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Face à la politique patronale et réactionnaire de Macron, il faut s’auto-organiser pour préparer les prochaines luttes
Quoi qu’en dise le gouvernement, la situation économique se dégrade pour les travailleurs et les travailleuses. L’inflation est repartie à la hausse en août et les salaires réels moyens baissent sans discontinuer depuis plus de deux ans, alors que les dividendes versés aux ménages (les plus riches) ont augmenté d’environ 20 % sur un an. Aucune amélioration n’est en vue pour notre camp social : le gouvernement programme des budgets d’austérité entre 2024 et 2027 et rien ne sera entrepris par Macron pour empêcher les capitalistes d’augmenter les prix pour défendre leurs profits. C’est donc bel et bien à une offensive réactionnaire de longue durée à laquelle nous devons nous préparer.
Education : offensive islamophobe et vraies atteintes à la laïcité
Alors que le système éducatif est toujours plus mis à mal par la politique gouvernementale (comme le documente l’excellent rapport du collectif « Nos services publics » ou encore l’enquête du SNES-FSU selon laquelle il manque au moins un enseignant dans un collège et un lycée sur deux lors de cette rentrée), le gouvernement a cherché à polariser les débats autour de l’interdiction de l’abaya au nom de la « laïcité ». Il a bien sûr pu compter sur les médias des amis milliardaires pour cautionner cette nouvelle offensive visant à constituer les musulmans de France en ennemis de l’intérieur. Du point de vue des petits calculs politiques, cette annonce peut certes d’interpréter comme une opération de diversion, qui intervient précisément au moment opportun (la rentrée scolaire) ; mais il s’agit en vérité de plus que cela : en réalité, l’interdiction de l’abaya est une mesure islamophobe qui s’inscrit dans un projet politique de long cours de stigmatisation. Il ne s’agit pas que d’une manœuvre. Cette interdiction cherche à transformer toutes les femmes musulmanes (ou présumées telles) en suspectes. Comme on pouvait s’y attendre, des jeunes femmes musulmanes ont été privées de cours, humiliées devant leurs camarades, parce qu’elles portaient des vêtements trop amples (abaya ou pas d’ailleurs) alors que leurs camarades non suspectes d’être musulmanes pouvaient entrer avec des vêtements du même type. Toute cette opération est abjecte et instrumentalise le noble combat pour la laïcité, qui n’a rien à voir avec de telles interdictions qui visent les usagers des services publics, mais qui consiste à imposer la séparation en actes de l’État avec les institutions religieuses. Non seulement l’abaya n’est pas un vêtement religieux, et cette tendance à considérer tout et n’importe quoi comme une « offensive religieuse » partout révèle bien comment la « lutte contre l’islamisme » est ici le nom d’une pure panique identitaire et islamophobe ; mais surtout, quand bien même le port de l’abaya aurait effectivement une signification proprement religieuse (il est dans les faits impossible de sonder les cœurs de ceux qui choisissent de se vêtir d’une façon ou d’une autre), son interdiction n’en resterait pas moins une atteinte islamophobe à la laïcité, qui autorise chacun à vivre librement sa religion, y compris dans l’espace public. Les usager-e-s du service public ne sont pas les représentant-e-s de l’État : loin qu’ils doivent être soumis à une exigence de neutralité, l’Etat laïc doit au contraire garantir qu’ils puissent exercer librement leur religion. C’est pourquoi la loi de 2004, qui interdisait le voile aux élèves au sein de l’école publique, relevait déjà d’un dévoiement islamophobe du principe de laïcité. Au sens de la séparation de l’État et des institutions religieuses, ce gouvernement est tout sauf laïc : Macron s’apprête à assister, en tant que chef d’État, à la messe du pape à Paris, il veut que l’État augmente ses dépenses pour rénover les Eglises via une déductibilité des dons porté à 75 % au lieu de 66 %, et surtout le gouvernement donne de plus en plus de milliards aux écoles privées pour qu’elles permettent aux catégories supérieures de faire sécession, en séparant leurs enfants de ceux des catégories populaires. Face à l’offensive réactionnaire du gouvernement, il faut être à l’offensive et exiger l’arrêt des financements publics aux écoles privées.
Petite enfance : maltraitance dans les crèches privées
Cette rentrée est aussi marquée par la sortie de deux livres (« Le prix du berceau » et « Babyzness ») qui exposent les maltraitances dont sont victimes les enfants dans les crèches lucratives. Ce secteur représente 20% des places dans le secteur de la petite enfance, mais 80 % des nouvelles places créées par an. Comment s’étonner de ces révélations ? Confier la garde de nos enfants et le soin de nos aînés à des structures capitalistes qui cherchent à maximiser leur profit (et non à satisfaire les besoins des enfants et des personnes âgées) ne peut que conduire à des formes de maltraitance plus ou moins régulées par les États. Il faut mettre fin à ce scandale : il faut exproprier les crèches et les maisons de retraites privées lucratives, et les intégrer à un grand service public de la petite enfance et de la dépendance. Des moyens importants doivent être dégagés pour satisfaire ces besoins fondamentaux de la société, ce qui exige de sortir ces secteurs de la logique capitaliste.
Immigration : le projet de loi Darmanin et sa couverture de gauche
Alors que le projet de loi sur l’immigration de Darmanin arrive au Sénat en novembre, une tribune a été signée par des député-e-s macronistes, PS, EELV et PCF pour demander la régularisation des sans papiers qui travaillent dans les « métiers en tension ». Cette tribune épouse un article du projet de loi du gouvernement qui propose un titre de séjour d’un an pour ces travailleur/se-s. Elle vise à faire pression sur le gouvernement pour qu’il ne cède pas aux pressions des Républicains opposés à cette disposition. Cette tribune s’inscrit dans une logique sarkozyste et patronale qui consiste à accepter les travailleurs immigrés dans les secteurs où les capitalistes disent manquer de main-d’œuvre (aux salaires actuels), et à dégager les autres. Alors que les signataires de cette tribune mettent en avant leur « humanisme », ces critères de régularisation font fi des conditions réelles de vie de ces travailleur/se-s. S’ils sont sources de profit, on les garde, sinon on les jette ! Même le gouvernement Valls de 2012 n’avait pas osé avancer ce genre de critères pour régulariser des sans papiers, mettant en avant des conditions de durée de présence sur le territoire national. A rebours de la logique patronale sur l’immigration, il faut revendiquer la régularisation de tous les sans papiers, pour mettre fin à leur insécurité juridique et leur permettre de bénéficier des garanties du droit du travail.
Des directions syndicales en dessous de tout
Alors que le salaire réel moyen baisse depuis maintenant plus de deux ans en raison de l’inflation (un phénomène totalement inédit depuis la fin de la seconde guerre mondiale), les directions syndicales ne proposent aucune contre-offensive centralisée en cette rentrée. Aucune leçon n’est tirée de la défaite du printemps dernier sur la contre-réforme des retraites. A la fête de l’Humanité, Sophie Binet s’est contentée de dire « vous pouvez être fiers de vous » à l’assistance, et de dire que Macron a vraiment été très méchant de ne pas retirer sa réforme. Mais elle n’a esquissé aucune remise en cause de la stratégie des directions syndicales, alors qu’elle a été élue à la tête de la CGT sur la base du rejet du bilan de Martinez. Pour elle, l’enjeu est d’augmenter le nombre de syndiqué-e-s pour être plus fort lors des prochains combats. Bien sûr, il est important d’augmenter le nombre de militant-e-s dans les syndicats, mais il faut aussi donner envie aux travailleur/se-s de les rejoindre, donc montrer que les syndicats sont utiles et efficaces ! Or, que proposent les directions syndicales en cette rentrée ? Une simple journée d’action isolée fourre-tout le 13 octobre. Est-ce ainsi qu’on crée un rapport de force avec le gouvernement ? Il est important de s’organiser face aux bureaucraties syndicales. Le collectif « Ne tournons pas la page » rassemble depuis juin des syndicalistes qui veulent se fédérer pour s’opposer aux orientations des bureaucraties syndicales : nous en sommes et appelons à le rejoindre !
En revanche, il se passe des choses intéressantes outre-Atlantique. Une grève historique chez les trois grands constructeurs automobiles (Ford, General Motors et Stellantis) a été lancée le 14 septembre par le syndicat unique UAW aux Etats-Unis, suite au vote favorable de 97 % des syndiqué-e-s. Ils exigent une revalorisation salariale de 36 % sur 4 ans (contre 17 à 20 % concédée pour le moment par les patrons) et la semaine de 32h sans baisse de salaire. Le syndicat dispose d’une caisse de grève de 825 millions de $, ce qui permet de lancer le combat sur des bases solides. Malheureusement, la grève ne concerne pour le moment que quelques usines (et l’UAW avance l’idée d’une grève tournante), et il faudra compter sur l’auto-organisation des travailleur/se-s pour déborder le cadre pour le moment limité mis en place par la direction syndicale de l’UAW.
Car, en France comme aux Etats-Unis et ailleurs, il n’y a pas d’autre voie pour que les luttes retrouvent le chemin de la victoire.