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La France insoumise face à un choix décisif: Bloc populaire de rupture ou Union de la gauche avec les sociaux-libéraux ?

Quelques jours après la fin du premier tour de l’élection présidentielle, les dirigeants de la France Insoumise ont initié un processus d’élargissement de l’Union populaire avec l’objectif de remporter les élections législatives et de "porter Mélenchon à Matignon". Ils ont tout à fait raison de se fixer un tel objectif, car cela peut éviter la démobilisation de toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisé.e.s autour du vote Mélenchon à la présidentielle. Seule la perspective de victoire peut mobiliser notre camp social.

Cependant il y a une contradiction fondamentale entre la volonté affichée d’élargir un « bloc populaire » en rupture avec le libéralisme (objectif que nous partageons) et de s’adresser à des forces politiques social-libérales. Rassembler l’Union Populaire, le NPA, le PCF, des courants politiques en rupture partielle avec le libéralisme (comme la gauche de EELV autour de Sandrine Rousseau ou la Gauche républicaine et socialiste), mais aussi s’adresser aux syndicats et associations de lutte était tout à fait souhaitable, et même indispensable pour espérer l’emporter aux élections législatives. En revanche, vouloir s’allier avec les appareils sociaux-libéraux tout en précisant qu’il ne s’agit pas de faire « l’Union de la gauche » pose un gros problème politique. D’autant plus que, même si la France Insoumise insiste sur le contenu programmatique d’un éventuel accord, les lignes rouges ne sont pas claires.

Faut-il se réjouir de l’explosion à venir du PS (et probablement de EELV) : Oui

Le PS est en phase d’explosion : une partie de l’organisation discute et négocie avec la FI en considérant « qu’il n’y a pas de points insurmontables » et une autre partie, l’aile « hollandiste » (Cambadélis, Hollande, Le Foll, Delga...) déclare qu’il n’y a aucune négociation possible avec la FI et investit dès maintenant des candidats sous étiquette PS, notamment dans le Tarn. Au moins, elles et eux assument que leur projet politique est antagonique avec celui de l’Union Populaire. Les autres font croire que ce n’est pas le cas alors que ce sont les mêmes qui ont soutenu jusqu’au bout la campagne Hidalgo – une campagne très hostile à l’Union Populaire et en particulier à Mélenchon. Mais plus encore, ils négocient sur leurs bases. Dans leur dernière déclaration, les membres du PS « FI compatible » déclarent pêle-mêle que leur objectif serait de mettre en place la retraite à 60 ans (c’est donc un but à atteindre, pas un préalable comme l’indique le programme de l'Avenir en commun, ce qui n’engage donc pas à grand-chose), qu’ils et elles ne veulent pas abroger la loi El Khomri mais seulement les « dispositions régressives » (lesquelles ?), souscrivent à une "garantie d'autonomie pour la jeunesse" sans en préciser le montant, font de belles promesses sur l’hôpital public sans chiffrage. Génération.s, avec qui l’accord est déjà conclu, mentionne dans le communiqué commun avec l'Union populaire que « la France ne peut avoir pour politique la sortie de l’Union ni de la monnaie unique », ce qui marque de fait un nouveau renoncement de l’UP au sujet de l’UE.

Entrer en négociation, c’est envisager concrètement ce qu’il est possible d’exiger, de concéder et estimer selon quels rapports de forces les objectifs fixés peuvent être atteints. À partir de là, s’il est évident que le score à la présidentielle est un avantage indéniable pour l’UP, l’ancrage et le maillage territorial du PS l’est pour ce dernier. Et c’est justement là-dessus que se jouent les négociations : la FI et le PS peuvent faire le calcul d'avoir besoin réciproquement l’un de l’autre pour maintenir et faire grandir leur place à l’Assemblée Nationale. Certes, le PS n’est pas en position de force, mais il a des cartouches qu’il fait valoir. Et lorsqu’on ajoute à cela les négociations avec EELV d’un côté et le PCF de l’autre (nous excluons ici le NPA qui n’aura pas un poids significatif dans ce front), de fait, les accords vont déboucher sur une droitisation du socle politique progressiste proposé par l’Avenir en Commun, ce qui a pourtant permis d’incarner un espoir politique de rupture lors de la campagne présidentielle.

Faut-il se réjouir d’une alliance ou d’un front entre l’Union Populaire et ces organisations ? Non

Dès lors, il apparaît difficile de se réjouir de ce type de front : dans un front, ceux qui remportent les victoires sont ceux capables de s’allier. Et sur des sujets comme l’Union européenne, la laïcité, la retraite à 60 ans etc, quelles alliances vont se constituer au sein même du bloc, lorsqu’il faudra faire face aux assauts des droites macronistes, « républicaines » ou extrêmes ? Quels sont les accords politiques possibles autour de la laïcité ? N’y a-t-il pas plus de proximité sur la question de l’UE entre le PS et EELV qu’entre EELV et la FI ? Quel est le socle commun au sujet de la répression policière entre ceux qui d’un côté vont aux rassemblements organisés par le syndicat policier Alliance et les autres qui n’y vont pas ? Les exemples qui permettent de douter de l’efficacité d’une stratégie d’alliance ou a minima de front sont très nombreux. Alors que la FI et surtout l’UP ont la possibilité d’accentuer leur offensive contre la social-démocratie qui est sortie complètement essorée de cette présidentielle, les négociations enclenchées depuis des jours réveillent le spectre d’une union de la gauche moribonde. D’autant plus que la théorie des 3 pôles (populaire / ultra-libéral / d’extrême droite) ne tient que dans la mesure où tout le reste est anéanti, ce n’est pas encore le cas (si ça l’était, qui s’embarrasserait de tractations et de négociations ?).

Est-ce de bons signaux pour la construction d’un bloc populaire efficace à la fois contre Macron mais aussi contre la sociale-démocratie et l’extrême droite ? Probablement pas.

Que la FI/UP ait une dynamique qui permette d’apparaître en leader de la gauche est une bonne chose. Mais l’échec initial du premier tour de la FI (en plus de celui de la responsabilité historique du PCF qui ne s’est maintenu que dans un souci de préservation de son appareil) est celui de ne pas avoir réussi à s’adresser ou au moins à gagner le vote des prolétaires blancs et blanchés déclassé.e.s, habitant.e.s des départements désindustrialisés et paupérisés du Nord et du Centre-Est, comme le constatait notamment François Ruffin au lendemain du premier tour. Cet électorat a majoritairement voté pour Marine Le Pen, dans un vote à la fois d’adhésion et de contestation. Or, pour remporter si ce n’est une présidentielle au moins un premier tour, une gauche de rupture se doit de réunir autour d’un même projet politique les « beaufs et les barbares » pour paraphraser Houria Bouteldja : entendre ici les gilets jaunes et les "racailles", les prolétaires blancs déclassés et les prolétaires indigènes. Pour mettre en mouvement ce potentiel pôle populaire, il faut pouvoir articuler les affects politiques des un.e.s et des autres de façon à la fois indépendante et collective. Toute la politique de Mélenchon en direction des populations non-blanches et des habitants des quartiers populaires (au sujet de la répression policière, de l’islamophobie, du racisme…) lui a apporté, si ce n’est une confiance, au moins un signe de respect de la part de cet électorat. C’est ce qui doit aussi être gagné de l’autre côté. Cependant, il ne s’agit pas simplement de programme politique mais bien de quelque chose de plus subtil, quelque chose de l’ordre de la dignité : le sentiment de déclassement profond que subissent les classes populaires qui se sont mises en mouvement durant l’hiver 2018-2019 ne peut pas se résoudre seulement par un SMIC à 1400 euros net et une retraite à 60 ans.

Nous disons bien « pas seulement » : d’autres aspects doivent se mettre en marche conjointement. Si cet amalgame (au sens des alchimistes, à entendre comme le mélange hétérogène de personnes ou de choses de nature différentes) n’a pu se réaliser cette fois-ci, rien n’interdit d’y croire pour la prochaine fois. Mais il est évident que cela ne pourra pas arriver en étant accompagné de tout ce qui se fait de pire aux yeux de ces mêmes populations en dehors de Macron : les sociaux-traitres du PS, les bobos urbains pro-euro de EELV. À elles deux, ces formations politiques incarnent l’impasse politique de la sociale-démocratie, les années d’attaques sociales majeures, les trahisons sans communes mesures, la bien-pensance bourgeoise culpabilisante (« il faut faire des efforts », « on n’y peut rien », « c’est comme ça »,).

L’Union de la gauche est-elle la clé du succès aux législatives ?

La FI n’est pas encore hégémonique à gauche. Elle le sait et c’est pour ça qu’elle négocie pieds à pieds. Mais il ne faut pas se leurrer : faire croire qu’il n’y a pas de points de désaccords insurmontables entre elle et le PS, c’est mentir et faire comme si le PS avait complètement changé en 15 jours. L’électorat qui s’est déployé au premier tour en faveur de Mélenchon n’est pas naïf et ne se fera pas prendre à ce petit jeu : s’il s’est déplacé massivement, c’était pour l’indépendance agressive (n’était-ce pas JLM qui disait qu’il ne voulait absolument pas participer à la primaire populaire, en disant qu’il « n’avait rien à voir avec ces gens » ?) et la qualité du programme proposé. C’était pour l’intransigeance du candidat face aux propos et aux attaques islamophobes incessantes. C’était pour le désir d’une rupture franche avec le libéralisme économique et la sociale-démocratie – même si cela était illusoire. Dans l’état actuel, les négociations pourraient se transformer en victoire à la Pyrrhus pour l’UP et en douche froide pour l’électorat et le corps composant du bloc populaire. Depuis quand pourrait-on se réjouir d’être d’accord programmatiquement avec le PS ou EELV ? N’est-ce pas plutôt là un mauvais signe, qui devrait mettre en alerte quinconce désir maintenir et faire vivre l’espèce d’insolence assumée de Mathilde Panot lorsqu’elle déclara qu’il n’y aura « pas de discussions avec le PS […] et que ce refus était définitif » tout en rappelant que les candidats écologiste et communiste devaient « rendre des comptes » ? La France Insoumise et l’Union Populaire sont sur une ligne de crête : continuer d’incarner en renforçant le pôle populaire de rupture tout en négociant avec les fossoyeurs du mouvement ouvrier et des acquis sociaux est un risque important, d’autant plus que ces négociations se passent en haut-lieu et à huis-clos.

Transformer l’Union populaire en un parti démocratique

Au-delà des élections législatives, l’Union populaire ne doit pas rester un « mouvement gazeux » où une direction non élue décide de la ligne tout en cooptant des personnalités au sein d’un parlement de l’Union populaire sans pouvoir décisionnel. En 2017, la direction de la France insoumise a refusé de créer un parti politique pluraliste où chaque militant.e pourrait participer à la prise de décision. Au nom de la rupture avec les vieux partis politiciens, c’est en fait avec les traditions démocratiques du mouvement ouvrier que la France insoumise a rompu. Résultat : les structures de la France insoumise se sont vidées et le capital politique acquis au cours de la campagne présidentielle de 2017 a été dilapidé. . Après cette élection présidentielle, les errements de la direction de LFI (renoncement au plan B sur l’Union européenne, alliances à la carte avec le PS ou EELV lors des élections intermédiaires...) ont éloigné une grande partie des catégories populaires qui s’étaient reconnues dans la campagne 2017. La très bonne campagne de 2022 a permis de recréer une dynamique, mais il est important de tirer les leçons de la précédente, pour que cette dynamique s’amplifie dans les mois à venir.

Il est aujourd’hui possible de créer un grand parti représentant les intérêts de classe et au-delà des travailleurs/ses, permettant à tous celles et ceux qui se sont reconnus dans la campagne de 2022 de devenir des militant.e.s politiques. Des dizaines de milliers de syndicalistes de lutte, de membres d’associations antiracistes et d’individus de différents horizons pourraient rejoindre le nouveau parti, à condition bien sûr qu’ils et elles puissent agir sur la ligne de celui-ci, défendre ouvertement leurs idées, s’organiser en tendances ou en sensibilité si ils ou elles le souhaitent. Le pluralisme et la démocratie sont les meilleurs moyens de gérer les contradictions et de trancher les désaccords, tout en maintenant une solidarité entre tous les militant.e.s du parti. C’est ce pari audacieux qu’il faut faire si on veut disposer d’un outil efficace pour s’opposer aux projets dévastateurs de la classe dominante. Au sein de ce parti, les révolutionnaires devraient pouvoir (si ils faisaient le choix d'y entrer) s’organiser en tendance afin de tenter de convaincre de leurs idées l’ensemble des camarades du parti.

L’enjeu est de taille et les déceptions seront, dès lors, à la hauteur de l’enthousiasme suscité depuis quelques mois, si aucune initiative concrète est lancée rapidement.

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