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Le Liban, un pays fragilisé devenu nouveau front de guerre

Liban

Lien publiée le 9 octobre 2024

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

https://lanticapitaliste.org/arguments/le-liban-un-pays-fragilise-devenu-nouveau-front-de-guerre

L’escalade militaire israélienne actuelle contre le Liban fait partie d’une machine de guerre israélienne qui continue de commettre un génocide à Gaza, et de bombarder la Syrie, le Yémen et l’Iran, menaçant d’une guerre régionale plus large. Ce n’est pas la première guerre menée par l’État d’Israël contre le Liban, toujours justifiée comme étant « ciblée » contre des organisations que Tel-Aviv considère comme terroristes. Dans le passé, il s’agissait de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et du Mouvement national libanais de gauche. Aujourd’hui, c’est le Hezbollah. Pour le Liban, la guerre israélienne actuelle s’inscrit également dans le contexte d’une séquence de crises qui a commencé avec le soulèvement populaire de 2019 et sa répression ultérieure, et qui s’est poursuivie avec la pandémie de Covid, l’explosion du port, un vide du pouvoir et un effondrement économique dont le Liban commençait à peine à se remettre.

Le Liban, un pays au cœur du conflit israélo-arabe

Le Liban a obtenu son indépendance en 1943 à la suite du Mandat français qui avait été imposé sur le pays en 1920. La représentation politique au Liban est organisée selon des lignes confessionnelles. Le système confessionnel libanais (comme le confessionnalisme en général) est l’un des principaux instruments utilisés par les classes dirigeantes au pouvoir pour renforcer leur contrôle sur les classes populaires, en les maintenant subordonnées à leurs dirigeants confessionnels. 

Un système politique confessionnel

Dans le même temps, le système confessionnel libanais est né parallèlement au développement du capitalisme libanais et en interaction avec la domination coloniale française. Depuis l’indépendance du Liban en 1943, la nature confessionnelle de l’État libanais a servi les élites politiques et économiques des groupes confessionnels au pouvoir, qui se sont appuyés sur l’orientation économique libérale du pays pour ­consolider leur pouvoir. 

Après la fin de la guerre civile en 1989, ce pouvoir n’a fait que se renforcer. Les gouvernements libanais successifs ont adopté des politiques néolibérales qui ont conduit à l’approfondissement des caractéristiques historiquement constituées de l’économie libanaise : un modèle de développement axé sur la finance et les services dans lequel les inégalités sociales et les disparités régionales sont très prononcées.

Les conséquences de la Nakba au Liban

Le Liban a été impacté dès le début par la naissance de l’État d’Israël ou Nakba (« la catastrophe » en arabe), en 1948. En plus de ses crimes contre les PalestinienNEs, l’armée d’occupation israélienne nouvellement créée a également commis des crimes au Liban à cette période, notamment dans le village de Houla à la fin du mois d’octobre 1948 en massacrant, en deux jours, toutEs les civilEs qui y étaient restéEs. Le Liban a également accueilli plus de 100 000 réfugiéEs palestiniens. Les Nations unies ont établi 16 camps officiels de réfugiéEs palestinienNEs au Liban. À son apogée, le nombre de réfugiéEs palestinienNEs dépassait probablement un demi-million de personnes, soit plus de 10 % de la population totale du Liban, même si l’UNRWA estime aujourd’hui ce nombre à environ 250 000.

Aux origines de la guerre civile de 1982 à 2000

Par la suite, le Liban a subi de nombreuses attaques de l’armée d’occupation israélienne et plusieurs invasions et guerres. En 1978, l’armée d’occupation israélienne envahit une partie du Sud-Liban pour combattre la résistance palestinienne. Quatre ans après cette invasion, l’État israélien débute une nouvelle invasion s’étendant cette fois jusqu’à la capitale Beyrouth. 

L’objectif de l’invasion baptisée « Paix en Galilée » en 1982 est d’éliminer la résistance palestinienne, la présence politique de l’OLP, les forces progressistes libanaises et d’installer un régime ami à Beyrouth. Dans ce cadre, la capitale subit un siège mortifère et est bombardée massivement, menant ­finalement à l’expulsion des forces de l’OLP de Beyrouth vers Tunis en 1982. À la suite de ce départ forcé de l’OLP, seront commis les terribles massacres de Sabra et Chatila, en septembre 1982, sous la responsabilité de l’occupation israélienne.

Le rôle du Hezbollah après 2000

La création et le développement du Hezbollah sont historiquement liés à divers éléments de l’invasion du Liban par l’armée d’occupation israélienne en 1982 et de l’occupation du pays jusqu’en 2000, ainsi qu’à la dynamique politique et aux projets régionaux de la République islamique d’Iran (IRI). 

L’occupation du Sud-Liban se termine en 2000 avec le retrait des troupes israéliennes, à l’exception des fermes de Chebaa, une zone contestée à cheval entre le Liban et la Syrie.

L’armée d’occupation israélienne lance une nouvelle guerre contre le Liban en 2006, avec le soutien des États-Unis, qui cause la mort de plus de 1 200 personnes, dont 270 combattants du Hezbollah. Israël a perdu plus de 150 personnes, principalement des soldats. Malgré l’asymétrie des pertes et des effectifs militaires — tous deux largement en faveur d’Israël —, Israël n’a pas réussi à atteindre ses objectifs en affaiblissant de manière significative le Hezbollah, tant politiquement que militairement, ce que ce dernier considérait comme un succès politique. Dans le même temps, et cela constitue une différence majeure avec la guerre israélienne actuelle contre le Liban, pas un seul cadre haut placé du Hezbollah n’a été tué pendant les 33 jours de guerre, malgré de nombreuses tentatives de l’armée d’occupation israélienne, notamment le largage de 22 tonnes de bombes sur un bunker à Beyrouth supposé être occupé par des membres haut placés du Hezbollah, ou l’échec de l’enlèvement de dirigeants clés.

Après la guerre de 2006, la frontière israélo-libanaise n’a connu que quelques incidents sécuritaires, la plupart survenus entre 2013 et 2014, après le déclenchement du soulèvement syrien. Le Hezbollah a riposté militairement à de multiples ­incursions ­israéliennes.

Le Liban après le 7 octobre 2023

À la suite du déclenchement de la guerre génocidaire de l’État d’Israël contre la bande de Gaza après le 7 octobre 2023, le Hezbollah annonce sa stratégie dite de « l’unité des fronts » qui a pour objectif de lier le front libanais à celui de Gaza. Le but du parti initialement est de montrer sa solidarité avec ses alliés politiques palestiniens, d’être crédible quand il mobilise la rhétorique de la résistance, tout en cherchant à protéger ses intérêts et alliances liés également à l’Iran dans la région…

Opérations militaires du Hezbollah calculées

Les premières cibles du mouvement libanais sont les fermes de Chebaa en territoire libanais occupés, et non directement les territoires israéliens. Par la suite, ils ont mené des attaques sur des sites militaires israéliens. Les opérations militaires du Hezbollah restent néanmoins dans une perspective calculée et relativement modérée comparée à la violence des attaques israéliennes, avec l’objectif d’éviter une guerre totale avec Israël. 

Cependant le parti ne se doutait certainement pas que la guerre génocidaire contre Gaza durerait autant et qu’Israël allait monter à un tel niveau d’intensité dans ses attaques contre le Liban, avec le soutien total des États-Unis et principales puissances européennes, comme la France. 

La politique de l’unité des fronts rejetée par la population libanaise

À la mi-septembre 2024, la violence meurtrière de l’occupation de l’armée israélienne s’accélère avec l’escalade militaire et des opérations terroristes menant à l’assassinat d’environ 570 personnes, en grande majorité des civilEs dont 50 enfants, et des milliers de blesséEs. Cela se poursuit par des campagnes de bombardements massifs visant à assassiner les hautes personnalités militaires et politiques du Hezbollah, mais tuant également environ deux milliers de civilEs et provoquant le déplacement forcé de plus d’un million de personnes.

L’unité des fronts devient donc de plus en plus difficile à défendre politiquement au sein de la population libanaise. Le coût pour le Liban est de plus en plus lourd, et le Hezbollah ne veut pas que ce conflit soit instrumentalisé par ses ennemis politiques intérieurs qui en feraient le principal ­responsable de tous les malheurs du pays. 

Le Hezbollah se trouve dans la situation la plus dangereuse depuis sa création, et c’est loin d’être près de s’arrêter, car Israël continue sa guerre contre le Liban, qui comprend également le ciblage des infrastructures et des capacités du parti. Sur la scène nationale, son isolement politique et social au sein de la population libanaise va très probablement se renforcer.

Construire un autre projet de société

Malgré la guerre israélienne et la crise socio-économique du pays, des formes de solidarité avec les déplacéEs sont mises en place à travers le pays, même si des tensions politiques continuent à exister. Il n’y a pas d’alternative politique progressiste organisée actuellement dans le pays ayant des capacités d’action significatives, malgré des tentatives sans succès ces dernières années de construire un tel projet, particulièrement à la suite du soulèvement populaire de 2019. La nécessité de construire un véritable projet contre-hégémonique, ancré dans les classes populaires du pays et en coalition avec les forces sociales indépendantes comme les syndicats, les organisations féministes et antiracistes, reste une nécessité pour l’avenir des classes populaires dans le pays, mais tout d’abord il faut arrêter la machine de guerre israélienne.