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Vive la révolte populaire des Gilets Jaunes ! Continuons, avançons, construisons !

Par Nastrit Daul (21 décembre 2018)
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On l’entend partout dans les médias : le mouvement des Gilets Jaunes serait en train de s’essouffler, et ce serait même grâce aux annonces de Macron le bon prince... Déjà, considérer que le mouvement s’essouffle en se basant sur les chiffres du ministère de l’Intérieur apparaît comme un réel foutage de gueule : à chaque manifestation des Gilets Jaunes, Castaner annonce le nombre de manifestant.e.s à un instant T, à chaque fois en fin de journée ! Samedi dernier, il y aurait donc eu environ 70.000 Gilets Jaunes au niveau national… à 18h ! Bien sûr que ce chiffre ne signifie rien dans la mesure où partout, les rassemblements et manifestations ont commencé dès le matin. La journée a donc été traversée d’allers et venues dans tout le territoire, certain.e.s partant en début d’après midi quand d’autres arrivaient seulement. Surtout, quelle crédibilité pouvons-nous accorder à ces chiffres provenant d’un gouvernement qui n’a que pour objectif de décrédibiliser les Gilets Jaunes ?

Il ne faut pas pour autant tout repeindre en jaune ni tordre la réalité. Il s’avère effectivement que la mobilisation de l’Acte 5 a été plus faible numériquement au national et particulièrement à Paris. Cela s’explique pour plusieurs raisons. En premier lieu, la répression terrible qui s’est déployée a eu un effet très dur contre le mouvement. Tous les flics de France ont de nouveau été mobilisés, avec cette fois-ci l’ordre d’aller au contact et de se montrer impitoyables. Il faut souligner que depuis le début du soulèvement des Gilets, 4 personnes ont eu la main arrachée à cause des grenades GLIF4, plusieurs personnes ont été éborgnées, sans compter celles et ceux tabassé.e.s, gazé.e.s abusivement. Cela s’ajoute aux désormais 9 mort.e.s, certes pas directement des violences policières, mais victimes de la violence générale à l’égard des Gilets Jaunes dont l’État montre l’exemple. De plus, la politique d’interpellation a été elle aussi très dure : en plus de de l’extraordinaire violence policière imposée aux lycén.ne.s, des milliers de manifestant.e.s ont été interpellé.e.s et placé.e.s en garde à vue, souvent condamné.e.s, simplement parce qu’ils et elles portaient des masques pour se protéger des gaz ou des casques pour se protéger des matraques. Le gouvernement a donc tout misé sur la répression, en condamnant les manifestant.e.s qui espéraient se protéger d’une police ultra-violente. Pour ajouter à l’ensemble, plusieurs blindés ont été déployés pour la première fois en métropole, et on a vu le retour des « voltigeurs », ces binômes à moto dont le passager arrière est équipé de flashball ou de matraque et qui avaient été interdits depuis la mort de Malik Oussékine sous Pasqua le 6 décembre 1986. Dans ce climat de répression atroce, la propagande médiatique suite aux annonces de Macron a certainement eu aussi un petit effet démobilisateur, bien que les annonces gouvernementales aient été très vite remises en question par l’écrasante majorité des Gilets Jaunes, y compris même par certains grand médias.

Mais malgré tout cela, il y a eu à certains endroits des rassemblements plus massifs que précédemment, notamment à Bordeaux ou Toulouse, et des villes peu mobilisées jusque-là se sont mises en mouvement comme Carcassonne. Les Gilets Jaunes sont donc très loin d’être défait.e.s : ce mouvement diffus, unique en son genre, semble dorénavant enraciné et un récent sondage de BFM montre que toujours plus de 70 % de la population le soutient.

Macron, le chef de guerre qui a remplacé l’éphémère « bon prince ».

Macron, au cœur d’une crise sans précédent, a donc fait le choix du tout sécuritaire. Mais avec des flics poussés à bout, il s’en est fallu de peu que le gouvernement ne perde complètement le contrôle de la situation. Macron tente maintenant de reprendre la main : d’abord – laborieusement – par la communication mais aussi en resserrant ses troupes autour de lui. Il a eu à faire face à une fronde chez les flics à qui il a d’abord dû lâcher une prime de 300 € puis une augmentation nette de 150 € du salaire. Quand un gouvernement vacille et que la police devient son dernier rempart, il faut bien qu’il la remercie… Ce n’est pas nous qui le disons mais Jean-Michel Apathie, porte-parole attitré des gouvernements ultra-libéraux dans les grands médias : « Vous enlevez la police, l’Élysée est pris d’assaut […] L’État ne tient qu’à un fil, et ce fil c’est la police ». Engels n’avait-il pas déjà écrit qu’« en dernière instance, l’État est une bande d’hommes armés » ?

Que la police ait été largement débordée par moment – prise de cours notamment par la spontanéité du mouvement – que parfois les Gilets jaunes soient parvenus à la défaire en restant sur des lieux dont on voulait les chasser, tout cela est significatif et atteste d’une grande radicalité. Mais ce qui demeure déterminant, c’est que le pouvoir vacille : il est en difficulté, et il joue une de ses dernières cartes. En jouant le « ni de gauche ni de droite, au-dessus des partis et de la vieille politique » et en dynamitant dès lors l’assise des structures des anciens partis, Macron a pris un risque énorme qui se retourne maintenant contre lui. Son gouvernement, composé de députés majoritairement jeunes, inexpérimenté.e.s pour la plupart, sans assises locales solides, reste très fragile tant institutionnellement que face a un soulèvement tel que celui que nous vivons. S’il tente aujourd’hui de se raccrocher aux branches en convoquant les directions syndicales à la table des négociations – qui y ont d’ailleurs accouru, nous y reviendrons – il s’avère malgré tout que l’édifice se craquelle. Le mouvement des GJ n’étant pas contenu ni dirigé par les directions des syndicats, le gouvernement n’a pas ses interlocuteurs privilégiés pour éteindre un feu qui s’emballe un peu trop. Nous vivons bien une crise d’hégémonie du bloc bourgeois qui, incarné par Macron, fait face à des années de haine intériorisée et refoulée. De plus, la base sociale de Macron elle-même s’effrite, le laissant incapable de contenir la crise.

Pour reprendre la main, Macron fait donc semblant de lâcher quelques miettes et lancer son « grand débat national » où il espère récupérer une certaine idée du Référendum d’Initiative Citoyenne pour canaliser le mouvement et légitimer sa réforme constitutionnelle. Cette dernière revendication est en effet de plus en plus présente chez les Gilets Jaunes. On comprend aisément pourquoi elle apparaît à beaucoup comme une perspective importante, car elle semble en effet une manière de réformer voire d’attaquer le régime dans un sens plus démocratique. Nous reviendrons dans un autre article sur les limites évidentes de cette revendication, et sur la nécessité en tout cas de l’articuler à un programme plus vaste, pour qu’elle ne devienne pas la porte de sortie du gouvernement, celle qui aura canalisé le mouvement sans coûter trop cher à l’État et aux patrons..!

Le syndicalisme de cogestion : une catastrophe pour la lutte de classe.

Nous avons donc noté que les directions syndicales se sont empressées de se rendre à l’Élysée lorsque Macron les a convoquées après les avoir méprisées. En les réintégrant maintenant, alors que les structures syndicales semblent largement rejeté.e.s par les Gilets Jaunes, Macron s’assure de maintenir cet écart : les Gilets Jaunes auront toutes les raisons de se méfier encore plus des outils syndicaux, et les directions syndicales auront toutes les raisons de ne toujours pas s’insérer dans le mouvement, étant redevenues les interlocutrices privilégiées du bon prince. Car une chose est certaine : l’entrée en grève généralisée des secteurs combatifs et stratégiques de la classe ouvrière (raffineries, chemin de fer, ports et docks…) permettrait de franchir un cap déterminant dans le conflit. C’est cela que ce gouvernement déjà si fragile veut éviter à tout prix, de même que les directions des centrales syndicales n’ont aucun intérêt à encourager le développement d’un mouvement qui risquerait de leur échapper. Elles veulent simplement préserver leur place à la table des négociations, car cela fait trop longtemps qu’elles se considèrent simplement comme des « partenaires sociaux ». Les bureaucrates se pressent pour manger à la gamelle, mais il n’est pas certain que leur repas sera bien copieux.

Au delà des syndicats ouvertement traîtres comme la CFDT, il faut noter que la posture de Martinez d’appeler après près d’un mois de soulèvement à ce que « tout le monde se mette en grève » sans prendre les moyens d’organiser cette grève sonne bien creux. Martinez va sûrement payer cher des années de luttes défensives perdantes, de journées d’actions sans perspectives ou encore de compromissions et de négociations avec les gouvernements. Plus que jamais, à l’heure où de nombreuses Unions Départementales, Unions Locales voir fédérations appellent à la grève générale et à l’action commune avec les Gilets Jaunes, il faut continuer à faire pression, par la base, et en interpelant les différentes structures, sur ces bureaucrates qui sacrifient nos luttes et se contentent de négocier un moindre recul social.

Les discussions sont nombreuses dans la CGT, de la base aux directions de syndicats, de fédérations ou d’UD et d’UL. De plus en plus, un gouffre se creuse entre la position de la confédération et de Martinez, et celle des syndiqué·e·s qui elles et eux non plus n’en peuvent plus et aspirent à un grand chamboulement. Pour beaucoup, la confédération a loupé le train, n’a pas su réagir, et est restée aveugle à ce qui se passait. Malgré certaines réticences, le mouvement des Gilets Jaunes est désormais vu avec bienveillance par beaucoup de syndiqué·e·s, et il vraiment urgent que les structures syndicales permettent d’étendre ce mouvement sur les lieux de travail. Mais pour cela, on a besoin de signaux forts, ce que les confédérations ne semblent pas disposées à faire.

Il en est de même dans l’éducation nationale où malgré des postures combatives, la FSU n’organise nullement la riposte face à Macron, alors que ce secteur est particulièrement visé par le pouvoir.

Revenir aux Gilet Jaunes, revenir au prolétariat.

Considérons donc que malgré tout, le samedi 15 décembre a marqué un recul du mouvement. L’intervention pour déloger les ronds-points montre que Castaner veut à son tour reprendre la main par la force. Si certains campements résistent ou se réinstallent après le passage des flics, la majorité est pour l’instant obligée de céder. En cette période de fête, après un mois de mobilisation portée à bout de bras, il est évident qu’un temps de repos s’impose.

Le soulèvement n’est pas pour autant défait. Par endroits, des poches de résistances font face, et nous devons les soutenir et les encourager. Plusieurs appels à l’Acte 6 circulent sur les réseaux sociaux et il semble que la journée du 22 sera aussi, par endroits, radicale et massive comme celles que nous avons pu vivre.

Pourtant, pour que le soulèvement passe un cap et puisse réellement mettre Macron à terre, plusieurs points doivent être soulevés. D’abord, il y a une nécessité de se débarrasser des portes parole auto-proclamé.e.s et des prétendant.e.s à la représentation. Pour cela, il faut élire des porte-paroles avec des mandats, c’est-à-dire avec une liste de revendications et de propositions qu’ils et elles doivent défendre partout. Si ces délégué.e.s manquent à leur tâche, il faut les révoquer ! C’est la seule manière démocratique de porter la parole du mouvement. De plus, cela permettra une coordination entre les Gilets Jaunes de plusieurs villes et alors massifier le mouvement.

Enfin, il faut avancer partout les axes anti-racistes, contre l’islamophobie, anti-sexistes et contre l’homophobie. Nous devons formuler précisément ce que nous entendons par la luttes contre toutes les oppressions et proposer en positif ce que nous considérons comme nécessaire, à savoir l’auto-organisation des opprimé.e.s sur les bases et dans les cadres qui leur sont propres.

Ensuite, il est très important d’étendre la lutte dans le monde du travail, c’est-à-dire dans les entreprises, par la grève de masse. Pour l’instant l’appel de Martinez n’est que figuratif, il faut un plan d’action national, structuré, et que le signal de la confédération soit clair : « on engage la bataille jusqu’à ce que le gouvernement cède». Cela permettra aux structures syndicales de se sentir en confiance et de se lancer réellement dans une bataille d’ampleur. Pour que la confédération lance une telle politique, il faudra nécessairement s’auto-organiser à la base en lien direct avec les Gilets Jaunes pour y faire vivre les revendication et massifier le mouvement. Mais l’ampleur des revendications qui ont émané des Gilets Jaunes montre bien que le problème ne se résume pas à la question du pouvoir d’achat ni à celle de propositions démocratiques innovantes – bien que totalement légitimes ! L’arrogance de Macron est certes spectaculaire, mais n’a rien d’étonnant de la part d’un gouvernement élu pour maintenir le système capitaliste en place, un système inique, qui profite toujours aux riches et qui ne vit que du pillage des ressources humaines et naturelles de la planète entière. Ce que le Conseil National de la Résistance en 45 ou qu’un mouvement comme mai 68 – pour ne parler que de la France – ont pu arracher comme réformes sociales, a été rogné petit à petit ou simplement détruit. Il est grand temps de s’attaquer à ce système par la racine. Aujourd’hui ce sont les capitalistes qui gouvernement pour leurs intérêts. Les travailleurs/euses doivent prendre elles et eux-mêmes les décisions sur leurs lieux de travail et de vie, les étudiant.e.s sur leurs lieux d’études, … A ce pouvoir centralisé, qui confisque les biens communs au profit d’une petite partie, nous opposons le pouvoir des toutes et tous les travailleurs/euses, qu’ils soient ou non en activité, mais qui sont seul.e.s capable de faire fonctionner la société sur d’autres bases que celles du profit et de la consommation.

Crédit Photo : Martin Noda

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