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Face à la crise de régime : mobilisation dans les rues et les entreprises !
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
A l’heure où nous bouclons ce numéro de Révolution, soit cinq jours après le deuxième tour des élections législatives, on ne sait toujours pas officiellement quelles forces politiques composeront le prochain gouvernement, ni quand il entrera en fonction.
Dans les hautes sphères de l’Etat et des partis, les manœuvres et tractations se multiplient. Le 10 juillet, dans une énième « Lettre aux Français », Emmanuel Macron a « demand(é) » aux « forces républicaines » de s’entendre pour « bâtir une majorité solide, nécessairement plurielle ». En clair : une majorité sans la France insoumise (FI) – car Macron, comme tant d’autres, a décrété que ce mouvement se situait « en dehors de l’arc républicain ».
La coalition que « demande » le chef de l’Etat – comme si cela relevait de sa fonction – irait donc de l’aile droite du NFP (PS, Verts, PCF) jusqu’aux députés LR. A supposer que se constitue une telle coalition, son programme ne serait évidemment pas celui du NFP. Au contraire : il poursuivrait la politique d’austérité qu’exige la bourgeoisie française, dans un contexte où l’économie ralentit et où la dette publique s’envole.
A cette heure, il ne semble pas que les dirigeants du PS, des Verts et du PCF soient disposés à trahir aussi vite leurs électeurs en s’alliant formellement avec les macronistes et la droite en général, à la « demande » expresse du chef de l’Etat. Macron va sans doute devoir accepter la formation d’un gouvernement du seul NFP.
Cependant, ce gouvernement comprendra-t-il des ministres de la FI ? Et si oui, sera-t-il immédiatement censuré par les députés macronistes, LR et RN ? Nous ne spéculerons pas, ici, sur les différents scénarios possibles au niveau institutionnel et parlementaire. Allons à l’essentiel. Le NFP est arrivé en tête, le 7 juillet, et revendique donc le droit de former le prochain gouvernement. Mais la coalition de gauche est loin d’avoir une majorité absolue à l’Assemblée nationale. Dès lors, dans les limites du jeu parlementaire, la mise en œuvre de son programme sera bloquée par les oppositions de droite – des macronistes au RN.
Dans cette perspective, des dirigeants du PS et des Verts se déclarent disposés à « négocier » – avec les macronistes – la politique d’un gouvernement du NFP. Raphaël Glucksmann l’a proclamé avec enthousiasme dès le 7 juillet au soir. Cela revient à annoncer l’enterrement des mesures progressistes du programme officiel du NFP, car les députés macronistes ne les accepteront jamais : pendant sept ans, ils ont fait tout le contraire.
Pour un « troisième tour » social
Dans ce contexte, la jeunesse et le mouvement ouvrier ne doivent pas attendre passivement le dénouement des tractations qui agitent les sommets de l’Etat et des partis politiques. Ils doivent passer à l’action.
Il faut prendre la mesure et tirer les conclusions pratiques du fait suivant : dans tous les cas de figure, seules des mobilisations extra-parlementaires de la jeunesse et des salariés, sous la forme de manifestations et de grèves massives, ouvriront la perspective d’en finir avec les politiques d’austérité et d’arracher des améliorations sérieuses de nos conditions de vie, d’étude et de travail. L’axe de la lutte n’est plus sur le terrain électoral et parlementaire ; il est désormais dans la rue, dans les entreprises et dans les quartiers populaires.
Avant même le premier tour des élections législatives, nous appelions à « préparer de grandes luttes sociales quelle que soit la composition du prochain gouvernement, c’est-à-dire même si le Nouveau Front Populaire l’emporte le 7 juillet. » [1] Nous expliquions qu’une majorité du NFP, à l’Assemblée nationale, serait soumise aux énormes pressions de la classe dirigeante – et que l’aile droite du NFP serait à la fois très sensible à ces pressions et très prompte à y céder, c’est-à-dire à renoncer aux mesures progressistes de son programme électoral. Ce qui valait dans l’hypothèse d’une majorité absolue du NFP vaut à plus forte raison dans le cas d’une majorité relative. Seules des mobilisations massives peuvent aboutir à l’approfondissement et l’application du programme du NFP. Toute autre perspective est illusoire.
La CGT Cheminots appelle à se rassembler devant les Préfectures et l’Assemblée nationale, le 18 juillet, « pour exiger la mise en place d’un gouvernement issu du Nouveau Front Populaire ». L’appel de cette fédération syndicale formule une série de revendications progressistes qui concernent non seulement les cheminots, mais toute la classe ouvrière : l’« abrogation de la réforme des retraites », l’« augmentation des salaires, des pensions et des minimas sociaux », l’« amnistie des militants syndicaux condamnés lors d’actions revendicatives », etc.
La CGT Cheminots montre la voie. Toutes les fédérations de la CGT, mais aussi la FI et le NFP doivent se rallier à cet appel. De manière générale, la gauche et le mouvement syndical doivent mettre à l’ordre du jour un solide plan de bataille pour mobiliser un maximum de jeunes et de salariés dans l’action, sur la base d’un programme offensif qui s’attaque au pouvoir et aux privilèges de la classe dirigeante.
Il est vrai que le NFP n’a pas de majorité absolue à l’Assemblée nationale. Mais les travailleurs sont très majoritaires dans le pays. Ils en constituent, de très loin, la force sociale décisive. Sans leur aimable permission, pas une roue ne tourne et pas une lumière ne brille. Sur la base de leur mobilisation révolutionnaire, il serait possible non seulement d’appliquer l’intégralité des mesures progressistes du programme du NFP, mais même d’aller beaucoup plus loin – jusqu’à l’expropriation des grands capitalistes.
Il faut en finir avec la domination de l’économie par une poignée de parasites géants qui imposent l’austérité, la précarité, le chômage et bien d’autres fléaux à l’écrasante majorité de la population. Il faut les renverser, porter les travailleurs au pouvoir et réorganiser l’économie sur la base d’une planification démocratique de l’appareil productif. C’est le seul moyen d’en finir avec la régression sociale permanente.
Soit dit en passant, seule cette politique offensive brisera réellement – et définitivement – la dynamique du RN. A l’inverse, les soi-disant « fronts républicains contre l’extrême droite » renforcent le RN, politiquement, en donnant du grain à moudre à sa démagogie « anti-système ».
D’une crise à l’autre
Lénine soulignait qu’une crise révolutionnaire est souvent annoncée, voire amorcée, par une crise du régime politique de la bourgeoisie, c’est-à-dire des institutions, des mécanismes et des méthodes qui garantissent habituellement sa domination.
De toute évidence, la crise de régime du capitalisme français, qui ne date pas d’hier, est en train de franchir un nouveau seuil. Or, comme le soulignait aussi Lénine, une telle crise, et la division de la classe dirigeante qui l’accompagne, ouvrent un espace à la classe exploitée pour intervenir et tenter de pousser la situation à son avantage.
Nous n’en sommes peut-être pas encore là, en France, mais nous y allons tout droit. Le résultat des élections législatives a ouvert une nouvelle phase de très grande instabilité politique. Les stratèges de la bourgeoisie ont beau se creuser les méninges, imaginer toutes les « majorités » possibles (sur le papier), ils ne voient pas d’issue paisible à l’impasse actuelle. De fait, il n’y en a pas dans les étroites limites du jeu parlementaire. Même une complète et rapide capitulation des dirigeants du NFP – ce qu’on ne peut exclure, hélas – ne ferait pas retomber la fièvre politique, laquelle serait toujours susceptible de se transformer en fièvre sociale. Un nombre croissant d’éditorialistes en sont réduits à avancer la « solution » d’une démission du chef de l’Etat, ce qui n’est pas arrivé depuis 1969.
La mobilisation du 18 juillet, à l’appel de la CGT Cheminots, ne doit pas être seulement conçue comme un moyen de contraindre Macron à nommer un Premier ministre issu du NFP. Ces rassemblements doivent surtout marquer le point de départ de grandes luttes sociales visant à porter la classe ouvrière au pouvoir. Telle est la seule véritable « solution » à la crise actuelle. C’est la classe ouvrière qui crée toutes les richesses, qui fait tourner tous les services publics – et qui saura réorganiser l’économie au profit de l’écrasante majorité de la population.