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Ukraine - Le vrai visage du nouveau gouvernement

international Ukraine

Lien publiée le 16 mars 2014

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Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.lutte-ouvriere-journal.org/?act=artl&num=2380&id=35

Plus que la question de l'accord rejeté avec l'Union européenne, c'est la haine d'une partie de la population ukrainienne pour le régime corrompu de Ianoukovitch qui a provoqué la chute de ce dernier. Et pas grand monde ne semble le regretter, même dans l'est russophone du pays, pendant que les chefs du parti du président en fuite, dont plusieurs gouverneurs, s'empressent de se recycler auprès du nouveau pouvoir.

Les oligarques, ces magnats des affaires issus de la bureaucratie et protégés du pouvoir depuis la fin de l'URSS, avaient à juste titre focalisé la colère d'une population qui voit en eux des voleurs. Mais si elle croyait en avoir fini avec eux en chassant Ianoukovitch, elle se trompe : au coeur du pouvoir ils étaient, au coeur du pouvoir ils restent. Et ils s'y affichent comme jamais.

Oligarques et banquiers

Le 7 mars, sur le perron de l'Élysée, Hollande accueillait tout sourire une des premières fortunes du pays, Porochenko, que les instituts de sondage placent en tête des candidats à la présidentielle de mai prochain. Autre larron présent sur la photo élyséenne, le champion de boxe et homme d'affaires international Klitchko : gendre d'un ex-président ukrainien qui parraina Ianoukovitch, il postule aussi à la présidence. Mais, en le présentant comme une exception d'honnêteté au sein du monde politique ukrainien, ce qui reste à démontrer, les médias occidentaux n'en soulignent que mieux ce que sont les gens de son milieu.

Or ce sont précisément de tels individus qui forment le nouveau gouvernement ukrainien, celui-là même dont Hollande, Obama, Merkel, Cameron et autres disent tant de bien.

L'Union européenne vient d'annoncer une enquête sur des « infractions liées au détournement de fonds publics ukrainiens et à leur transfert illégal hors d'Ukraine ». Les États-Unis aussi envisagent un refus de visa et un gel des avoirs à l'étranger pour ceux qui, autour de Ianoukovitch, ont détourné à leur profit l'équivalent de 37 milliards d'euros. Mais seuls sont visés les vautours de la « famille » aujourd'hui déchue. En revanche les oligarques, qui ont saigné à blanc le pays, son économie et sa population depuis près d'un quart de siècle, non seulement ne sont pas inquiétés, mais ils restent aux commandes. Et les fonds colossaux qu'ils ont tirés de leur pillage se trouvent généralement « investis », c'est-à-dire cachés dans des paradis fiscaux ou en Europe de l'Ouest et aux États-Unis... qui n'y trouvent évidemment rien à redire.

La plus célèbre de ces parasites ayant profité de la mansuétude des puissances impérialistes est, bien sûr, la richissime politicienne-affairiste ukrainienne Timochenko, dont les gouvernements occidentaux n'ont eu de cesse d'exiger la libération alors qu'elle se trouvait en prison. Même si sa condamnation était en grande partie politique, elle s'appuyait sur d'incontestables et énormes détournements de fonds quand elle était au pouvoir.

Le nouveau gouvernement est largement composé de gens du parti de droite nationaliste Batkivchtchyna (La Patrie) qu'elle dirige. Ainsi, le nouveau Premier ministre, Iatseniouk, banquier et ancien ministre de l'Économie, est le chouchou de Washington, sinon de Paris et de Berlin. À ses côtés, on trouve d'autres anciens bureaucrates convertis aux charmes de l'Occident, des « businessmen » et des gens qui leur sont liés. Ainsi le ministre du Développement régional, Groïsman, s'est enrichi dans l'immobilier et l'agroalimentaire. Il est membre du clan de l'oligarque Porochenko, qu'Hollande dorlote. Aux Finances, on trouve un ex-vice-président de la banque centrale ainsi que de la première banque privée du pays ; à l'Économie, un proche des milieux d'affaires américains, fondateur de la première business school du pays ; à la Justice, encore un banquier. Un certain Arsen Avakov, devenu ministre de l'Intérieur, ne dépare pas le tableau : fondateur d'un fonds d'investissement et d'une banque d'affaires, il s'est retrouvé sur les listes d'Interpol pour vol de terres et abus de pouvoir.

Ce concentré de nantis, de parvenus pillards de l'économie, est tout ce que l'Europe et l'Amérique impérialistes ont trouvé pour défendre ce qu'elles appellent leurs « valeurs » en Ukraine. Les classes populaires et travailleuses de ce pays sont prévenues. Et l'aspect politique ne vaut pas mieux.

Ministres de droite et d'extrême droite

À côté d'une majorité marquée à droite, on trouve parmi les ministres une forte dose de gens d'extrême droite. Le vice-Premier ministre Sytch, du parti ultranationaliste Svoboda, est connu pour mener campagne contre l'avortement. Également de Svoboda, le ministre de l'Agriculture est un millionnaire de l'agroalimentaire : il n'aura qu'à se servir ! À la tête du Conseil de sécurité, on trouve Paroubyi, fondateur du Parti national-social, qui se revendiquait ouvertement du nazisme, avant de donner naissance à Svoboda. D'autres, parfois encore plus marqués à l'extrême droite, tiennent les ministères de l'Éducation, des Sports et le Bureau de la lutte contre la corruption.

Ce n'est évidemment pas de cela que rêvaient ceux qui, dans la population, voulaient sincèrement se débarrasser de la bande à Ianoukovitch et de son pouvoir autoritaire. Mais peu importe aux États dits démocratiques : ils ont besoin d'une telle engeance au pouvoir pour défendre les intérêts des sociétés occidentales face aux classes laborieuses ukrainiennes.

Pierre LAFFITTE