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Le retour d’un spectre
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Le retour d’un spectre - Edito du n°73 - Révolution : Tendance marxiste internationale
Rédigé en 1847 par Marx et Engels, le Manifeste du Parti communiste s’ouvre sur ces mots : « Un spectre hante l’Europe : le spectre du communisme. Toutes les puissances de la vieille Europe se sont unies en une Sainte-Alliance pour traquer ce spectre : le pape et le tsar, Metternich et Guizot [1], les radicaux de France et les policiers d’Allemagne. »
176 ans plus tard, le spectre du communisme – qu’on disait disparu, à tout jamais, dans les décombres du stalinisme – revient hanter non seulement l’Europe, mais le monde entier. Cela se manifeste notamment, d’une façon frappante, dans une série d’enquêtes d’opinion. L’une des plus récentes, publiée au Canada, rapporte que 13 % des Canadiens, 20 % des Américains, 20 % des Australiens et 29 % des Britanniques âgés de 18 à 34 ans considèrent « le communisme » comme « le meilleur système économique ».
Le même phénomène a été enregistré, en France, par une enquête Ifop datant d’avril dernier. Elle rapporte que 19 % de la population française considère le communisme comme « une idée d’avenir ». Le chiffre monte à 29 % chez les moins de 35 ans et à 25 % dans les « catégories populaires ».
La roue de l’histoire
L’image du « spectre » s’en trouve enrichie d’une nouvelle signification. Le spectre, ce n’est plus seulement la menace diffuse de 1847 ; c’est aussi, désormais, le revenant, le fantôme. A sa vue, les chantres du capitalisme sont saisis d’horreur et de stupéfaction.
Ils pensaient avoir conjuré, pour toujours, le « péril rouge ». Après tout, l’effondrement des régimes staliniens d’Union soviétique et d’Europe de l’Est, d’une part, et la restauration du capitalisme en Chine, d’autre part, ont apporté une énorme bouffée d’oxygène au système capitaliste. Par ailleurs, la chute du soi-disant « socialisme réel » a été suivie d’une vague de propagande massive, inédite, à la gloire de l’économie de marché. Dans le monde entier, les dirigeants officiels du mouvement ouvrier – y compris la plupart des dirigeants des Partis communistes – ont totalement capitulé face à cette pression idéologique. Ils se sont convertis avec enthousiasme aux merveilles du « libre marché ». Tout semblait donner raison à Francis Fukuyama, qui proclamait la « fin de l’histoire ». L’humanité pouvait enfin poser ses valises : le capitalisme était son ultime destination. A la lutte des classes allaient succéder les floraisons indéfinies de la paix, de la démocratie et de la prospérité, sous la bienveillante férule du grand Capital.
Seulement voilà : 30 ans plus tard, cette perspective est en ruine. La réalité brutale du capitalisme en contredit tous les termes. La paix ? Les guerres impérialistes se multiplient, sur fond de flambée des budgets militaires. La démocratie ? De nombreux peuples vivent toujours sous la botte de régimes dictatoriaux. Quant aux « démocraties » bourgeoises, elles sont profondément discréditées : nous en savons quelque chose en France, la patrie du « 49.3 ». La prospérité ? La moitié de la population mondiale vit sous le seuil de pauvreté officiel. 700 millions d’individus vivent dans « l’extrême pauvreté », c’est-à-dire avec moins de 2,15 dollars par jour. Dans le même temps, les fortunes accumulées par les plus gros capitalistes atteignent des niveaux vertigineux, indécents, grotesques.
C’est cette situation générale – et rien d’autre – qui explique le retour en force des idées communistes. Ce n’est donc pas un phénomène passager, sans lendemain : c’est le début d’un processus idéologique et politique majeur, qui va sans cesse gagner de nouvelles couches de la classe ouvrière, dans les années à venir. Il n’est pas étonnant qu’il se manifeste d’abord le plus nettement dans la jeunesse : la génération qui a moins de 30 ans, aujourd’hui, n’a rien connu d’autre que la crise économique mondiale, le chômage de masse, la précarité croissante, le développement inouï des inégalités sociales, une succession de guerres impérialistes et une nette accélération de la crise environnementale. En conséquence, cette génération a beaucoup moins d’illusions dans la viabilité du capitalisme que ne pouvait en avoir, par exemple, la jeunesse des années 90.
Rien de tout cela n’avait été anticipé par les idéologues bourgeois. A l’inverse, les marxistes – et c’est leur avantage décisif – disposaient d’une théorie leur permettant d’anticiper le cours général des événements. A l’époque de la chute de l’URSS et du Bloc de l’Est, le fondateur de notre mouvement, Ted Grant, prédisait qu’elle serait le prélude à la période la plus turbulente de l’histoire, marquée par de titanesques conflits de classe. Nous y sommes – ou plutôt, nous sommes au début de cette période, qui est loin d’être terminée. Les idées du communisme ont de beaux jours devant elles. Mais il n’y a pas de temps à perdre, et dès à présent la Tendance Marxiste Internationale (TMI) s’adresse directement à la jeunesse et aux travailleurs qui s’orientent vers ces idées. Dans la quarantaine des pays où la TMI est active, elle anime une campagne sous un mot d’ordre simple et clair : « Tu es communiste ? Rejoins-nous ! »
La contradiction centrale
Bien sûr, la plupart des jeunes qui se réclament du communisme n’en ont pas une conception très claire, d’un point de vue théorique. C’est le contraire qui serait étonnant. D’une part, ce phénomène est d’abord le résultat d’un rejet du capitalisme en crise, et non d’une adhésion consciente, réfléchie, aux idées du marxisme. D’autre part, en France comme ailleurs, les dirigeants des grandes organisations politiques et syndicales du mouvement ouvrier n’aident pas cette jeunesse à s’orienter vers le marxisme, puisqu’eux-mêmes ont de longue date abandonné ces idées et renoncé à l’objectif de renverser le capitalisme.
En France, ni Mélenchon, ni Ruffin, ni aucune autre figure connue de la France insoumise ne propose de rompre avec le système capitaliste. Quant au Secrétaire national du Parti Communiste Français, Fabien Roussel, son réformisme « vielle France » – qui n’a rien à voir avec les idées authentiques du communisme – recueille beaucoup plus de suffrages chez les éditorialistes de droite que dans la jeunesse et la classe ouvrière radicalisées. Alors que 29 % des jeunes, en France, considèrent le communisme comme une « idée d’avenir », la candidature de Fabien Roussel a recueilli 2 % des voix chez les 18-34 ans, en avril 2022. La direction nationale du PCF, cependant, n’en tire aucune leçon.
Telle est la contradiction centrale de notre époque : les idées du communisme sont plus que jamais d’actualité ; la crise organique du capitalisme pousse vers ces idées une fraction significative et croissante de la jeune génération ; mais les dirigeants officiels du mouvement ouvrier s’arrêtent, pétrifiés, devant la ligne rouge de la grande propriété capitaliste, qu’ils n’osent pas franchir. Au lieu d’expliquer la nécessité d’exproprier la grande bourgeoisie et de placer l’économie sous le contrôle démocratique des travailleurs, ils nous proposent divers plans de « réforme » d’un système en faillite, pourrissant, bon à jeter dans les poubelles de l’histoire.
Cette contradiction peut être levée – et le sera – par la construction d’une puissante Internationale révolutionnaire, marxiste, communiste, une Internationale qui s’appuie fermement sur les idées et le programme de Marx, Engels, Lénine et Trotsky. Ce qui distingue la Tendance Marxiste Internationale, et lui donne un avantage décisif sur tous les autres courants de gauche, c’est précisément cela : notre défense implacable des idées du marxisme. La jeunesse et les travailleurs qui cherchent à la fois des idées solides et une organisation déterminée à transformer radicalement le monde, à en finir avec l’exploitation de classe et ses ravages sans nombre, ne les trouveront pas ailleurs que dans nos rangs.
[1] Metternich et Guizot étaient deux politiciens réactionnaires, respectivement autrichien et français.