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Etat bourgeois et Etat ouvrier

Lien publiée le 23 septembre 2023

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

Etat bourgeois et Etat ouvrier - Révolution : Tendance marxiste internationale

Le « Comment ça Marx ? » du mois de mai dernier abordait la question de l’Etat en général. Nous expliquions que tout Etat a un caractère de classe, car tout Etat a pour fonction de défendre la domination d’une classe sociale. En outre, ce sont des « hommes en armes » – la police et l’armée, sous le capitalisme – qui constituent la colonne vertébrale de l’Etat.

La perspective d’une révolution socialiste, par laquelle les travailleurs prennent le pouvoir, pose de nouvelles questions relatives à l’Etat. Qu’est-ce que les travailleurs doivent faire de l’Etat bourgeois ? De quel type d’Etat ont-ils besoin, et quel en sera l’évolution ? Lénine a répondu de façon détaillée à ces questions dans L’Etat et la révolution, rédigé à la veille de l’insurrection d’Octobre 1917, en Russie.

Briser l’Etat bourgeois

Dans le cours d’une révolution socialiste, l’Etat bourgeois doit être brisé par les travailleurs. Sur ce point, Lénine cite Marx commentant la Commune de Paris de 1871 : elle a démontré que la « classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre la machine de l’Etat toute prête et de la faire fonctionner pour son propre compte. » [1]

Depuis, l’histoire a maintes fois – et tragiquement – confirmé cette idée. Par exemple, en refusant de briser l’Etat bourgeois, la direction de la révolution chilienne de 1970-73 a condamné celle-ci à la défaite. Rappelons que loin d’être « brisé », c’est-à-dire destitué et neutralisé, le général réactionnaire Augusto Pinochet a été nommé par Salvador Allende à la tête de l’armée chilienne, trois semaines avant le coup d’Etat du 11 septembre 1973.

De même, l’une des carences les plus flagrantes de la révolution vénézuélienne résidait dans le caractère bourgeois de l’Etat dont Hugo Chavez assumait la présidence. Chavez se plaignait ouvertement du sabotage de sa politique par divers élus et hauts fonctionnaires, mais c’était une conséquence inévitable du fait que l’Etat bourgeois, au Venezuela, n’avait pas été brisé.

Un « demi-Etat » qui s’éteint

Par quoi remplacer l’Etat bourgeois ? Par un Etat ouvrier – qui, comme tout Etat, défendra les armes à la main le pouvoir de la nouvelle classe dirigeante : la classe ouvrière. Les anarchistes qui veulent supprimer tout Etat, au lendemain de la révolution, doivent nous expliquer comment la Révolution russe aurait survécu sans l’Armée rouge, face aux assauts militaires de la réaction intérieure et impérialiste.

Cependant, il y a une différence qualitative fondamentale entre l’Etat ouvrier et l’Etat bourgeois : l’Etat ouvrier doit défendre le pouvoir de la grande majorité de la population, et non d’une petite minorité d’exploiteurs. En conséquence, l’Etat ouvrier peut et doit être préservé des monstrueux éléments de paritarisme, de corruption et de bureaucratisme qui caractérisent les Etats bourgeois contemporains. C’est pour cela que, dans le cas de l’Etat ouvrier, Friedrich Engels parlait d’un « demi-Etat ».

Cette différence qualitative apparaît concrètement dans les principes que les communards de 1871 ont établis et commencés à mettre en pratique : 1) pas d’armée permanente distincte du peuple, mais le peuple en armes ; 2) élection et révocabilité de tous les fonctionnaires exerçant un pouvoir ; 3) aucun élu ou fonctionnaire ne doit percevoir un salaire supérieur à celui d’un travailleur qualifié ; 4) graduellement, toutes les tâches de l’administration doivent être assumées, tour à tour, par tout un chacun : « quand tout le monde est un bureaucrate, personne n’est un bureaucrate. » (Lénine)

Enfin, l’Etat ouvrier doit s’éteindre, jusqu’à totalement disparaître, au fur et à mesure que les anciennes classes dirigeantes se dissolvent dans le nouvel ordre social – et que l’élévation du niveau de vie des masses élimine les stigmates hérités du capitalisme. Autrement dit, l’extinction totale de l’Etat ouvrier suppose une « société d’abondance », une société tellement développée, économiquement et culturellement, que la contribution de tout un chacun à la richesse sociale, comme la consommation de richesses sociales par tout un chacun, n’auront plus besoin d’être contrôlées par un appareil de contrainte étatique.

On appelle « communiste » une telle société. Et si l’Etat ouvrier, en URSS, ne s’est pas éteint (au contraire), c’est d’abord et avant tout parce que les bases économiques de cette extinction faisaient défaut. Nous aborderons ce thème – celui de l’Etat ouvrier déformé – dans un prochain article de cette rubrique.


[1] Karl Marx, La guerre civile en France.