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Manifeste de l’Internationale Communiste Révolutionnaire
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Ce Manifeste est d’une grande importance pour le mouvement communiste mondial. Nous appelons tous nos lecteurs à l’étudier attentivement et à lui donner la circulation la plus large possible. Il a été adopté par un vote unanime du Secrétariat International de la Tendance Marxiste Internationale et constitue le document fondateur d’une nouvelle Internationale Communiste Révolutionnaire, qui sera lancée en juin prochain.
L’Internationale Communiste Révolutionnaire (ICR) veut devenir la bannière sous laquelle se réuniront les jeunes et les travailleurs qui s’éveillent à la lutte pour renverser le capitalisme. Pour participer à la fondation de l’ICR et suivre ses débats – qui seront retransmis en ligne – inscrivez-vous !
En 1938, le grand révolutionnaire russe Léon Trotsky écrivait que « la crise historique de l’humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire ». Cette idée est aussi exacte aujourd’hui qu’à l’époque.
En cette troisième décennie du XXIe siècle, le système capitaliste est plongé dans une crise existentielle. L’histoire a connu d’autres situations de ce type. Elles expriment le fait qu’un système socio-économique donné a atteint ses limites et ne peut plus jouer de rôle progressiste.
La théorie marxiste du matérialisme historique nous donne une explication scientifique de ce phénomène. Chaque système socio-économique se développe, prospère, puis atteint un sommet à partir duquel il entre en déclin. Ce fut le cas de la société esclavagiste, qui a vu le déclin et la chute de l’Empire romain.
Le système capitaliste a développé l’industrie, l’agriculture, la science et la technique à des niveaux inédits. Ce faisant, il a inconsciemment posé les bases matérielles d’une future société sans classe.
Désormais, le capitalisme a atteint ses limites, et chaque chose se transforme en son contraire. Ce système a épuisé son potentiel historique. Il est incapable de faire avancer la société ; il a atteint un point de non-retour.
Nous n’avons pas affaire à une crise cyclique, normale, du capitalisme. C’est une crise existentielle, qui s’exprime non seulement dans la stagnation des forces productives, mais dans une crise générale – à la fois culturelle, morale, politique et religieuse.
Le gouffre entre les riches et les pauvres – entre la fortune obscène de quelques parasites et la misère d’une grande majorité de la population mondiale – n’a jamais été aussi profond.
Ce sont les symptômes révoltants d’une société malade et mûre pour son renversement. Sa chute est inévitable ; rien ne pourra l’empêcher. Mais cela ne signifie pas que la bourgeoisie est incapable de prolonger la crise et d’en réduire l’impact – temporairement et dans une certaine mesure.
Cependant, les mesures que prend la bourgeoisie créent de nouvelles et insolubles contradictions. A cet égard, la crise financière de 2008 fut un tournant majeur. Le capitalisme mondial ne s’en est toujours pas relevé.
Pendant des décennies, les économistes bourgeois ont prétendu que la « main invisible du marché » résoudrait tous les problèmes – et que les gouvernements ne devaient jouer aucun rôle dans la vie économique des nations. Mais lorsque les marchés se sont effondrés, ils n’ont été sauvés que par des interventions massives des Etats. Pour éviter une catastrophe absolue, les gouvernements et les Banques centrales ont été contraints d’injecter d’énormes quantités d’argent dans le système.
Pour sauver son système, la bourgeoisie a dû étendre le marché au-delà de ses limites naturelles. Les gouvernements ont dépensé des milliards d’euros et de dollars qu’ils ne possédaient pas. Ils ont répété cette méthode imprudente pendant la pandémie de 2020 et 2021.
Ces mesures désespérées ont fatalement provoqué une crise inflationniste et une explosion des dettes publiques et privées, ce qui a obligé les gouvernements à freiner brutalement. Il leur faut désormais inverser l’ensemble du processus.
Les crédits faciles et les taux d’intérêt exceptionnellement bas appartiennent à une époque révolue. Elle ne reviendra pas de sitôt – si tant est qu’elle puisse revenir.
L’économie mondiale s’oriente vers une crise majeure au cours de laquelle tous les facteurs se combineront et s’alimenteront en un cercle vicieux.
Le monde est entré dans une époque caractérisée par un cycle permanent de guerres, d’effondrements économiques et de misère croissante. Même dans les pays les plus riches, les salaires sont minés par la hausse des prix, cependant que les coupes budgétaires affaiblissent constamment les services publics de la santé et de l’éducation (entre autres).
On assiste à une offensive brutale contre le niveau de vie des travailleurs et des classes moyennes. Mais dans le même temps, ces mesures ne font qu’aggraver la crise. Chaque fois qu’elle s’efforce de restaurer l’équilibre économique, la bourgeoisie détruit l’équilibre politique et social. Elle est piégée dans une crise dont elle ne voit pas l’issue. C’est l’élément central de la situation.
Ceci étant dit, Lénine expliquait qu’il ne peut y avoir de crise finale du capitalisme. S’il n’est pas renversé, le capitalisme se relèvera même de la crise la plus profonde, au prix d’effroyables souffrances humaines.
Les limites de la mondialisation
Les causes fondamentales des crises du capitalisme sont, d’une part, la propriété privée des moyens de production – et, d’autre part, les camisoles de force des marchés nationaux, qui sont trop étroits pour contenir les forces productives créées par ce système.
Pendant toute une époque, la bourgeoisie est parvenue à dépasser partiellement le deuxième obstacle grâce à la « mondialisation », c’est-à-dire au développement du commerce mondial et à l’intensification de la division internationale du travail.
Ce phénomène a été amplifié par l’incorporation de la Chine, de l’Inde et de la Russie au marché capitaliste mondial, après la chute de l’Union Soviétique. C’est ce qui a permis au système capitaliste de survivre et de croître au cours des dernières décennies.
Les vieux alchimistes pensaient avoir découvert une méthode secrète pour transformer le plomb en or ; les économistes bourgeois, eux, pensaient avoir découvert le remède à tous les problèmes du capitalisme.
Ces illusions ont éclaté comme des bulles de savon. La mondialisation a atteint ses limites et fait désormais marche arrière. La tendance dominante est aux mesures protectionnistes et au nationalisme économique – c’est-à-dire, précisément, à tout ce qui a transformé la récession des années 30 en Grande Dépression.
Ceci marque un changement décisif dans la situation globale et, fatalement, provoque une énorme exacerbation des contradictions entre nations et une multiplication des conflits militaires.
Une expression très claire de ce processus est la campagne de l’impérialisme américain menée sous le slogan : « l’Amérique d’abord ! ». Cela signifie que le reste du monde doit être cantonné aux deuxième, troisième et quatrième places – quitte à générer de nouvelles contradictions, guerres et guerres commerciales.
L’horreur sans fin
La crise s’exprime dans une instabilité générale – économique, financière, sociale, politique, diplomatique et militaire. Dans les pays pauvres et étranglés par les créanciers impérialistes, des millions d’individus sont menacés de famine.
En juin 2023, l’ONU estimait que 110 millions de personnes avaient été déplacées de force par la guerre, la famine ou le changement climatique. Ce chiffre est encore plus élevé qu’avant la pandémie mondiale. Et c’était avant la guerre contre Gaza.
Dans l’espoir d’échapper à ces horreurs, des millions de personnes tentent désespérément de fuir vers l’Europe ou les Etats-Unis. Ceux qui traversent la Méditerranée ou le Rio Grande sont soumis, en cours de route, à des violences et des abus inouïs. Chaque année, des dizaines de milliers d’entre eux y trouvent la mort.
Telles sont les terribles conséquences de l’effondrement économique et social provoqué par les ravages de l’économie de marché (prétendument « libre ») et par la violence de l’impérialisme. Ils sèment la mort et la dévastation à des échelles inimaginables.
Après la chute de l’Union Soviétique, les Etats-Unis sont devenus, pendant un certain temps, la seule superpuissance au monde. Avec le pouvoir colossal vient l’arrogance colossale. Au moyen d’une combinaison de pouvoir économique et de puissance militaire, l’impérialisme américain a imposé sa volonté à chaque nation qui refusait de se soumettre à Washington.
Après avoir pris le contrôle des Balkans et d’autres anciennes sphères d’influence soviétiques, l’impérialisme américain a lancé une offensive brutale et unilatérale contre l’Irak, provoquant la mort de plus d’un million de personnes. L’invasion de l’Afghanistan fut un autre épisode sanglant. Nul ne sait combien de gens sont morts dans ce pays malheureux.
Cependant, les limites de la puissance américaine se sont manifestées en Syrie, où Washington a subi une défaite consécutive à l’intervention de la Russie et de l’Iran. Ceci a marqué un changement soudain. Depuis, l’impérialisme américain va de revers en revers.
En lui-même, ce fait est une illustration de la crise du capitalisme à l’échelle mondiale. Au XIXe siècle, l’impérialisme britannique s’enrichissait énormément grâce à sa position de puissance dominante à l’échelle mondiale. Mais aujourd’hui, les choses se sont transformées en leur contraire.
La crise du capitalisme et les tensions internationales croissantes ont fait du monde un endroit beaucoup plus turbulent et dangereux. Le rôle de gendarme du monde est beaucoup plus complexe et coûteux qu’auparavant. Des troubles éclatent sans cesse, et d’anciens alliés de Washington, profitant de ses difficultés, n’hésitent plus à le défier.
L’impérialisme américain est la force la plus puissante et la plus réactionnaire de la planète. Et pourtant, il n’est plus une seule région du monde où il parvienne à imposer sa volonté de façon décisive.
La guerre contre Gaza a souligné la cruauté et la répugnante hypocrisie de l’impérialisme américain. Il a été l’un des principaux acteurs du massacre perpétré par la monstrueuse machine israélienne contre des hommes, des femmes et des enfants sans défense.
Cette guerre d’agression criminelle n’aurait pas pu être menée sans le soutien actif de la clique dirigeante américaine. Tout en versant des larmes de crocodile sur le sort des Gazaouis, Washington n’a jamais cessé d’envoyer des armes et de l’argent au gouvernement de Netanyahou.
Mais le plus frappant, c’est l’incapacité totale des Américains à imposer aux Israéliens une ligne de conduite conforme aux intérêts de la première puissance mondiale. Ils avaient beau tirer sur les fils, la marionnette continuait de danser à sa guise. C’est une très instructive illustration du déclin de la puissance américaine, qui ne se limite pas au Moyen-Orient.
L’aptitude d’une nation à en dominer d’autres n’est pas absolue, mais relative. La situation n’est pas statique, mais dynamique ; elle change constamment. L’histoire l’a montré : des nations arriérées et dominées peuvent se transformer en Etats agressifs qui se tournent contre ses voisins pour les dominer et les exploiter.
Aujourd’hui, la Turquie est l’une des puissances dominantes du Moyen-Orient. C’est une puissance impérialiste régionale. De leur côté, la Russie et la Chine – une fois le capitalisme restauré dans ces deux pays – se sont transformées en de formidables puissances impérialistes d’une envergure mondiale. En conséquence, elles sont en conflit direct avec l’impérialisme américain.
Il est vrai que la Chine et la Russie n’ont pas encore acquis la puissance économique et militaire des Etats-Unis. Mais elles sont d’ores et déjà de puissants rivaux de Washington dans la lutte pour des marchés, des sphères d’influence, des sources de matières premières et des champs d’investissements profitables. Les guerres en Ukraine et à Gaza ont clairement souligné les limites de la puissance américaine.
Par le passé, l’actuel niveau de tensions aurait déjà conduit à une guerre majeure entre les grandes puissances. Mais dans les conditions actuelles, ce n’est pas à l’ordre du jour – du moins pas dans l’immédiat.
Les capitalistes ne font pas la guerre par amour de la patrie, de la démocratie ou d’autres grands principes. Ils font la guerre pour le profit, pour le contrôle de marchés extérieurs, de sources de matières premières (comme le pétrole) – et pour accroître leurs sphères d’influence.
N’est-ce pas parfaitement clair ? Et n’est-il pas tout aussi clair qu’une guerre nucléaire ne permettrait pas d’atteindre ces objectifs – mais aboutirait seulement à la destruction mutuelle des belligérants ? Ils ont eux-mêmes inventé un acronyme pour qualifier ce scénario : MAD, pour « mutually assured destruction » (destruction mutuelle garantie).
Il y a un autre facteur décisif qui joue contre une guerre ouverte entre les grandes puissances impérialistes : l’opposition de masse à la guerre, en particulier (mais pas seulement) aux Etats-Unis. Un sondage récent souligne qu’à peine 5 % de la population américaine serait favorable à une intervention militaire directe en Ukraine.
Ce n’est pas surprenant, compte tenu des humiliantes défaites subies par les Américains en Irak et en Afghanistan. Elles ont profondément marqué la conscience des masses aux Etats-Unis. A cela s’ajoutent les craintes qu’une confrontation directe avec la Russie échappe à tout contrôle et ouvre la possibilité d’un conflit nucléaire.
Bien qu’une guerre mondiale soit exclue dans les conditions actuelles, il y aura beaucoup de « petites » guerres par procuration, comme la guerre en Ukraine. Leur impact global sera important. Elles aggraveront la volatilité générale et le désordre mondial. La guerre contre Gaza l’a très clairement démontré.
Le capitalisme ne peut plus rien offrir d’autre à l’humanité que la misère, les souffrances, les maladies et les guerres. Comme le disait Lénine, le capitalisme signifie l’horreur sans fin.
La crise de la démocratie bourgeoise
Les conditions économiques de la période à venir ressembleront beaucoup plus à celles des années 1930 qu’à celles ayant suivi la Deuxième Guerre mondiale. Cela conduit à poser la question : est-ce que la démocratie bourgeoise restera intacte dans un avenir prévisible ?
Dans les faits, la démocratie est le monopole de quelques nations riches et privilégiées, où la guerre de classe peut être contenue dans certaines limites au moyen de concessions aux travailleurs.
C’est la base matérielle sur laquelle la soi-disant démocratie a été maintenue pendant des décennies dans des pays tels que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. L’alternance entre Républicains et Démocrates, Conservateurs et Travaillistes, etc. ne changeait rien de fondamental.
En réalité, la démocratie bourgeoise n’est qu’un masque rieur, une façade derrière laquelle opère la dictature des banques et des multinationales. Dans la mesure où la classe dirigeante est incapable de maintenir ses concessions aux travailleurs, le masque est abandonné – laissant apparaître la réalité du règne par la violence et la coercition. C’est de plus en plus évident.
Le « libre marché » était censé garantir la démocratie. Mais la démocratie et le capitalisme sont de plus en plus contradictoires. Désormais, les stratèges du Capital s’interrogent sur la viabilité de la démocratie – et sur l’avenir du capitalisme lui-même.
Le vieux mythe rassurant, selon lequel tous les citoyens ont les mêmes opportunités, a été détruit par le spectacle du luxe et des fortunes obscènes qui se pavanent sans vergogne devant un océan de pauvreté, de chômage, de sans-abris et de désespoir, y compris dans les pays les plus riches.
Le déclin économique affecte non seulement la classe ouvrière, mais aussi une fraction significative des classes moyennes. Les chocs économiques, la crise inflationniste et l’augmentation des taux d’intérêt provoquent la faillite de petites entreprises. Il y a une insécurité générale et une peur de l’avenir à tous les niveaux de la société – à l’exception des super-riches et de leurs parasites.
La légitimité du système était censée être fondée sur une prospérité largement partagée. Mais le capital est toujours plus concentré entre les mains d’une poignée de milliardaires, de grandes banques et de multinationales.
Au lieu d’une démocratie, nous avons le gouvernement à peine déguisé d’une ploutocratie. La richesse achète le pouvoir : tout le monde le sait. La démocratie signifie : un citoyen, une voix. Mais le capitalisme, c’est : un dollar, une voix. Quelques milliards de dollars donnent un ticket d’entrée à la Maison-Blanche.
La plupart de gens comprennent tout cela de mieux en mieux. Il y a une indifférence croissante à l’égard de l’ordre politique existant, et une méfiance – en fait, une haine – à l’égard de l’élite et de ses institutions.
Le parlementarisme lui-même est discrédité. Les assemblées élues sombrent dans le bavardage. Le véritable pouvoir est passé du Parlement à l’exécutif – et de l’exécutif aux cliques de hauts fonctionnaires et autres « conseillers » non élus.
Tout le monde peut constater le caractère fictif, mensonger, de l’« indépendance » de la justice et de la police. L’intensification de la lutte des classes révèle toujours plus le rôle de ces institutions, qui perdent l’autorité et le respect dont elles bénéficiaient par le passé.
La bourgeoisie finira par tirer la conclusion qu’il y a trop de désordre, trop de grèves et de manifestations, trop de chaos. « Il faut de l’ordre ! » D’ores et déjà, les droits démocratiques sont attaqués, dont le droit de manifester, le droit de faire grève et le droit d’expression (orale et écrite).
A un certain stade, la bourgeoisie sera tentée de recourir à une dictature ouverte, sous une forme ou sous une autre. Mais cela ne serait possible qu’après une série de graves défaites de la classe ouvrière, comme en Allemagne après la Première Guerre mondiale.
Ceci dit, bien avant que s’ouvre cette possibilité, la classe ouvrière aura de nombreuses opportunités de tester sa force face à celle de l’Etat bourgeois – et de s’engager vers la conquête du pouvoir.
Existe-t-il un risque de fascisme ?
Les impressionnistes superficiels de la soi-disant « gauche » internationale s’imaginent que le « Trumpisme » est un fascisme. Une telle confusion n’aide pas à comprendre le véritable sens de phénomènes aussi importants.
Cette absurdité les entraîne directement dans le marais de la collaboration de classe. En défendant l’idée fallacieuse du « moindre mal », ils appellent la classe ouvrière et ses organisations à s’allier avec une aile réactionnaire de la bourgeoisie contre une autre.
C’est cette politique mensongère qui leur a permis de convaincre des électeurs de soutenir Joe Biden et les Démocrates. Beaucoup ont ensuite amèrement regretté leur vote.
En criant constamment au loup à propos d’un prétendu danger « fasciste », ils n’aident pas la classe ouvrière à préparer sa défense face aux véritables mouvements fascistes. Au contraire : ils nuisent à cette préparation.
Le monde ne manque pas de démagogues de droite ; certains peuvent même être élus et diriger des gouvernements. Mais cela ne fait pas un régime fasciste, car ce dernier repose sur la mobilisation massive des petits bourgeois enragés en vue de détruire les organisations de la classe ouvrière.
Dans les années 1930, les contradictions sociales furent résolues en un laps de temps relativement court. Le processus ne pouvait s’achever que par la victoire de la révolution prolétarienne ou par celle de la réaction, sous la forme du fascisme ou du bonapartisme.
Cependant, les classes dirigeantes qui ont soutenu l’arrivée des fascistes au pouvoir s’y sont brûlé les doigts. Instruites par l’expérience, elles ne s’engageront plus aussi légèrement dans cette voie.
Surtout, un dénouement aussi rapide – dans le sens du fascisme – est désormais exclu, du fait de l’évolution du rapport de forces entre les classes. Les réserves sociales de la réaction sont bien plus faibles que dans les années 1930, alors que le poids social de la classe ouvrière est, à l’inverse, bien plus important.
Dans les pays capitalistes les plus développés, la paysannerie a largement fondu. Par ailleurs, des couches sociales qui, autrefois, se considéraient comme faisant partie des « classes moyennes » – les « cols blancs », les enseignants, les fonctionnaires, les médecins et les infirmières, etc. – se sont rapprochées de la classe ouvrière et se sont syndiquées.
Dans les années 1920 et 1930, les étudiants formaient les troupes de choc du fascisme. Depuis, les étudiants ont résolument évolué vers la gauche et sont ouverts aux idées révolutionnaires. Dans la plupart des pays, la classe ouvrière n’a pas subi de sérieuse défaite depuis des décennies. Ses forces sont largement intactes.
La bourgeoisie est confrontée à la crise la plus sérieuse de son histoire. Mais face au renforcement considérable de la classe ouvrière, objectivement, il lui est impossible de s’orienter rapidement vers la réaction ouverte.
Cela signifie qu’en s’efforçant de reprendre aux travailleurs leurs conquêtes passées, la classe dirigeante s’expose à de sérieuses difficultés. La profondeur de la crise oblige les capitalistes à tenter de reprendre toutes les concessions qu’ils ont accordées autrefois ; mais ce faisant, ils vont provoquer des explosions sociales dans un pays après l’autre.
La catastrophe environnementale
En plus des guerres et des crises économiques, l’humanité est menacée par la destruction de la planète. Dans sa quête effrénée de profits, le système capitaliste a empoisonné l’air que nous respirons, la nourriture que nous mangeons et l’eau que nous buvons.
Il détruit la forêt amazonienne et les banquises des pôles. Les océans sont pollués par des déchets plastiques et des rejets chimiques. Des espèces animales s’éteignent à un rythme inquiétant. L’avenir de nations entières est menacé.
La classe ouvrière et les couches les plus pauvres de la société sont les premières victimes de la pollution et du changement climatique. Par-dessus le marché, la classe dirigeante leur demande de payer la facture d’une crise provoquée par le capitalisme.
Marx expliquait que l’humanité devait choisir entre le socialisme ou la barbarie. Des éléments de barbarie existent déjà, même dans les pays capitalistes les plus développés, et menacent l’existence de la civilisation. Désormais, on peut affirmer que le capitalisme est une menace pour la survie de l’espèce humaine.
Tout ceci a un impact sur la conscience de millions de personnes, et particulièrement de la jeunesse. Mais il ne suffit pas de s’indigner et de manifester sa colère. Si le mouvement de lutte pour l’environnement se cantonne à des manifestations et des gestes symboliques, il se condamnera à l’impuissance.
Les écologistes sont capables d’identifier les symptômes les plus évidents du problème, mais ils se trompent sur le diagnostic et, en conséquence, sont incapables de proposer le bon remède. Le mouvement pour l’environnement ne peut atteindre ses objectifs que s’il adopte une position résolument révolutionnaire et anticapitaliste.
Nous devons entrer en contact avec les meilleurs éléments de ce mouvement et les convaincre du fait que le problème est le capitalisme lui-même. La catastrophe environnementale est une conséquence de la folie de l’économie de marché et de la course aux profits.
L’économie de marché est incapable d’apporter une solution aux problèmes de l’humanité. Le capitalisme est inhumain, gaspilleur et destructeur. Aucun progrès n’est possible sur cette base. La nécessité d’une économie planifiée est évidente.
Nous devons exproprier les banquiers et les capitalistes. Nous devons remplacer l’anarchie du marché par une planification rationnelle et harmonieuse de l’économie.
Le capitalisme exhibe les traits répugnants d’une créature dont l’existence a perdu toute justification. Mais cela ne signifie pas pour autant qu’il est conscient d’être menacé d’extinction. Au contraire.
Ce système dégénéré se comporte comme un vieil homme sénile, malade, mais qui s’accroche à la vie. Il continuera de chanceler tant qu’il ne sera pas renversé par un mouvement révolutionnaire et conscient des travailleurs.
C’est à la classe ouvrière que revient la tâche révolutionnaire de mettre fin à la longue agonie du capitalisme – et de reconstruire la société de fond en comble.
L’existence du capitalisme constitue désormais une menace évidente et immédiate pour l’avenir de notre planète. Pour que l’humanité survive, le système capitaliste doit périr.
Le facteur subjectif
On peut déduire de la crise générale du capitalisme que son effondrement est inévitable. De même, la victoire du socialisme est une nécessité historique.
C’est vrai dans un sens général. Mais d’une thèse aussi générale, on ne peut pas déduire une explication concrète de la situation actuelle.
Si la victoire du socialisme était inéluctable, il n’y aurait pas besoin d’un parti révolutionnaire, de syndicats, de grèves, de manifestations, de théorie marxiste ou de quoi que ce soit d’autre. Or l’histoire démontre précisément le contraire. Aux moments décisifs, le facteur subjectif – la direction – joue un rôle absolument fondamental.
Karl Marx soulignait que sans organisation la classe ouvrière n’est guère plus que de la matière brute pour l’exploitation. Sans organisation, nous ne sommes rien. Organisés, nous sommes tout.
Mais nous arrivons ici au cœur du problème : l’absence d’une direction adéquate. Les dirigeants officiels du mouvement ouvrier ne sont absolument pas à la hauteur.
Au cours des longues décennies de relative prospérité, les organisations de masse des travailleurs ont été soumises à la pression de la classe dirigeante et de la petite bourgeoisie. Cela a renforcé la mainmise de la bureaucratie sur ces organisations.
La crise du capitalisme s’accompagne inévitablement d’une crise du réformisme. Les dirigeants de son aile droite ont abandonné toutes les idées sur lesquelles le mouvement ouvrier a été fondé. Ils se sont coupés de la classe qu’ils sont censés représenter.
Plus qu’à toute autre période de l’histoire, les dirigeants des organisations ouvrières ont subi la pression de la bourgeoisie. Pour reprendre l’expression d’un pionnier du socialisme américain, Daniel De Leon, que Lénine citait souvent, ils sont devenus de simples « lieutenants ouvriers du capital ». Ils représentent le passé – et non le présent ou le futur. Ils seront balayés par l’époque orageuse dans laquelle nous sommes entrés.
Mais le problème ne se limite pas à l’aile droite des réformistes.
La faillite de l’aile gauche
Les dirigeants de l’aile « gauche » des réformistes ont joué un rôle particulièrement nuisible. Partout, ils ont capitulé sous la pression de la droite et de l’ordre établi : Tsipras et les dirigeants de Syriza en Grèce, mais aussi Podemos en Espagne, Bernie Sanders aux Etats-Unis et Jeremy Corbyn en Grande-Bretagne.
Au début, tous ces dirigeants de gauche ont suscité beaucoup d’espoir. Mais cet espoir a été douché lorsque les mêmes dirigeants ont capitulé sous la pression de la droite.
Il serait facile de les accuser de faiblesse et de lâcheté. Mais en réalité, nous n’avons pas seulement affaire à l’absence de courage et de détermination d’individus ; nous avons affaire à une faiblesse politique extrême.
Le problème fondamental des dirigeants de l’aile gauche du réformisme est qu’ils croient possible de satisfaire les revendications des masses sans rompre avec le système capitaliste. En cela, ils ne sont pas différents des dirigeants de l’aile droite, à ceci près que ces derniers ne prennent même plus la peine de cacher leur totale soumission aux banquiers et aux capitalistes.
En général, les dirigeants de l’aile gauche ne parlent même plus de socialisme. Ils n’arrivent pas à la cheville des dirigeants de gauche des années 1930. Ils se contentent d’avancer quelques revendications modérées sur le niveau de vie, les droits démocratiques, etc.
Ils ne parlent même plus de capitalisme, mais de « néolibéralisme », c’est-à-dire d’un « mauvais » capitalisme, qu’ils opposent à un « bon » capitalisme. Hélas, ils ne nous disent jamais en quoi consisterait, précisément, ce « bon » capitalisme imaginaire.
Parce qu’ils refusent de rompre avec le système, ils finissent toujours par rechercher des compromis avec la classe dirigeante, à laquelle ils essaient de prouver qu’ils ne sont pas dangereux, qu’elle peut leur faire confiance pour gouverner dans son intérêt.
C’est ce qui explique leur refus obstiné de rompre avec l’aile droite des réformistes, c’est-à-dire avec les agents déclarés de la classe dirigeante au sein du mouvement ouvrier. Ils justifient ce refus par le besoin de maintenir « l’unité » du mouvement.
Au final, ceci les conduit toujours à capituler face aux dirigeants de l’aile droite. Mais lorsque ces derniers reprennent la main, ils ne font pas preuve de la même timidité ; ils lancent immédiatement une chasse aux sorcières contre l’aile gauche.
La lâcheté n’est donc pas liée, ici, au tempérament personnel de tel ou tel individu. Elle est inséparable de l’ADN politique du réformisme de gauche.
La lutte contre les oppressions
La crise du capitalisme s’exprime à travers de profonds mouvements d’opposition à l’ordre établi, à ses valeurs, à sa morale, à ses injustices et à ses intolérables oppressions.
La contradiction centrale, dans la société, demeure celle opposant les travailleurs aux capitalistes. Mais l’oppression prend de nombreuses formes, dont certaines sont beaucoup plus anciennes et plus enracinées que l’esclavage salarié.
Celle que subissent les femmes, dans un monde dominé par les hommes, est l’une des oppressions les plus universelles et les plus douloureuses. La crise renforce la dépendance économique des femmes. Les politiques d’austérité alourdissent le fardeau, qui pèse sur elles, du soin des enfants et des personnes âgées.
On assiste à une véritable épidémie mondiale de violences contre les femmes. Des droits sont attaqués, dont celui d’avorter. Tout cela provoque une réaction de masse et le développement d’un état d’esprit militant, en particulier chez les jeunes femmes.
La révolte des femmes contre cette monstrueuse oppression est d’une importance fondamentale pour la lutte contre le capitalisme. Il ne peut y avoir de révolution socialiste victorieuse sans la pleine participation des femmes.
La lutte contre toutes les formes d’oppression et de discrimination est une composante nécessaire de la lutte contre le capitalisme.
Notre position est très simple : dans chaque lutte, nous prenons toujours le parti des opprimés contre les oppresseurs. Mais cette position générale n’est pas suffisamment précise. Nous devons ajouter que notre position est essentiellement négative. Cela signifie que nous sommes opposés à toutes les formes d’oppression et de discrimination – qu’elles visent les femmes, les personnes de couleur, les homosexuels, les transgenres ou toute autre minorité.
Cependant, nous rejetons fermement et catégoriquement les politiques « identitaires » qui, sous prétexte de défendre les droits de tel ou tel groupe, jouent un rôle réactionnaire, divisent la classe ouvrière, affaiblissent son unité et apportent une aide inestimable à la classe dirigeante.
Le mouvement ouvrier a été contaminé par toute une série d’idées qui lui étaient étrangères. Le postmodernisme, les politiques identitaires, le « politiquement correct » et d’autres bizarreries y ont été introduits en fraude, depuis les universités, par la petite bourgeoisie « de gauche », qui sert de courroie de transmission pour des idées réactionnaires et étrangères à la classe ouvrière.
Issues du « postmodernisme », les politiques identitaires ont embrouillé le cerveau de nombreux étudiants. Mais ces idées ont aussi été introduites dans le mouvement ouvrier, où elles servent d’armes à la bureaucratie pour combattre les militants les plus résolus.
Lénine soulignait que les communistes devaient lutter sur tous les fronts – c’est-à-dire non seulement les fronts économique et politique, mais aussi sur le front idéologique. Nous nous basons fermement sur les solides fondations de la théorie marxiste et du matérialisme dialectique.
Cette approche est incompatible avec l’idéalisme philosophique sous toutes ses formes, qu’il s’agisse du mysticisme déclaré de la religion ou du mysticisme cynique, masqué – mais non moins nuisible – du postmodernisme.
La lutte contre cette idéologie extérieure à notre classe et contre ses propagandistes petits-bourgeois représente donc une tâche très importante. Aucune concession ne doit être faite à ces idées contre-révolutionnaires, qui servent les intérêts des patrons et leur vieille tactique : « diviser pour mieux régner ».
De fait, une saine réaction contre ces idées a déjà commencé à se manifester dans une couche de la jeunesse qui se tourne vers le communisme.
Les communistes se tiennent fermement sur le terrain d’une politique de classe. Ils défendent l’unité de la classe ouvrière contre toutes les divisions nationales, de couleur de peau, de genre, de langue ou de religion. De ce point de vue, que vous soyez noir ou blanc, homme ou femme, etc., n’a aucune importance. On ne se préoccupe pas davantage de votre orientation sexuelle ou de savoir qui est votre conjoint. Ce sont là des questions purement personnelles qui ne regardent personne – ni les bureaucrates, ni les prêtres, ni les politiciens.
L’unique chose que nous vous demandons, c’est d’être déterminés à lutter pour la seule cause capable de réaliser véritablement la liberté, l’égalité, et d’aboutir à des relations authentiquement humaines entre les hommes et les femmes : la cause sacrée de la lutte pour l’émancipation de la classe ouvrière.
Mais la condition préalable, pour rejoindre les communistes, est que vous laissiez à la porte toutes les idées réactionnaires des politiques « identitaires ».
Les syndicats
Notre époque est la plus turbulente de l’histoire. Toutes les conditions d’une résurgence de la lutte des classes sont réunies. Mais ce ne sera pas facile. La classe ouvrière commence à se mobiliser après une période de relative passivité. Il lui faudra réapprendre de nombreuses leçons, y compris sur des choses aussi élémentaires que l’importance de l’organisation syndicale.
Les directions des organisations de masse, à commencer par celles des syndicats, sont partout dans un état lamentable. Elles se sont révélées incapables de répondre aux besoins les plus pressants de la classe ouvrière. Elles n’ont même pas été capables de construire et de renforcer les syndicats.
De fait, des couches entières de la nouvelle génération de travailleurs se retrouvent dans des emplois précaires de livreurs, d’opérateurs de centres d’appel, etc., où ils ne sont guère plus que de la matière première pour l’exploitation.
Dans les entrepôts d’Amazon et d’autres entreprises de ce type règnent des conditions de travail dignes du XIXe siècle. Les salariés y sont soumis à une exploitation brutale et à de longues journées de travail mal payées. L’époque où les travailleurs pouvaient obtenir des augmentations de salaire en menaçant de se mettre en grève est depuis longtemps révolue. Aux revendications des travailleurs, les patrons répondent qu’ils ne peuvent même pas maintenir les conditions actuelles, sans parler de faire de nouvelles concessions.
Ceux qui rêvent encore de consensus et de paix entre les classes vivent dans le passé. Cette phase du capitalisme est révolue. Ce sont les dirigeants syndicaux – et non les marxistes – qui sont des utopistes ! L’avenir sera fait de grandes batailles, mais aussi de défaites de notre classe, à cause des dirigeants officiels.
Nous avons besoin d’un militantisme résolu et d’une résurgence de la lutte de classes. Le processus de radicalisation va se poursuivre et s’approfondir. Cela offrira aux communistes de grandes opportunités pour mener un travail dans les syndicats et les entreprises.
Pour avancer, il faudra mener une lutte sérieuse contre le réformisme afin de régénérer les organisations de masse de la classe ouvrière, à commencer par les syndicats. Ils doivent être transformés en organisations prolétariennes de combat.
Cela ne peut être accompli qu’en menant une lutte implacable contre la bureaucratie réformiste. Les syndicats doivent être nettoyés de fond en comble ; les politiques de collaboration de classe doivent être abandonnées.
Le militantisme ne suffit pas
Notre lutte contre le réformisme ne signifie pas que nous sommes opposés aux réformes. Nous ne critiquons pas les dirigeants syndicaux parce qu’ils luttent pour des réformes ; nous les critiquons parce qu’ils ne luttent pas du tout.
Ils cherchent à conclure des arrangements avec les patrons ; ils évitent de passer à l’action. Quand ils y sont contraints par la pression de la base, ils font tout ce qu’ils peuvent pour contenir les grèves et négocier des compromis pourris en vue de mettre fin au mouvement le plus vite possible.
Les communistes luttent même pour la plus petite réforme susceptible d’améliorer le niveau de vie et les droits des travailleurs. Mais dans les conditions actuelles, la lutte pour des réformes significatives ne peut l’emporter que si elle prend l’ampleur la plus large et la plus révolutionnaire possible.
La démocratie formelle, bourgeoise, sera mise à l’épreuve au point d’en exposer les limites. Nous lutterons pour défendre toutes les revendications démocratiques significatives afin de créer les conditions les plus favorables au développement maximal de la lutte des classes.
La masse des travailleurs ne peut apprendre que sur la base de son expérience. Sans la lutte quotidienne pour des réformes dans le cadre du capitalisme, la révolution socialiste est impossible.
Cependant, en dernière analyse, le militantisme syndical ne suffit pas. Dans les conditions d’une profonde crise du capitalisme, les conquêtes arrachées par la lutte seront de courte durée.
Ce que les patrons cèdent d’une main, ils le reprennent de l’autre. Les augmentations de salaire sont réduites à néant par l’inflation et les hausses d’impôts. Les entreprises ferment et le chômage augmente.
La lutte pour un changement radical de société est le seul moyen de consolider les acquis des réformes progressistes. A un certain stade, des luttes défensives peuvent se transformer en luttes offensives. C’est précisément à travers l’expérience des luttes pour obtenir des avancées partielles que se préparent les conditions du grand combat pour la conquête du pouvoir.
La nécessité d’un parti
La classe ouvrière est la seule classe authentiquement révolutionnaire de la société. Elle est la seule à n’avoir aucune raison de défendre le système fondé sur la propriété privée des moyens de production et l’exploitation du travail humain dans le seul but de satisfaire l’avidité rapace d’une minorité de riches parasites.
La tâche des communistes est de rendre consciente l’aspiration inconsciente – ou semi-consciente – des travailleurs à changer la société. Seule la classe ouvrière a la puissance requise pour renverser la dictature des banquiers et des capitalistes.
N’oublions jamais que pas une lumière ne brille, pas une roue ne tourne et pas un téléphone ne sonne sans l’aimable permission de la classe ouvrière.
C’est un pouvoir colossal – mais seulement un pouvoir potentiel. Pour que ce pouvoir potentiel devienne une réalité, quelque chose d’autre est requis. Cette chose, c’est l’organisation.
Il y a une analogie précise avec la force de la nature. La vapeur est une force. C’était la force motrice de la révolution industrielle. C’est elle qui faisait tourner les moteurs, fournissait la lumière, la chaleur et l’énergie nécessaires à la vie et au mouvement de grandes villes.
Mais la vapeur ne devient vraiment une force que lorsqu’elle est concentrée dans une boite à pistons. Sans ce mécanisme, la vapeur se dissipe en vain dans l’atmosphère. Elle n’est alors qu’une puissance potentielle – et rien de plus.
Même au niveau le plus élémentaire, tous les travailleurs conscients comprennent la nécessité de l’organisation syndicale. Mais la plus haute expression de l’organisation prolétarienne est le parti révolutionnaire, qui réunit les éléments les plus conscients, les plus déterminés et les plus combatifs de la classe ouvrière dans la lutte pour renverser le capitalisme. La création d’un tel parti est la tâche la plus urgente qui soit.
La conscience
L’instabilité économique et sociale croissante menace les fondations de l’ordre établi. Comment expliquer les violentes oscillations électorales vers la droite, puis vers la gauche, puis de nouveau vers la droite ?
Les réformistes de gauche blâment les travailleurs, les accusent d’être arriérés. Ce faisant, ils cherchent à s’exonérer, à cacher leur propre rôle pernicieux. En réalité, les oscillations électorales reflètent le désespoir et l’absence totale d’une alternative sérieuse. Les masses cherchent désespérément une issue. Elles testent les différentes options, l’une après l’autre. Les gouvernements, les partis et les dirigeants sont mis à l’épreuve, successivement, puis écartés dès qu’ils ont déçu.
Dans ce processus, les dirigeants réformistes jouent un rôle lamentable – y compris ceux de l’aile gauche. Mais de tout cela émerge un changement dans les consciences. Et il ne s’agit pas d’un changement lent et graduel, comme certains pourraient s’y attendre.
Bien sûr, la maturation prend un certain temps, mais les changements quantitatifs finissent par atteindre un seuil critique où la quantité se transforme soudainement en qualité. Des changements soudains, dans la conscience des masses, sont inhérents à toute la situation actuelle.
C’est précisément à ce type de changements que nous assistons, en particulier dans la jeunesse. Par exemple, un institut de sondage a demandé à plus de 1000 adultes britanniques de caractériser « le capitalisme » en quelques mots. En premier lieu venaient les mots « avidité » (73 %), « pression constante » (70 %) et « corruption » (69 %). Par ailleurs, 42 % des personnes interrogées se disaient d’accord avec la phrase : « le capitalisme est dominé par les riches, qui contrôlent la vie politique ».
Ce changement s’exprime le plus clairement dans l’orientation d’une fraction de la jeunesse vers les idées communistes. Ces jeunes se considèrent comme des communistes, même si nombre d’entre eux n’ont pas lu le Manifeste du Parti communiste et ne connaissent pas les fondements théoriques du socialisme scientifique.
Les trahisons de « la gauche » ont même réussi à discréditer le mot « socialisme ». Les meilleurs éléments de la jeunesse s’en méfient. Ils disent : « on veut le communisme – et rien de moins que cela. »
Qu’est-ce qu’un communiste ?
Dans le chapitre du Manifeste du Parti communiste intitulé « Prolétaires et communistes », on peut lire ceci :
« Quelle est la position des communistes par rapport à l’ensemble des prolétaires ?
« Les communistes ne forment pas un parti distinct opposé aux autres partis ouvriers.
« Ils n’ont point d’intérêts qui les séparent de l’ensemble du prolétariat.
« Ils n’établissent pas de principes particuliers sur lesquels ils voudraient modeler le mouvement ouvrier.
« Les communistes ne se distinguent des autres partis ouvriers que sur deux points : 1. Dans les différentes luttes nationales des prolétaires, ils mettent en avant et font valoir les intérêts indépendants de la nationalité et communs à tout le prolétariat. (…)
« Pratiquement, les communistes sont donc la fraction la plus résolue des partis ouvriers de tous les pays, la fraction qui stimule toutes les autres ; théoriquement, ils ont sur le reste du prolétariat l’avantage d’une intelligence claire des conditions, de la marche et des fins générales du mouvement prolétarien. »
Ces lignes expriment très bien l’essence de la question.
Est-ce le bon moment pour une Internationale Communiste Révolutionnaire ?
Les apologistes du capitalisme sont terrifiés par l’opposition croissante et massive à l’économie du « libre » marché. Ils considèrent l’avenir avec angoisse, car ils pressentent qu’il sera turbulent.
Sur ce fond de pessimisme général, les représentants les plus avisés de la bourgeoisie commencent à découvrir d’inquiétants parallèles entre la situation actuelle et le monde de 1917. C’est dans ce contexte que se pose la question d’un parti révolutionnaire doté d’un programme clair et d’une bannière propre.
Le caractère international de notre mouvement découle du fait que le capitalisme est un système mondial. D’emblée, Marx s’est efforcé de créer une organisation internationale de la classe ouvrière.
Cependant, une telle organisation fait défaut depuis la dégénérescence stalinienne de l’Internationale Communiste. Il est donc temps de fonder une Internationale Communiste Révolutionnaire !
Certains jugeront qu’il s’agit d’une initiative sectaire. Mais ce n’est rien de tel. Nous n’avons absolument rien à avoir avec les groupements sectaires, ultra-gauchistes, qui se pavanent aux marges du mouvement ouvrier.
Nous devons tourner le dos aux sectaires et faire face aux nouvelles couches de jeunes et de travailleurs qui s’orientent vers le communisme. La décision de fonder une Internationale Communiste Révolutionnaire n’est pas le fruit d’une impatience ou d’un volontarisme subjectif. Elle s’enracine dans une juste appréciation de la situation objective. C’est cela – et rien d’autre – qui justifie cette décision. Elle est à la fois nécessaire et inévitable.
Examinons les faits :
Des sondages récents réalisés en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, au Canada, en Australie et ailleurs soulignent clairement que les idées du communisme progressent très vite. Le potentiel est énorme. Notre tâche est de réaliser ce potentiel en lui donnant une expression organisationnelle.
En organisant l’avant-garde dans un authentique Parti Communiste Révolutionnaire, en l’unissant dans une organisation bolchevique disciplinée, en la formant aux idées du marxisme et aux méthodes de Lénine, nous construirons une force qui peut jouer un rôle décisif dans le développement de la révolution socialiste au cours de la période à venir.
Telle est notre tâche. Nous devons balayer tous les obstacles pour la réaliser.
Bolchevisme contre stalinisme
Pendant toute une période, les ennemis du communisme s’imaginaient en avoir fini avec le spectre de la révolution d’Octobre. La chute de l’Union Soviétique semblait confirmer leurs croyances dans l’irréversible faillite du communisme. Ils jubilaient : « la guerre froide est terminée, et nous l’avons gagnée ».
En réalité, contrairement à la légende répétée en boucle par nos ennemis de classe, ce n’est pas le communisme qui s’est effondré à la fin des années 80, mais le stalinisme – c’est-à-dire une caricature bureaucratique et totalitaire sans rapport avec le régime de démocratie ouvrière établi par Lénine et les bolcheviks en 1917.
Staline a dirigé une contre-révolution politique contre le bolchevisme en s’appuyant sur une caste de bureaucrates qui s’est hissée au pouvoir dans la période de reflux de la révolution, après la mort de Lénine. Pour consolider sa dictature contre-révolutionnaire, Staline a dû assassiner tous les camarades de Lénine – et un grand nombre d’autres communistes authentiques.
Loin d’être identiques, le stalinisme et le bolchevisme sont mutuellement exclusifs ; ce sont des ennemis mortels séparés par une rivière de sang.
La dégénérescence des Partis « Communistes »
Le communisme est organiquement associé à la figure de Lénine et aux glorieuses traditions de la Révolution russe, mais les Partis Communistes qui subsistent, de nos jours, n’ont de « communistes » que le nom. Leurs dirigeants ont abandonné de longue date les idées de Lénine et du bolchevisme.
Une rupture décisive avec le léninisme fut la formulation de la théorie anti-marxiste du « socialisme dans un seul pays ». En 1928, Trotsky prédisait que cette théorie conduirait à la dégénérescence national-réformiste de tous les Partis Communistes. C’est exactement ce qui s’est passé.
Dans un premier temps, les dirigeants des Partis Communistes ont exécuté les diktats de Staline et de la bureaucratie soviétique ; ils accomplissaient servilement chacun des tournants exigés par Moscou. Plus tard, ils répudièrent Staline, mais au lieu d’en revenir à Lénine ils virèrent nettement vers la droite. En rompant avec Moscou, les dirigeants des Partis Communistes de la plupart des pays adoptèrent des perspectives et des politiques réformistes.
Suivant la logique fatale du « socialisme dans un seul pays », la direction de chaque PC s’est adaptée aux intérêts de sa propre bourgeoisie nationale. Cela a mené à la complète dégénérescence des Partis Communistes – et même, dans bien des cas, à leur complète liquidation.
Le cas le plus extrême est celui du Parti Communiste Italien (PCI), qui a été le plus grand et le plus puissant PC d’Europe. Sa dégénérescence national-réformiste a mené à la dissolution du PCI et à sa transformation en un parti réformiste bourgeois.
En Grande-Bretagne, l’influence du Parti Communiste se réduit désormais à celle de son journal quotidien, le Morning Star, dont la ligne est un réformisme de gauche très modéré. Dans les faits, il s’agit seulement d’une couverture de gauche de la bureaucratie syndicale.
Le Parti Communiste Espagnol (PCE) est dans un gouvernement de coalition qui envoie des armes en Ukraine dans le cadre de la guerre de l’OTAN contre la Russie. En conséquence, le PCE décline rapidement. La jeunesse du parti (l’UJCE), qui rejetait la ligne officielle, a été exclue.
Le Parti Communiste des Etats-Unis (CPUSA) n’est guère plus qu’une machine électorale pour le compte du Parti Démocrate. Il appelle à voter pour Joe Biden, c’est-à-dire – selon lui – « contre le fascisme ».
Le Parti Communiste d’Afrique du Sud a fait partie, pendant 30 ans, d’une coalition pro-capitaliste avec l’ANC. Il est allé jusqu’à défendre le massacre de 34 mineurs en grève à Marikana, en 2012.
Et ainsi de suite.
La crise interne aux Partis Communistes
En cette phase critique de l’histoire mondiale, le mouvement communiste international est complètement désorienté.
Des Partis Communistes du monde entier ont répondu au massacre à Gaza par des appels au respect du « droit international » et des résolutions de l’ONU, c’est-à-dire des principales puissances impérialistes.
Mais c’est l’invasion de l’Ukraine par la Russie, en février 2022, qui a provoqué une profonde scission au sein du mouvement communiste international. La plupart des PC se sont scandaleusement adaptés à la position de leur propre classe dirigeante. De nombreux PC – en particulier en Occident – ont couvert leur soutien tacite de l’OTAN par des appels à « la paix », aux « négociations », etc.
L’offensive d’Israël contre Gaza n’a rien arrangé. Par exemple, le Parti Communiste Français (PCF) s’est retiré d’une coalition de gauche (la NUPES) au prétexte que Mélenchon, le dirigeant de la France insoumise, refusait de caractériser le Hamas comme une organisation terroriste.
A l’autre extrême, certains PC se sont pratiquement transformés en agents des politiques extérieures russe et chinoise. Ils présentent ces deux régimes comme des alliés progressistes dans la lutte des nations faibles et dépendantes pour « s’émanciper de la colonisation impérialiste et des chaînes de la dette ».
Le Parti Communiste de la Fédération de Russie (PCRF) est un cas extrême. Il a renoncé à toute existence indépendante, sans parler d’une politique communiste. Le parti de Zyuganov est devenu – depuis longtemps – un simple compagnon de route du régime réactionnaire de Vladimir Poutine.
Ces contradictions ont conduit à une série de scissions. La Rencontre Internationale des Partis Communistes et Ouvriers (RIPCO) à La Havane, en 2023, n’est pas parvenue à produire une déclaration sur la guerre en Ukraine, faute d’un « consensus ».
La crise du mouvement communiste et le rôle du KKE
De nombreux militants de base des Partis Communistes ont réagi contre ces révisionnismes éhontés.
Le Parti Communiste Grec (KKE) a fait un pas en avant important en renonçant à la vieille théorie – stalinienne et menchevique – des « deux étapes ». Il a également adopté une position internationaliste correcte sur la guerre en Ukraine, en la caractérisant comme un conflit inter-impérialiste.
Le KKE a dirigé un mouvement des travailleurs pour boycotter l’expédition d’armes de la Grèce vers l’Ukraine. Tous les communistes authentiques l’approuvent. C’est très important. Malgré cela, il est trop tôt pour en conclure que le KKE défend désormais une politique authentiquement communiste.
En particulier, il doit rompre complètement avec la théorie anti-marxiste du socialisme dans un seul pays. Par ailleurs, il doit adopter la politique léniniste du front unique.
Le KKE s’efforce de tisser des liens avec d’autres Partis Communistes qui défendent sa position sur le caractère inter-impérialiste de la guerre en Ukraine. C’est un pas dans la bonne direction. Cependant, la condition première du succès, dans ce domaine, c’est la création des conditions d’un débat démocratique et ouvert, impliquant toutes les tendances authentiquement communistes à l’échelle mondiale.
Il faut remplacer la diplomatie et le « consensus » par le débat et le centralisme démocratiques : c’est la seule façon de reconstruire une véritable Internationale Communiste fondée sur les idées et les méthodes de Lénine.
Notre tâche est de revenir aux idées authentiques de notre mouvement, de rompre avec la lâcheté révisionniste et de lever le drapeau du léninisme. Aussi tendons-nous une main fraternelle à tous les partis et toutes les organisations qui partagent cet objectif.
Lorsque Trotsky a fondé l’Opposition de Gauche Internationale, il la considérait comme l’opposition de gauche interne au mouvement communiste international. Nous sommes d’authentiques communistes – les héritiers des bolcheviks-léninistes, qui ont été bureaucratiquement exclus du mouvement communiste par Staline.
Nous avons toujours lutté pour défendre la bannière d’Octobre 1917 et du léninisme authentique, et nous devons retrouver toute notre place au sein du mouvement communiste mondial.
L’heure est venue d’une discussion honnête sur le passé, au sein du mouvement communiste, de façon à rompre complètement avec les derniers restes de stalinisme et préparer le terrain à une solide unité sur les bases du léninisme.
A bas le révisionnisme !
Pour une lutte unitaire de tous les communistes !
Revenir à Lénine !
La politique de Lénine
Notre tâche immédiate n’est pas de gagner les masses. A ce stade, c’est totalement hors de notre portée. Nous cherchons d’abord à gagner les éléments les plus avancés et les plus conscients. C’est le seul moyen de s’ouvrir un chemin vers les masses. Pour autant, notre approche à l’égard des masses n’est pas une question secondaire.
La nouvelle génération des jeunes et des travailleurs cherche une issue. Les meilleurs d’entre eux ont compris qu’il fallait prendre la voie de la révolution socialiste. Ayant saisi la nature des problèmes auxquels ils font face, ils en tirent la conclusion qu’il faudra recourir à des solutions radicales. Mais leur impatience peut les pousser à commettre des erreurs.
La tâche des communistes serait très simple si elle pouvait se réduire à la formulation de mots d’ordre révolutionnaires à l’intention des travailleurs. Mais cela ne suffit pas du tout et peut même se révéler contre-productif dans certaines circonstances.
La classe ouvrière ne peut apprendre que sur la base de sa propre expérience, et en particulier l’expérience des grands événements. Habituellement, elle n’apprend que lentement – trop lentement au goût d’un certain nombre de révolutionnaires qui, dès lors, sombrent dans l’impatience et la frustration.
Lénine soulignait qu’avant de prendre le pouvoir, les bolcheviks devaient d’abord conquérir les masses. Cela implique beaucoup de souplesse tactique. Lénine recommandait toujours aux révolutionnaires d’être patients. Même dans le tumulte de la révolution de 1917, son conseil aux bolcheviks était d’« expliquer patiemment » leurs idées et leur programme.
Sans une bonne compréhension de la tactique, en lien avec l’expérience concrète de la classe ouvrière, la politique marxiste est comme un couteau sans lame. La construction du mouvement révolutionnaire dégénère alors en simples bavardages.
C’est pourquoi les questions de tactique et de stratégie doivent occuper une place centrale dans la politique des communistes. Lénine et Trotsky avaient une idée très claire de l’attitude que doit adopter l’avant-garde communiste vis-à-vis des organisations réformistes de masse.
En matière de tactique révolutionnaire, Lénine a exposé ses idées dans un livre magistral : La maladie infantile du communisme : le gauchisme. Un siècle après sa publication, cette œuvre majeure de Lénine – sur un thème fondamental – est complètement ignorée (ou incomprise) des organisations sectaires et pseudo-trotskistes.
Dans tous les pays où elles sont actives, ces sectes ultra-gauchistes nuisent à la réputation du « trotskysme » et rendent d’inestimables services à la bureaucratie réformiste. Elles s’imaginent que les organisations de masse existantes sont des anachronismes historiques qui peuvent être supprimés d’un simple trait de plume. Leur attitude à l’égard de ces organisations se limite à la dénonciation criarde et constante de leurs trahisons.
Cette tactique est une impasse. Elle n’a rien de commun avec les méthodes flexibles de Lénine et de Trotsky, qui comprenaient la nécessité, pour les communistes, de bâtir des ponts entre eux et la masse des travailleurs demeurant sous l’influence du réformisme.
Nous devons résolument tourner le dos à ce sectarisme stérile. En expliquant patiemment notre politique et en soulignant ce que devraient faire les dirigeants réformistes, il sera possible de gagner les travailleurs réformistes au communisme.
« Tout le pouvoir aux soviets ! »
Rappelons qu’en 1917, lorsque Lénine avançait le mot d’ordre « tout le pouvoir aux soviets ! », ces « conseils » (soviets) représentant la masse des travailleurs et des soldats étaient sous le contrôle des dirigeants réformistes (mencheviks et soi-disant « socialistes-révolutionnaires »).
En défendant ce mot d’ordre, Lénine disait en substance aux dirigeants réformistes des soviets : « très bien, messieurs. Vous êtes majoritaires. Nous proposons que vous preniez le pouvoir et donniez au peuple ce qu’il demande : la paix, le pain et la terre. Si vous le faites, nous vous soutiendrons : on évitera une guerre civile et la lutte pour le pouvoir se résumera à une pacifique lutte d’influence au sein des soviets. »
Cependant, les dirigeants réformistes n’avaient pas l’intention de prendre le pouvoir. Ils se soumettaient au gouvernement provisoire (bourgeois) qui, lui-même, se soumettait à l’impérialisme et à la réaction. Dans les soviets, les travailleurs et les soldats purent constater la félonie de leurs dirigeants et finirent par se tourner vers le bolchevisme.
C’est seulement sur la base de telles méthodes que les 8000 membres (environ) constituant le parti bolchevik, en février 1917, ont pu se transformer au fil des mois suivants en une force de masse et majoritaire dans les soviets, au seuil de l’insurrection d’Octobre.
Nous devons absolument garder le sens des réalités. Les forces authentiques du communisme ont été marginalisées par des processus historiques qui sont hors de notre contrôle. A ce stade, nous ne sommes encore qu’une minorité d’une minorité au sein du mouvement ouvrier.
Nous avons des idées correctes, mais la grande majorité de la classe ouvrière doit encore en être convaincue. La plupart des travailleurs restent sous l’influence des organisations réformistes traditionnelles, car les solutions à la crise qu’avancent leurs dirigeants semblent faciles et indolores.
En réalité, leurs « solutions » mènent à de nouvelles défaites, à de nouvelles déceptions et à la misère. Les communistes n’ont pas la moindre intention d’abandonner les travailleurs aux bons soins des traîtres et des bureaucrates réformistes. Au contraire : nous devons mener une lutte implacable contre les dirigeants réformistes. Reste que la classe ouvrière devra inévitablement en passer par la douloureuse école du réformisme.
Notre tâche n’est pas de harceler les travailleurs depuis le bord de la route, mais de les accompagner dans cette expérience, d’être à leurs côtés pour les aider à tirer les bonnes leçons et à trouver la bonne issue. C’est ce que firent les bolcheviks en 1917.
Construire un pont vers les travailleurs !
Nous devons entrer en dialogue avec la classe ouvrière d’une façon telle qu’elle nous considère non comme des éléments étrangers ou hostiles, mais comme des camarades dans la lutte contre l’ennemi commun : le capital. Nous devons lui prouver dans la pratique la supériorité des idées communistes.
Nous devrons trouver les moyens de gagner une audience dans la masse des travailleurs qui demeurent sous l’influence du réformisme. La bureaucratie utilisera tous les moyens malhonnêtes pour couper les communistes des travailleurs du rang : interdictions, expulsions, mensonges, calomnies, insultes et attaques de toutes sortes. Mais les communistes trouveront toujours un moyen de surmonter ces obstacles. La bureaucratie, qui a usurpé la direction des organisations ouvrières, ne peut pas empêcher les communistes d’entrer en contact avec les travailleurs.
Il n’y a pas de règle absolue pour fixer une tactique, car celle-ci doit être déterminée sur la base des circonstances concrètes. Il ne s’agit pas d’une question de principe. Lénine a toujours eu une attitude très souple sur les questions tactiques. Le même Lénine qui, en 1914, défendait la rupture avec la social-démocratie internationale et, plus tard, appuya la création d’un Parti communiste indépendant en Grande-Bretagne, proposait aussi que ce même PC britannique demande son affiliation au Parti travailliste – tout en maintenant son programme, son identité propre et son indépendance politique.
Dans certaines circonstances, il pourra s’avérer nécessaire d’envoyer toutes nos forces dans les organisations réformistes pour y gagner les travailleurs qui s’orientent vers une position révolutionnaire.
Cependant, cette possibilité ne se pose pas dans l’immédiat. Les conditions requises n’existent pas. Mais à chaque étape il sera nécessaire de trouver un chemin vers la classe ouvrière. Ce n’est pas qu’une question tactique ; c’est une question de vie ou de mort pour l’avant-garde communiste.
Même lorsqu’ils mènent un travail indépendant, les communistes ont le devoir de se tourner vers les organisations de masse de la classe ouvrière et de développer – dès que c’est possible – une politique de « front unique » leur ouvrant une voie vers les masses. C’est l’abc des idées et des méthodes de Marx, Engels, Lénine et Trotsky.
Notre politique est précisément basée sur les conseils de Lénine et sur les thèses des quatre premiers Congrès de l’Internationale Communiste. Si nos critiques sectaires ne le comprennent pas, tant pis pour eux.
Pour quoi combattons-nous ?
Les objectifs des communistes sont essentiellement les mêmes que ceux des travailleurs en général. Nous voulons l’élimination totale de la faim et du mal-logement ; nous voulons des emplois garantis et décents, une réduction drastique du temps de travail, une éducation et une santé publiques de grande qualité, la fin de l’impérialisme et des guerres, la fin de la destruction insensée de notre planète.
Mais nous soulignons que, sur fond de crise du capitalisme, ces objectifs ne peuvent être atteints que par une lutte implacable, et ce jusqu’à l’expropriation des banquiers et des capitalistes. C’est pour cette raison que Trotsky a développé l’idée des « revendications transitoires ».
Les communistes interviendront avec la plus grande énergie dans chaque lutte de la classe ouvrière. Naturellement, les revendications concrètes qu’ils avanceront changeront en même temps que les conditions objectives – et dépendront des conditions concrètes dans chaque pays. Un programme de revendications transitoires serait donc hors de propos dans un Manifeste comme celui-ci.
Néanmoins, la méthode que doivent utiliser les communistes de tous les pays pour avancer des revendications concrètes a été brillamment appliquée par Trotsky, en 1938, dans le document de fondation de la Quatrième Internationale, L’agonie du capitalisme et les tâches de la Quatrième Internationale, plus connu sous le nom de Programme de transition.
Les revendications qui y sont formulées sont un condensé du programme de Lénine et des bolcheviks. Elles sont aussi contenues dans les thèses et les documents des quatre premiers Congrès de l’Internationale Communiste.
L’idée fondamentale des revendications transitoires est assez simple. Trotsky expliquait que dans la période de déclin capitaliste, toute lutte sérieuse pour l’amélioration du niveau de vie des masses conduisait inévitablement « au-delà des limites de la propriété capitaliste et de l’Etat bourgeois ».
A la guerre, une bataille défensive peut se transformer en une offensive. De même, dans la lutte des classes, le combat pour des revendications immédiates peut mener, dans certaines conditions, à un saut dans la conscience et à un mouvement vers une lutte révolutionnaire pour le pouvoir.
En dernière analyse, aucune réforme ne peut avoir un caractère définitif si elle n’est pas liée au renversement de l’ordre bourgeois.
Les communistes luttent pour l’émancipation totale de la classe ouvrière, pour la fin des oppressions et de l’esclavage salarié. Ceci ne peut être obtenu que par la destruction de l’Etat bourgeois, l’expropriation des moyens de production et une planification socialiste de l’économie sous le contrôle démocratique des travailleurs.
Le futur de l’humanité en dépend. Pour reprendre les mots du grand marxiste irlandais James Connolly :
« Nos revendications sont très modérées.
Nous ne voulons que la terre entière. »
Le communisme est-il une utopie ?
Le dernier refuge des défenseurs du capitalisme consiste à affirmer qu’il n’existe pas d’alternative à leur système en faillite. Mais qui de sensé pourrait le croire ?
Est-il possible que l’espèce humaine soit incapable de concevoir un système supérieur à l’horrible situation actuelle ? Une telle idée est une monstrueuse calomnie contre l’intelligence de notre espèce.
Le renversement de la dictature des banquiers et des capitalistes permettra de planifier rationnellement l’économie dans le but de satisfaire les besoins de l’humanité, et non plus la cupidité vorace d’une poignée de milliardaires.
La solution est évidente pour toute personne douée de raison. Et elle est maintenant à notre portée. C’est la seule façon d’abolir la faim, la pauvreté, les guerres et toutes les autres calamités du capitalisme. C’est la seule façon de créer un monde permettant à l’humanité de s’épanouir.
Les ennemis du communisme affirment que c’est une idée utopique. Cette accusation ne manque pas d’ironie. Ce qui est utopique, c’est précisément un système économique et social qui a épuisé son utilité – et dont la seule existence est en contradiction avec les besoins fondamentaux de la société. Un tel système n’a aucun droit d’exister ; il est condamné à finir dans les poubelles de l’histoire.
Il n’y a rien d’utopique dans le communisme. Au contraire. Les conditions matérielles pour une société humaine nouvelle et supérieure existent déjà à l’échelle mondiale. Les immenses progrès de la science et de la technologie ouvrent la possibilité d’un monde libéré de la pauvreté, du mal-logement et de la faim. Le développement de l’intelligence artificielle, combinée à la robotique moderne, pourrait être utilisé pour réduire le temps de travail jusqu’au point où le travail deviendra un choix personnel.
L’abolition de l’esclavage salarié est précisément la condition matérielle d’une société sans classes. C’est aujourd’hui entièrement possible. Ce n’est pas une utopie, mais quelque chose qui est entièrement à notre portée. Un nouveau monde se prépare à naître. Il grandit silencieusement – mais non moins sûrement – dans le ventre de l’ancien.
Sous le capitalisme, tout se transforme en son contraire. Dans un système où tout est subordonné à la course aux profits, chaque nouvelle technologie est synonyme d’accroissement du chômage et, dans le même temps, d’allongement du temps de travail, d’intensification de l’exploitation et de l’esclavage.
Tout ce que nous proposons, c’est de remplacer un système injuste et irrationnel, dans lequel tout est subordonné à l’insatiable cupidité d’une minorité, par une économie rationnelle et planifiée harmonieusement, visant à produire pour satisfaire les besoins humains.
Pour une véritable Internationale Communiste !
Il y a trois décennies, alors que l’Union Soviétique s’effondrait, Francis Fukuyama proclamait triomphalement « la fin de l’histoire ». Mais on ne se débarrasse pas aussi facilement de l’histoire. Elle a continué son chemin, sans se préoccuper de l’opinion des gratte-papiers bourgeois. Et aujourd’hui sa roue a tourné de 180 degrés.
La chute de l’Union Soviétique fut sans aucun doute un grand événement historique. Mais elle sera considérée, rétrospectivement, comme le prélude à un événement encore plus important : la dernière crise du capitalisme.
Pour toutes les raisons exposées ci-dessus, la crise actuelle sera longue. Elle peut durer des années, voire des décennies, avec des hauts et des bas, du fait de l’absence du facteur subjectif. Mais ce n’est là qu’un des aspects de la question.
La crise sera prolongée, mais elle ne sera pas pour autant pacifique et paisible. Au contraire ! Nous sommes entrés dans la période la plus turbulente de l’histoire moderne.
La crise frappera un pays après l’autre. La classe ouvrière aura de nombreuses opportunités de prendre le pouvoir. Dans une telle situation, des changements profonds et soudains sont inévitables. Ils peuvent se produire quand on s’y attend le moins. Nous devons être prêts.
Il n’est plus nécessaire de convaincre de larges couches de la jeunesse de la supériorité du communisme. Ils sont déjà communistes. Ils cherchent une bannière sans tache, une organisation qui ait radicalement rompu avec l’opportunisme et la modération réformiste de « la gauche ».
Nous devons prendre toutes les mesures pratiques pour les trouver et les recruter. Cela implique la proclamation d’un nouveau parti et d’une nouvelle Internationale. La situation tout entière l’exige. C’est une tâche nécessaire et urgente, qui n’admet aucun retard.
Il nous faut un véritable Parti communiste, qui repose sur les idées de Lénine et des autres grands théoriciens marxistes. Il nous faut une Internationale construite sur le modèle des cinq premières années de l’Internationale Communiste.
Nos effectifs sont encore modestes au regard des grandes tâches qui nous attendent. Nous ne nous exagérons pas nos forces. Mais tous les partis révolutionnaires de l’histoire ont d’abord été de petites organisations apparemment insignifiantes.
Nous avons un travail important à faire. Il commence déjà à porter des fruits et atteint une étape décisive.
Nous grandissons rapidement parce que, désormais, nous nageons dans le sens du courant de l’histoire. Et surtout, nous avons des idées correctes. Lénine disait que le marxisme était tout-puissant parce qu’il était juste. Cela nous remplit de confiance en l’avenir.
Joseph Fourier, un grand socialiste utopique français, a défini le socialisme comme le moyen de réaliser le potentiel de l’espèce humaine.
Sous le communisme, pour la première fois de l’histoire humaine, les masses auront pleinement accès à toutes les richesses de la vie culturelle et pourront les saisir à pleines mains. Les conditions seront créées d’un foisonnement inédit de l’art, de la musique et de la culture en général.
Dans ce monde neuf, la vie prendra un sens entièrement nouveau. Pour la première fois, les hommes et les femmes pourront s’élever de toute leur véritable stature, sur la base d’une complète égalité. Cela marquera le passage de l’humanité du royaume de la nécessité au royaume de la liberté.
Les hommes et les femmes ne tourneront plus les yeux vers le ciel pour y chercher une vie meilleure après la mort. Ils feront l’expérience d’un monde nouveau, dans lequel la vie elle-même, débarrassée de l’oppression, de l’exploitation et de l’injustice, prendra une signification nouvelle.
C’est pour cette chose merveilleuse que nous luttons : un paradis sur cette terre.
C’est cela que signifie réellement le communisme.
C’est la seule cause qui mérite que l’on se batte pour elle.
C’est pour cela que nous sommes communistes.
Il incombe à chacun d’entre nous de tout faire pour que ce travail soit mené immédiatement, sans hésitations et avec la conviction absolue qu’il réussira.
Nos mots d’ordre de lutte sont :
- A bas les pillards impérialistes !
- A bas l’esclavage salarié !
- Exproprions les banquiers et les capitalistes !
- Vive le communisme !
- Travailleurs de tous les pays, unissez-vous !
- En avant vers une nouvelle Internationale !