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    Le budget 2026 sacrifie encore une fois l’aide publique au développement

    Lien publiée le 27 octobre 2025

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    Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

    Alternatives économiques

    Pour la deuxième année de suite, le gouvernement souhaite couper à la hache les financements de solidarité internationale, ce qui met en danger nombre d’ONG, leurs programmes et leurs salariés.

    Le projet de budget 2026 présenté par le gouvernement Lecornu prévoit de grands coups de rabot dans les dépenses publiques, car il refuse d’augmenter les recettes par l’impôt. Au premier rang des victimes de l’austérité figure l’aide publique au développement (APD).

    Le projet de loi de finances (PLF) souhaite réduire son enveloppe à 3,67 milliards d’euros, en baisse de 16 % par rapport aux crédits alloués dans la loi de finances 2025 – qui ont ensuite été coupés de 134 millions d’euros par un décret d’annulation paru en avril.

    « C’est un nouveau choc après les coupes déjà massives de l’an dernier. La mission “Aide publique au développement” a été celle la plus mise à contribution au sein du budget 2025 », rappelle Olivier Bruyeron, président de Coordination Sud, qui rassemble 180 ONG françaises de solidarité internationale.

    Au total, depuis la loi de finances 2024, les crédits alloués à la mission APD ont été compressés de près de 40 %.

    Si l’on prend l’aide publique au développement au sens de l’OCDE (dont la définition est plus large et comprend l’ensemble des apports financiers des organismes publics aux pays bénéficiaires ainsi que les financements aux réfugiés sur son sol), elle tombe à 0,48 % du revenu national brut (RNB) en 2024, en recul net par rapport à 2022 (0,56 % du RNB).

    « On est en train de tourner le dos à l’objectif d’y consacrer au moins 0,7 % du RNB », signale Olivier Bruyeron. Cet engagement, pris aux Nations unies en 1970, avait été confirmé par la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales d’août 2021, votée à l’unanimité.

    Projets arrêtés et licenciements

    « Que peut-on attendre de bon de se désengager à ce point de la lutte contre les inégalités mondiales et de l’atténuation du changement climatique dans les pays les moins avancés ? », interroge le président de Coordination Sud. Il rappelle que l’aide publique au développement a permis de nombreuses avancées ces dernières années, avec la progression de la scolarisation ou la réduction de la mortalité maternelle et infantile, par exemple.

    Les conséquences des coupes budgétaires françaises se font déjà ressentir. « Au moins 640 projets ont déjà été arrêtés ou ont diminué leurs ambitions auprès des bénéficiaires cette année », indique Frédéric Apollin, directeur général délégué d’Agronomes et vétérinaires sans frontières (AVSF) et membre du conseil d’administration de Coordination Sud.

    D’autant que la France n’est pas la seule à revenir sur ses engagements. Selon l’OCDE, la plupart des pays de l’Union européenne (UE) ont réduit leur APD en 2024 : - 13 % pour la Suède et la Finlande, - 17 % pour l’Allemagne…

    Surtout, la suppression de plus de 80 % des programmes de l’USAID par l’administration Trump au début de l’année 2025 a secoué brutalement tout l’édifice de la solidarité internationale. Les Etats-Unis sont le premier contributeur mondial à l’aide au développement, à hauteur de 63,3 milliards de dollars en 2024. Très concrètement, 34 millions de femmes et de filles ont perdu l’accès à la contraception en raison des coupes américaines.

    « La France semble jouer le même jeu que d’autres pays riches, tels que les Etats-Unis de Donald Trump. Elle sacrifie son budget de la solidarité internationale à un moment où les besoins explosent. Cet abandon est une faute majeure, qui met en péril des programmes essentiels pour les femmes dans les pays les plus pauvres », dénonce Sandra Lhote Fernandes, chargée de plaidoyer à Oxfam France.

    « Notre programme pour former des auxiliaires de vétérinaires dans des pays qui manquent de personnels de santé animale risque d’être arrêté. C’est une bombe à retardement car cela prive de moyens de détection et de traitement des épizooties et des pandémies. On met en péril notre santé future », appuie Frédéric Apollin.

    Sécuriser les financements

    A Coordination Sud, on estime que plus de 5 000 personnes ont été licenciées en quelques mois, dont environ un sixième en France. Ce n’est que le début. 45 à 50 % des ONG réfléchissent à des restructurations internes, qui se traduiraient par des licenciements de personnels, si les nouvelles coupes sont confirmées. Pour éviter ces purges, les demandes des associations sont claires :

    « Il faut mettre fin à l’acharnement budgétaire et retrouver le niveau d’aide de 2024, donc réinjecter 1 milliard d’euros », réclame Frédéric Apollin.

    Ces moyens pourraient être trouvés aisément selon lui. Pour cela, il faudrait réintroduire le mécanisme d’affectation sécurisée du produit de la taxe sur les transactions financières et de la taxe sur les billets d’avion. Celui-ci permettait de flécher une partie de leurs recettes directement vers le Fonds de solidarité pour le développement – une composante de la mission budgétaire APD – hors du budget général.

    Le retour de ce mécanisme sécurisant les moyens de l’aide au développement a fait l’objet d’une proposition de loi en avril dernier. Fait rare, celle-ci est portée par 73 cosignataires venus de la droite aux communistes en passant par les écologistes et les divers partis macronistes. Mais cette proposition n’a pas encore été examinée en commission.

    Une fois le fléchage réintroduit, la solidarité internationale pourrait bénéficier d’une hausse de la taxe sur les transactions financières, dont le taux est déjà passé de 0,3 % à 0,4 % en 2025. « La porter à 0,5 % permettrait d’engranger environ 600 millions d’euros supplémentaires », précise Olivier Bruyeron.

    Montée de l’extrême droite

    Mais pourquoi les gouvernements s’acharnent-ils autant sur la solidarité internationale ?

    « Les restrictions budgétaires pèsent toujours en premier lieu sur deux secteurs : la culture et l’aide publique au développement. A ce titre, le cas français est assez emblématique. Ensuite, il y a un “effet Ukraine” : les pays européens se mobilisent massivement depuis 2022 en solidarité avec les Ukrainiens et, pour compenser, réduisent leurs crédits destinés à l’Afrique ou l’Asie. Enfin, la montée de la droite et de l’extrême droite donne de l’écho à la critique de l’inefficacité de l’aide », répond Pierre Jacquemot, ancien diplomate et président d’honneur du Groupe Initiatives, rassemblant seize ONG de solidarité internationale.

    Ces critiques sont pourtant peu fondées, juge-t-il. Tous les acteurs du secteur répètent que les financements et les dispositifs sont extrêmement normatifs. « Il n’y a pas de politique publique aussi évaluée et encadrée que l’aide publique au développement », martèle Pierre Jacquemot.

    Enfin, deux tiers des Français soutiennent l’aide en faveur des pays en développement et ce chiffre monte à plus de 80 % chez les jeunes, selon un sondage réalisé par Toluna-Harris Interactive pour l’Agence française de développement (AFD). Sans doute comprennent-ils mieux que nos dirigeants que déshabiller la solidarité internationale n’est pas un gage d’avenir meilleur.