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La Culture (les livres) dans l’Anticapitaliste n°689

Lien publiée le 6 janvier 2024

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://lanticapitaliste.org/opinions/culture/la-culture-les-livres-dans-lanticapitaliste-ndeg689

Écofascismes, d’Antoine Dubiau

Grévis, édition augmentée, 2023, 220 pages, 13 euros.

«Considérer que l’écologie se situe naturellement (et unilatéralement) du côté des mouvements socialistes, ou même de la gauche, s’apparente à une forme paresseuse d’arrogance ». Le livre d’Antoine Dubiau vient à point nommé pour armer celles et ceux qui s’engagent dans les batailles de l’écologie politique, notamment dans des luttes locales, et qui croisent des militantEs et des courants qui peuvent sembler nous ressembler mais qui, en y regardant de plus près, ne vont pas, mais alors pas du tout, dans le même sens que les courants progressistes de l’écologie.

Il ne s’agit pas d’une encyclopédie des éco­fascismes, mais plutôt d’une boîte à outil matérialiste pour nous y retrouver dans cet univers et comprendre à qui, à quoi, nous avons affaire.

D’abord, il s’inscrit en référence aux théorisations du fascisme développés par Ugo Palheta, en tant que processus croisant une idéologie, un système d’organisation et une façon d’exercer le pouvoir. Ensuite, son travail repose sur un énorme travail de veille sur la production effective des courants écofascistes notamment sur les réseaux sociaux.

Écofascistes vs carbofascistes

Antoine Dubiau permet de faire le tri entre celleux — les plus nombreux — pour qui l’habillage écologique est juste une volonté de récupération des thèmes de l’écologie par l’extrême droite française « installée », et celleux — les plus dangereux — qui élaborent un discours plus construit, autour de la référence à la nature (et donc ce qui est contre-nature), de l’émergence d’une forme de rapport racialiste au territoire — le blanc serait la couleur naturelle des habitantEs de l’Europe, en harmonie avec ce territoire, ayant donc vocation à se préserver et à se protéger — d’une critique radicale du productivisme débouchant sur une condamnation de tout progrès, assorties de l’invocation de la tradition, à un repli réactionnaire sur le territoire et à une critique de la démocratie comme système inopérant face au défi climatique...

Porter un projet de société écologique !

L’auteur attire notre attention sur les confusions qui peuvent naître d’une certaine forme de radicalité de la part de ces courants, au niveau théorique mais aussi sur le terrain, et invite à la clarification du discours écologique, à l’élaboration politique d’un projet de société écologique, dénué de toute ambiguïté sur les perspectives émancipatrices qu’il porte et sur ses liens avec les luttes contre les oppressions et les discriminations.

Claude Moro

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Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, de Georges Bess et Pia Bess

Éditions Glénat, 2023, 208 pages, 25,50 euros.

Les fans de Quasimodo, d’Esméralda et de Notre-Dame de Paris ne s’y tromperont pas : cet ouvrage est un monument. Georges et Pia Bess réussissent le tour de force de rendre en 200 pages toute l’intensité dramatique, la force, la puissance, du roman de Victor Hugo. L’usage du noir et blanc, un dessin d’une précision et d’une ampleur remarquables permettent dans un bel ensemble à Esméralda d’être la plus belle, la plus vertueuse, la plus touchante des zingaras, à Quasimodo d’être le plus laid, le plus fort, le plus loyal, des monstres sacrés, à la foule parisienne de grouiller, comme il se doit, et bien entendu à la cathédrale d’être monumentale et de prendre la place qui lui revient de droit. 

Dans un texte à ce point condensé, même si l’essentiel de l’intrigue est préservé, le style fait les frais d’un format minimaliste. C’est donc dans le dessin et la composition des planches que l’on doit retrouver le souffle hugolien qui nous attache aux héros du drame, qui nous emporte dans les vertigineuses tours de la cathédrale, qui nous égare dans les recoins de pierre où restent tapis les secrets les plus profonds de l’âme perdue de Frollo. Alors, comme dans le roman, comme dans la comédie musicale, comme dans le dessin animé, et même si on connait la fin, on n’a pas du tout envie que ça se termine ! L’avantage de la BD, c’est que posée sur la table du salon, elle reste à portée de la main et, quelle que soit la page ouverte, la magie opère aussitôt !

Vincent Gibelin

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Le Chant d’Achille, de Madeline Miller

En poche chez Pocket, 475 pages, 8,10 euros.

Madeline Miller est une autrice américaine. Passionnée et spécialiste de la Grèce antique et de sa mythologie, elle a décidé de publier plusieurs romans se plaçant dans cet univers, afin de faire découvrir des figures mythiques à travers une autre vision que celle des grands récits héroïques.

Dans le magnifique Chant d’Achille, paru en 2014 et sorti depuis au format poche, elle propose une vue différente de l’Iliade, à travers le regard de Patrocle, d’abord enfant, et jusqu’à sa mort des mains ­d’Hector, à Troie.

Patrocle est moins connu que son amant, Achille. Il est pourtant une pièce maîtresse dans le dénouement de la guerre de Troie. Nous le suivons ne faire qu’un avec Achille, avec qui il partage, outre un amour et une amitié, une formation chez le centaure Chiron, d’autres amours ou encore des querelles avec les rois de Grèce au premier rang desquels campe Agamemnon.

Contourner la vision guerrière

Achille, son amoureux, fils du roi de Phtie, Pélée, et de la déesse Thétis, y est décrit avec vivacité. Leur relation est palpable. Les mots, les tournures, les rythmes nous font découvrir quelques contrées hellènes ainsi que la côte troyenne à l’ouest de l’Anatolie. Nous côtoyons de grands noms, des hommes et des dieux, tels Ulysse, Ménélas, Pâris, Apollon, Ajax…

Mais Madeline Miller ne se cantonne pas à la vision guerrière et virile : elle la contourne même complètement et se borne à une lecture humaine, où l’empathie est sacralisée, où la douceur est sanctuarisée, où l’amour est valorisé. Les femmes et les enfants n’apparaissent pas comme des personnages secondaires mais comme des personnes à part entière. Les petits plaisirs et les grands déchirements ne sont pas pris de haut mais, au contraire, ils sont mis en exergue comme ce qui forme les identités, les contradictions, les libérations…

Un véritable chef-œuvre qui, tout en respectant l’imaginaire de l’Antiquité grecque, nous offre un autre regard. Un chant, oui, c’est bien cela.

Alexandre Raguet