier 2020 – ce malgré les réticences du corps judiciaire qui s’inquiétait de la difficulté de prouver la réalité de ce crime en l’absence d’éléments scientifiques et/ou médicaux, qui étaient peu utilisés jusqu’alors, faute de moyens.

En 2023, lorsque la justice relaxe au bénéfice du doute Sitor Ndour, ancien maire de Fatick et allié du président, pour des faits de viol sur une domestique mineure servant de nourrice pour ses enfants, en dépit des messages audio de l’accusé suppliant la mère de la victime de ne pas porter plainte et de trouver un accommodement avec lui, l’incrédulité de l’opinion face à sa partialité ne fait qu’augmenter.

Le ralliement autour d’Ousmane Sonko dans cette affaire vient ainsi en partie des suspicions de manipulation judiciaire dans le but d’écarter un adversaire politique. En ce sens, l’affaire « Sweet Beauty » et l’utilisation des moyens de l’État pour exercer un pouvoir de contrôle et de coercition sur Ousmane Sonko a écorné l’image d’une démocratie sénégalaise réputée stable.

Mais, plus fondamentalement, Ousmane Sonko articule des griefs partagés au sein de la société sénégalaise, quant à la prédation de l’économie par les élites, à la captation de l’économie sénégalaise par des capitaux étrangers, en particulier français, qui bénéficient d’exemptions fiscales sans impact positif sur les conditions des travailleurs, et aussi quant aux collusions entre cercles du pouvoir et cercles maraboutiques, dont les intérêts convergent souvent et qui s’accordent en général sans que « ceux d’en bas » ne soient pris en compte. C’est contre ce système qu’Ousmane Sonko a construit son discours politique depuis son irruption sur la scène politique en 2014, en apparaissant d’abord comme un lanceur d’alerte sur les incohérences de la politique gouvernementale. Le fait qu’il était à l’époque inspecteur des impôts et domaines et que nombre de ses collègues et même des acteurs économiques témoignaient de sa probité lui a donné une certaine crédibilité en tant que critique du « système ».

« PROTÉGER LE PROJET »

Depuis 1960, le Sénégal s’est positionné comme un havre de stabilité politique dans la sous-région en maintenant des liens forts avec la France et les États-Unis, qui se reflètent dans les relations économiques et sécuritaires. Au cours des deux mandats de Macky Sall, le Sénégal a eu des taux de croissance économique frôlant les 10 %, grâce aux secteurs tertiaire et primaire en particulier. Mais cette croissance n’est pas « mangée » par les locaux, et notamment par les gorgorlous (ceux qui se débrouillent pour gagner leur pain quotidien), qui ne se retrouvent pas dans ces chiffres et qui sont affectés par l’inflation sur les prix des produits de première nécessité et de l’énergie. En 2022, celle-ci avait atteint près de 10 % au Sénégal, réduisant le pouvoir d’achat de millions de travailleurs.

À ces difficultés s’ajoutent des problèmes économiques qui poussent des milliers de jeunes dans la force de l’âge à tenter de fuir le pays chaque année, en quête de meilleures perspectives. Pour tous ces déclassés du système, Ousmane Sonko représente un espoir d’avenir meilleur car il est l’un des rares acteurs politiques à oser contester la structure de l’économie et à dénoncer les réponses cosmétiques à un problème de fond. Dans le discours ambiant, « protéger le projet » est un terme qui revient souvent. Et ce projet est incarné par Ousmane Sonko.

Pour toutes ces raisons, Ousmane Sonko est vu comme le seul (et peut-être le dernier) espoir pour la réalisation de ces aspirations, mais aussi contre l’ambition prêtée à Macky Sall de vouloir briguer un troisième mandat, après avoir déjà marginalisé Karim Wade et Khalifa Sall, radiés de la liste des électeurs et donc inéligibles après leurs condamnations en 2014 et 2017. De fait, on ne peut comprendre la résistance à toute arrestation d’Ousmane Sonko et l’appel de l’intéressé à descendre dans la rue pour défendre le « projet » sans prendre en compte l’instrumentalisation de la justice afin d’écarter les rivaux politiques de Macky Sall ces dernières années.

LES PRÉCÉDENTS KARIM WADE ET KHALIFA SALL

En 2012, à peine élu, Macky Sall réactivait la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) pour juger les cas de corruption et de détournement sous Abdoulaye Wade, son prédécesseur au pouvoir de 2000 à 2012. Karim Wade, fils de l’ancien président et ancien tout-puissant ministre, fut l’une des cibles de cette cour et, au terme d’une procédure de deux ans (2012-2014), il fut condamné pour enrichissement illicite à payer une amende de 138 milliards de F CFA (plus de 210 millions d’euros). Cette condamnation le privait de ses droits politiques. À l’issue de tractations diplomatico-politiques, Karim Wade fut forcé de s’exiler à Doha (Qatar) en 2016. Depuis, il n’a plus jamais remis les pieds au Sénégal, et nombre de chefs de son parti, le PDS, ont rallié la majorité présidentielle.

L’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, à Paris, en mai 2012.
© Skolkovo Foundation / flickr.com

En 2017, c’était au tour de Khalifa Sall, maire de Dakar de 2009 à 2017, d’être poursuivi par la justice et d’être condamné à une peine de cinq ans d’emprisonnement et à une amende de 5 millions de F CFA pour « escroquerie aux deniers publics », « faux et usage de faux dans des documents administratifs » et « complicité en faux en écriture de commerce » dans l’affaire dite de la « caisse d’avance » de la ville de Dakar. Cette caisse d’avance, qui constituait un fonds de soutien social, était utilisée comme fonds de mobilisation politique, et était perçue comme un contrepoids dangereux à la capacité financière de la majorité présidentielle. Lors de sa condamnation, Khalifa Sall a lui aussi perdu ses droits civiques, et c’est pourquoi sa candidature à la présidentielle de 2019 a été rejetée par le Conseil Constitutionnel.

Si des fautes ont pu être commises par les deux hommes lorsqu’ils étaient aux affaires, les droits de la défense ont été violés dans les deux procédures. Récemment, l’ancien procureur de la Crei a dénoncé les immixtions politiques, exprimant sa frustration liée aux obstructions du chef de l’État2. La mobilisation populaire autour de Sonko s’explique en partie par le manque de confiance envers la justice exacerbé par ces affaires. Et c’est ce qui a poussé le camp Sonko à adopter la stratégie de la « rue publique » en janvier 2023.

BRAS DE FER

Le débat est désormais clivé, et chaque camp se radicalise. Les accusations de « fascisme » et de complicité avec la rébellion du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), portées contre Sonko par des ministres, des directeurs d’agence et des patrons de quotidiens nationaux proches du pouvoir, sont de plus en plus fréquentes. Face à l’ascension de Sonko, la réponse consiste à le diaboliser, et à faire peur en invoquant les risques que pourrait causer son accession au pouvoir.

L’audition des parties dans le cadre de l’affaire « Sweet Beauty » à partir de novembre 2022 a été le point de départ d’un nouveau bras de fer entre la rue et l’appareil étatique. Ousmane Sonko et ses partisans affirment depuis longtemps que le dossier de viols et de menaces de mort est vide. Ils arguent que le rapport de consultation médicale établi par un gynécologue l’exonère et que le procès-verbal d’enquête rédigé par la section de recherches a été manipulé par l’ancien procureur de Dakar – et donc que le juge d’instruction aurait dû clore l’information judiciaire. Il est vrai que le haut-commandant de la Gendarmerie avait diligenté une enquête interne sur le déroulé de la procédure en mars 2021, laquelle avait mis en lumière des interférences.

La fuite vers Touba de Seydina Oumar Touré, l’un des deux capitaines enquêteurs, avant son retour à Dakar et sa radiation du corps de la gendarmerie en juin 2021 pour « fautes contre l’honneur, la probité et les devoirs généraux du militaire », ont renforcé le sentiment d’abus venant du sommet. Le remplacement du général Jean-Baptiste Tine, haut-commandant de la Gendarmerie, en avril 2021, a quant à lui été perçu comme une sanction par rapport à la gestion des manifestations de mars 2021. Il se trouve que le général Tine est celui qui a commandité l’enquête interne...

DÉSOBÉISSANCE CIVILE

Dans un contexte d’intenses pressions politiques sur l’appareil judiciaire – pressions venues des deux côtés –, la conclusion de cette affaire ne pouvait qu’être contestée. Lorsque le doyen des juges a décidé de renvoyer le dossier devant la chambre criminelle, en janvier 2023, Ousmane Sonko et son parti, le Pastef (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité), ont adopté une nouvelle stratégie. Lors d’un discours tenu durant un grand meeting à Keur Massar en janvier 2023, Sonko a dit « confier » son sort aux Sénégalais et a affirmé que son testament était déjà rédigé. Face aux abus et à l’arbitraire du pouvoir, il a appelé au « gatsa-gatsa », c’est-à-dire à un retour à l’envoyeur face à tous ces outrages.

Le pouvoir, en réponse, a dénoncé des appels à l’insurrection et promis de « défendre la République ». Depuis février 2023, plusieurs confrontations ont opposé sympathisants de Sonko et forces de l’ordre, à Mbacké (février), Dakar (février/mars) et Ziguinchor (mai). Dans une scène surréaliste captée par des téléphones en février, la brigade d’intervention polyvalente (BIP) de la police nationale a fracassé le véhicule d’Ousmane Sonko, de retour d’un procès pour diffamation, puis des policiers l’ont extrait de force de son véhicule pour le ramener chez lui, à la cité Keur Gorgui. En mars 2023, pour la même affaire de diffamation, policiers et partisans de Sonko se sont affrontés au rond-point Mermoz, à Dakar. Sonko, gazé et ramené de force au tribunal, puis hospitalisé, a parlé par la suite de « tentative d’assassinat ». La pression contre l’opposant va depuis crescendo. L’accès à sa résidence est régulièrement bloqué par la police et la gendarmerie, sans aucune justification légale.

En mai 2023, à l’annonce du début du procès de l’affaire « Sweet Beauty », Sonko a appelé à une campagne de désobéissance civile pour protester contre l’arbitraire. De Ziguinchor, dont il est le maire, une ceinture composée de ses partisans protégeait le leader du Pastef de toute arrestation par les forces de l’ordre. Une tentative d’arrestation a d’ailleurs causé la mort d’un policier, écrasé par un véhicule de police, et la blessure de plusieurs manifestants.

LA « BATAILLE FINALE » ?

Le 24 mai, un jour après la fin des débats, Ousmane Sonko a annoncé son retour à Dakar et a demandé aux jeunes rassemblés devant son domicile s’ils étaient prêts à l’accompagner. Ainsi, devant une foule acquise, il a déclaré : « Nous n’avons pas à fléchir devant Macky Sall. Tous les Sénégalais qui ne peuvent pas accepter que notre projet soit compromis sur des bases telles que ce qui est en train de se passer, je les convie à se mouvoir vers Dakar. Car s’il doit y avoir une bataille finale, elle se fera à Dakar. »

La « caravane de la liberté », qui devait passer par plusieurs villes entre Ziguinchor et Dakar, sur un trajet de 500 km, a constitué un autre épisode du bras de fer politique entre le pouvoir et Sonko. Elle a rapidement été interrompue le 27 mai, lorsque Ousmane Sonko a été arrêté dans le département de Koungheul, alors qu’il était séparé de ses partisans, par le Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), puis assigné officieusement à résidence à Dakar.

Depuis cette arrestation, Ousmane Sonko, ainsi que les membres de sa maisonnée, sont privés de leur liberté de mouvement. Sonko n’a ainsi plus accès à ses avocats. Plusieurs manifestations spontanées ont éclaté dans la capitale ainsi que des appels à lever de force les barricades érigées par la police à la cité Keur Gorgui. Le 1er juin, lorsque le délibéré du procès est tombé, les manifestants ont pris possession de plusieurs rues de Dakar, mais aussi de Ziguinchor, de Kaolack et de Pout, entre autres villes, pour dénoncer l’iniquité d’un verdict qui risque de compromettre le « projet ». Les 1er et 2 juin, au moins 15 personnes ont perdu la vie, dont plusieurs à la suite de tirs par balles des forces de l’ordre. Ousmane Sonko est devenu inaudible, car privé de tout moyen de communication. Mais la rue, elle, bruit d’énergie et de force, et semble sur le point d’exploser.

Ousmane Diallo

Ousmane Diallo est chercheur pour le Sahel/Sénégal au bureau régional d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Il est titulaire d’un doctorat en science politique de l’école des hautes études Balsillie. Sa thèse portait sur le conflit malien et l’architecture africaine de paix et de sécurité.