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La déscolarisation des roms est voulue
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
L’Humanité, 30 juillet 2014 :
Selon une étude, 60 % des enfants de ces familles vivant déjà en marge de toute socialisation le sont par des manœuvres délibérées des maires.
«Pas de place à l’école pour les enfants Roms en France ? » C’est par cette interrogation que l’European Roma Rights Centre (Errc) a titré un communiqué alarmiste, lundi. L’ONG a mené une étude sur la scolarité des enfants Roms, dont les résultats sont sans appel : « Dans 60 % des cas, la déscolarisation est due au refus des maires d’inscrire les enfants Roms à l’école. » L’Errc a procédé à des entretiens auprès de 118 Roms adultes, habitant dans six bidonvilles des Bouches-du-Rhône, du Nord et de Seine-Saint-Denis. Les rejets subis lors des démarches pour scolariser les enfants, mis en lumière par cette étude, ont également été constatés par les associations et par les militants de terrain.
« Certaines municipalités font tout pour décourager les parents de scolariser leurs enfants », indique l’avocate Julie Launois. L’instruction en France est obligatoire pour tous les enfants de six à seize ans, quelle que soit leur situation. Mais « les maires emploient des moyens détournés pour laisser les Roms hors de l’école, sans trop enfreindre la loi », poursuit l’avocate. « Certains affectent les enfants à l’école la plus éloignée du terrain où ils habitent, en espérant qu’ils ne s’y rendent pas. D’autres opèrent un refus d’inscription à la cantine », poursuit-elle. Ce comportement a également été observé par Véronique Decker, directrice d’école à Bobigny et très engagée pour la scolarisation de tous. « Le plus souvent, les municipalités récalcitrantes inscrivent les enfants Roms à la cantine au tarif extérieur, complète-t-elle. Obliger les parents à s’acquitter de cinq ou sept euros par repas revient de facto à pousser ces enfants à la déscolarisation. »
Si nombre de mairies cherchent effectivement à décourager la scolarisation des enfants Roms, les services de l’État sont aussi en cause. L’éducation nationale ne nomme pas d’instituteur supplémentaire en cas d’implantation d’un camp de Roms, même si le nombre d’élèves augmente de fait. Et les expulsions à répétitions revendiquées par le ministère de l’Intérieur, mettent en péril la scolarité. « En moyenne, les Roms interrogés ont été expulsés six fois depuis leur arrivée en France, détaille l’Errc. Les parents ont exprimé leur profonde préoccupation du fait des conséquences des expulsions sur la santé mentale et la scolarité de leurs enfants. »
Même l’accès à la justice leur est interdit
Peu de recours existent contre une telle discrimination. Face aux mairies récalcitrantes, en l’absence de sanctions de l’État, la seule solution est de saisir un avocat et d’entamer une démarche judiciaire, souvent sans aide juridictionnelle, car les juges estiment que l’absence de ressources ne peut être prouvée. « Non seulement les Roms n’ont pas accès à l’école, mais en plus ils n’ont pas accès à la justice pour faire valoir leurs droits, précise Me Launois, qui a travaillé bénévolement pour des familles Roms. Nous sommes parvenus à obtenir des décisions favorables, par les juges ou le défenseur des droits. Mais malheureusement, sans jamais qu’une sanction financière soit prononcée à l’encontre de la mairie. » Pour Véronique Decker, la problématique dépasse la seule question Roms. « Nous avions un large consensus français, de l’extrême gauche à la droite gaulliste : tous les enfants doivent être scolarisés. Nous constatons un renversement total. Et pour la première fois, la France voit ressurgir une catégorie de citoyens éradiquée dans les années 1920, les analphabètes. »