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Les 323 salariés d'Honeywell ne veulent pas laisser leur usine partir en Roumanie
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
La direction juge que le site, qui fabrique des plaquettes de frein, n'a pas d'" avenir économique "
Des croix en bois ont été plantées sur le bas-côté de la route, juste en face de l'entrée principale de l'usine. L'une d'elles porte cette étrange épitaphe : " Ici peut-être repose le sort de 323 salariés. " Depuis un mois, les employés de l'entreprise Honeywell, à la périphérie de Condé-sur-Noireau (Calvados), vivent dans l'angoisse de perdre leur emploi.
Le 19 octobre, la direction du site, qui fabrique des plaquettes de frein pour les voitures, a annoncé l'arrêt de son activité en juin 2013 et l'ouverture, dans environ un an et demi à deux ans, d'un établissement en Roumanie, où sera également produit du " matériel de friction " pour automobile.
Cette décision a provoqué un choc dans la région. Samedi 19 novembre, au moins 2 500 personnes ont manifesté dans les rues de Condé-sur-Noireau, soit l'équivalent de presque la moitié de la population de la commune.
Avant d'être dans le giron de l'américain Honeywell, l'usine a longtemps appartenu à la Société anonyme française du Ferodo, puis à Valeo et à d'autres industriels. Elle fut l'un des plus gros employeurs privés du département - plus de 2 500 personnes à son zénith.
Jusqu'en 1996, les ouvriers ont manipulé de l'amiante, une fibre cancérogène qui a causé de nombreux décès parmi les salariés et fait de Condé-sur-Noireau une ville martyre (Le Monde du 17 décembre 2005). Depuis quinze ans, ce matériau est banni, mais il en subsiste des traces dans l'entreprise, à de rares endroits et dans des proportions inférieures aux " standards " fixés par la réglementation, d'après la direction.
Aujourd'hui, c'est la vie de la société qui est menacée. Ses handicaps sont multiples, aux dires de François Serizay, le directeur des relations sociales. Le site enregistre des pertes " récurrentes " depuis cinq ans. L'entrée en application de nouvelles normes, dans un proche avenir, nécessiterait d'adapter les installations, moyennant de lourds investissements. Il faudrait aussi modifier la technologie employée sur les chaînes de production pour tenir compte des " desiderata des clients ".
Enfin, " les perspectives de développement commercial ne sont plus en Europe de l'Ouest, mais dans les pays émergents et en Europe de l'Est ", souligne M. Serizay. Pour toutes ces raisons, la direction est parvenue à la conclusion que l'usine n'avait pas d'" avenir économique ".
Ce discours fait bondir les salariés. Pour eux, Honeywell a laissé dépérir à petit feu l'usine. " Ça fait vingt-deux ans que je suis dans la boîte, très peu d'investissements ont été réalisés ", confie Anne-Michèle Boulier, de la CFE-CGC.
Début novembre a été mis en place un groupe de travail, composé de représentants des services de l'Etat, des collectivités locales et d'experts désignés par Honeywell. Son but était d'étudier des solutions alternatives à la fermeture. Mais les discussions ont tourné court. Elles tenaient de la " mascarade ", aux yeux des élus locaux.
Le préfet du Calvados, Didier Lallement, a, lui-même, condamné l'attitude de la direction, jugeant qu'elle ne manifestait aucune " volonté sérieuse " d'explorer d'autres pistes que la liquidation.
" Double peine "
Les représentants du personnel se plaignent d'avoir à dialoguer avec deux dirigeants qui ont débarqué, il y a peu de temps, à Condé-sur-Noireau. " Ils ont été nommés là pour éteindre la lumière ", persifle un salarié. M. Serizay trouve ces remarques injustes ou inexactes. Le groupe, poursuit-il, va aider le personnel à rebondir. Il s'est engagé à identifier, " sans limite de temps ", une solution de reclassement pour chaque salarié.
Une promesse accueillie par des haussements d'épaules. " Ils nous baladent depuis le début et sont capables de dire une chose et son contraire ", lâche un homme, en pleine pause-café devant l'entrée.
La recherche d'emploi sera compliquée dans ce territoire où le marché du travail est fragile. Les salariés mettent en avant un autre obstacle : " L'image de l'amiante, qui nous colle à la peau ", dit l'un d'eux. Certaines entreprises seraient réticentes à embaucher des ex-Honeywell, car ceux-ci sont soumis à un risque de maladie grave plus élevé que la moyenne. " C'est la double peine ", résume un syndicaliste.
Les mois à venir s'annoncent tendus. " Les salariés ne vont pas se laisser faire, ils sont motivés ", prévient Thierry Hébert, de Force ouvrière. A l'extérieur de l'usine, une banderole, accrochée aux branches d'arbustes, donne le ton : " Mourir pour mourir, autant que ce soit les armes à la m ain. "