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Chapitre 7.5: "Augmenter les salaires et réduire les inégalités salariales dans l’entreprise"
La Tendance CLAIRE a décidé d’ "appeler à voter pour Jean-Luc Mélenchon tout en menant bataille contre les impasses réformistes de son programme" (https://tendanceclaire.org/article.php?id=1705). C’est pourquoi nous proposons une analyse critique du programme de l’Union populaire.
Billets précédents :
Chapitre 1.1, Chapitre 1.2, Chapitre 1.3, Chapitre 1.4, Chapitre 1.5, Chapitre 1.6
Chapitres 2.1 et 2.2, Chapitre 2.3, Chapitre 2.4, Chapitre 2.5, Chapitre 2.6
Chapitre 3.1, Chapitre 3.2, Chapitre 3.3, Chapitre 3.4
Chapitre 4.1, Chapitre 4.2, Chapitre 4.3, Chapitre 4.4, Chapitre 4.5
Chapitre 5.1, Chapitre 5.2, Chapitre 5.3, Chapitre 5.4, Chapitre 5.5, Chapitre 5.6, Chapitre 5.7
Chapitre 6.1, Chapitre 6.2, Chapitre 6.3, Chapitre 6.4, Chapitre 6.5
Chapitre 7.1 et 7.2, Chapitre 7.3, Chapitre 7.4
7. 5) « Augmenter les salaires et réduire les inégalités salariales dans l’entreprise »... mais sans anticiper les réactions des capitalistes ?
Les rappels suivants sont indispensables : « Un salarié au SMIC gagne à peine plus que le seuil de pauvreté. 60 % de ces salariés sont des femmes souvent employées à temps partiel. À l’autre bout de la hiérarchie, les revenus de certains PDG sont indécents. À poste et qualification équivalents, les femmes sont toujours moins payées que les hommes. Et la maternité reste le plus souvent un "risque" pour leur carrière. Dans ces conditions, plus de 700 000 femmes sont empêchées d’accéder à l’emploi, alors qu’elles le souhaiteraient. C’est une injustice pour elles et une atteinte au principe d’égalité. » Et il est juste de vouloir « porter immédiatement le SMIC mensuel à 1 400 euros nets », « punir sévèrement le non-respect de l’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes » (dommage cependant que le programme AEC ne précise pas le montant de l’amende qu’il propose, d’autant que, dans la plupart des cas comparables, comme l’obligation d’embaucher 6% des personnes handicapées, les entreprises n’hésitent pas à violer la loi, quitte à payer les petites amendes prévues) ; « créer dans l’entreprise une commission de contrôle salarié sur l’égalité entre les femmes et les hommes » (tout ce qui va dans le sens du contrôle des patrons par les salarié-e-s est bon à prendre) ; « revaloriser le traitement des fonctionnaires » (mais dommage de ne pas revendiquer ici l’augmentation du point d’indice et l’intégration des primes dans le traitement)...
En revanche, nous ne voyons pas à quoi servirait d’« organiser une conférence sociale pour revaloriser en matière de salaires, de conditions de travail et de parcours professionnels les métiers occupés majoritairement par des femmes dans les secteurs du soin, du lien et du contact » : dans ces secteurs en particulier, c’est à l’État d’interdire la précarité, le temps partiel imposé, les amplitudes souvent délirantes de la journée de travail et les qualifications requises, synonymes de salaires minimum obligatoire dans la branche. Par ailleurs, l’État lui-même est le plus gros employeur dans ce secteur, à travers la Fonction publique hospitalière et la Fonction publique territoriale, et il a donc le pouvoir d’augmenter les traitements insuffisants.
De plus, nous ne sommes pas pour « augmenter la représentation des salariés dans les conseils d’administration » des entreprises privées (la question est différente dans le public, mais il ne s’agit pas de cela ici). En effet, les CA ont une fonction de gestion de l’entreprise et ce n’est pas aux salariés de le faire, car ils/elles n’ont pas à forger leurs propres chaînes d’exploitation ! Cela ne peut que nuire à la conscience de classe en augmentant l’illusion selon laquelle les profits de l’entreprise seraient l’affaire de tous, alors qu’ils reviennent évidemment aux patrons (même quand une petite partie du salaire prend la forme fallacieuse de la « participation »). Ce qu’il faut demander, c’est l’accès libre à l’information sur les délibérations des CA, sur les comptes et sur tous les documents de l’entreprise. Sauf évidemment s’il s’agit d’entreprises publiques (et par ailleurs de coopératives), auquel cas les salarié-e-s doivent participer le plus possible à la gestion, car il en va alors en principe de l’intérêt commun : nous sommes contre la cogestion, mais pour l’autogestion !
Enfin, le programme AEC tient à proposer aussi des mesures concernant les rémunérations des cadres supérieurs et des capitalistes. C’est logique de son point de vue, puisqu’il ne veut pas en finir avec le capitalisme. Nous-même pourrions toujours nous réjouir de mesures qui amputeraient réellement les revenus des riches et réduiraient les inégalités : « fixer un salaire maximal autorisé pour limiter l’écart de 1 à 20 entre le salaire le plus bas et le salaire le plus haut dans une entreprise » (c’est déjà énorme, mais cela ne concerne en fait que les salarié-e-s, donc des cadres supérieurs, et non les propriétaires des entreprises, c’est-à-dire les capitalistes proprement dits), « interdire les parachutes dorés et les retraites chapeaux », « supprimer les stock-options » ; « plafonner les versements de dividendes aux actionnaires en limitant la part des bénéfices qui leur est distribuée à la part versée aux employés » (cette mesure n’est cependant pas claire : s’agit-il de partager les bénéfices à égalité entre actionnaires et employé-e-s ?)... Simplement, nous ne croyons absolument pas à ces mesures, car si elles étaient effectivement mises en place, si les profits étaient réellement amputés, les capitalistes retireraient immédiatement leurs capitaux pour aller les investir ailleurs. En n’anticipant pas cela et en disant pas comment il y ferait face (alors que cela impliquerait concrètement des centaines de fermetures d’entreprises et de gigantesques plans de licenciements), le programme AEC fait preuve une fois de plus d’une grande naïveté. C’est vrai aussi d’ailleurs des augmentations de salaires proposées au début du point, quoique de manière moins immédiate : voir à ce sujet le point 1 du chapitre 6. Ici comme ailleurs, des réformes radicales, si elles étaient effectivement décidées, poseraient rapidement la question de passer à une véritable révolution... ou à la capitulation.