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    Chapitre 8.1 : " Mettre fin au pillage économique de la Nation"

    La Tendance CLAIRE a décidé d’ "appeler à voter pour Jean-Luc Mélenchon tout en menant bataille contre les impasses réformistes de son programme" (https://tendanceclaire.org/article.php?id=1705). C’est pourquoi nous proposons une analyse critique du programme de l’Union populaire.

    Billets précédents :

    Chapitre 1.1, Chapitre 1.2, Chapitre 1.3, Chapitre 1.4, Chapitre 1.5, Chapitre 1.6

    Chapitres 2.1 et 2.2, Chapitre 2.3, Chapitre 2.4, Chapitre 2.5, Chapitre 2.6

    Chapitre 3.1, Chapitre 3.2, Chapitre 3.3, Chapitre 3.4

    Chapitre 4.1, Chapitre 4.2, Chapitre 4.3, Chapitre 4.4, Chapitre 4.5

    Chapitre 5.1, Chapitre 5.2, Chapitre 5.3, Chapitre 5.4, Chapitre 5.5, Chapitre 5.6, Chapitre 5.7

    Chapitre 6.1, Chapitre 6.2, Chapitre 6.3, Chapitre 6.4, Chapitre 6.5

    Chapitres 7.1 et 7.2, Chapitre 7.3, Chapitre 7.4, Chapitre 7.5, Chapitres 7.6 et 7.7, Chapitre 7.8, Chapitre 7.9, Chapitre 7.10

    Le chapitre 8, intitulé « Partage des richesses », propose des mesures typiques de la gauche keynésienne, visant à limiter les profits des capitalistes (points 1 à 6) et en redistribuer une partie à l’économie sociale et solidaire (point 7) et à ceux et celles qui en ont le plus besoin : pauvres, jeunes, mal logé-e-s... (points 8 à 10). Comme révolutionnaires, nous soutenons bien sûr toute mesure qui prend aux capitalistes et aux riches pour améliorer la situation des plus mal défavorisé-e-s. Toutefois, nous avons un désaccord stratégique avec l’axe général de cette politique, car elle ignore ses conséquences inévitables : les capitalistes ne se laisseront pas faire, mais retireront leurs capitaux pour éviter la chute de leur taux de profit ; cela entraînera donc très rapidement des fermetures d’entreprises, des licenciements, etc., qui saperont les effets attendus de la politique redistributive. En fait, sans une politique de confiscation pure et simple de ces capitaux, de blocage des mouvements de fonds et d’expropriation d’entreprises, à commencer par les plus grandes, en un mot sans une politique révolutionnaire appuyée sur la mobilisation massive des travailleur/se-s, cette politique keynésienne est vouée à l’échec.

    8. 1) « Mettre fin au pillage économique de la Nation »... ou se contenter principalement de mesurettes qui n’empêcheront pas le grand capital de continuer à nuire ?

    Nous partageons l’indignation du programme AEC : « Infrastructures, services publics, fleurons industriels ou technologiques, industries de souveraineté : combien de privatisations à vil prix, de partenariats abusifs, d’ouvriers au savoir-faire inestimable jetés dans la précarité ? Ces biens publics nous appartiennent à tous. Pour l'intérêt général, ils doivent être protégés par la loi. » Dès lors, la « mesure clé » est de « revenir sur les privatisations (aéroports, autoroutes, Française des Jeux, etc.) ». Oui, mais pourquoi une liste aussi restreinte ? Il est paradoxal de commencer par rappeler l’ampleur des privatisations depuis 40 ans (sans même préciser qu’elles ont été faite aussi bien par les gouvernements droite que par ceux de « gauche », le gouvernement PS-PCF-Verts de Jospin détenant à cet égard un record en termes d’actifs privatisés !) et de ne vouloir renationaliser que les trois plus récentes ! Au contraire, il faut renationaliser l’ensemble des grandes entreprises qui ont été privatisées : la SNCF, Orange, Air France, Suez, les grandes banques et compagnies d’assurance...

    Certes, le programme AEC ajoute qu’il faut « rendre effectif le droit de réquisition des usines et entreprises d’intérêt général par l’État », mais la « réquisition » n’est pas la nationalisation, puisqu’elle suppose une intervention éphémère de la puissance publique qui maintient la propriété privée. Au contraire, un gouvernement qui voudrait avoir réellement en mains les principaux outils de l’économie devrait imposer la nationalisation des grandes entreprises stratégiques, à commencer par celles du CAC 40.

    Les mesures suivantes sont encore plus timides, loin de pouvoir engager une véritable rupture avec les politiques actuelles : « Décréter un moratoire sur les partenariats publics-privés (PPP), auditer ceux en cours et abroger les dispositions législatives les permettant » ; « Créer une mission spéciale dressant le bilan des faveurs fiscales, des privatisations et des abandons de fleurons comme Alstom, Alcatel, EADS depuis trois décennies, permettre la mise en examen et la détention préventive des suspects » ; « Poursuivre les atteintes au patrimoine industriel français faisant partie des "intérêts fondamentaux de la Nation", comme le prévoit le Code pénal ». Moratoire, mission spéciale, poursuites judiciaires... En quoi cela peut-il vraiment inquiéter les grandes entreprises capitalistes ?

    En revanche, la mesure proposant d’« interdire les licenciements boursiers et économiques par les entreprises qui versent des dividendes ou bénéficient des aides de l’État » est très intéressante ! Car en tout rigueur, cela reviendrait à interdire les licenciements dans toutes les entreprises du CAC 40 (qui font chaque année beaucoup de profits), dans presque toutes les sociétés par actions (qui versent évidemment pour la plupart des « dividendes » à leurs actionnaires, sans quoi ceux-ci revendraient leurs parts !) et plus généralement dans de très nombreuses entreprises (qui touchent des aides de l’État à travers le CICE, les exonérations de charges compensées par l’État, etc.). Mais cela veut dire aussi qu’une telle mesure reviendrait en réalité à mettre en cause profondément la propriété privée, en déniant aux patrons le droit de gérer leurs entreprises selon une logique de profit. Là encore, il est évident que les capitalistes ne pourraient pas accepter une telle mesure sans réagir, car cela les priverait de la variable d’ajustement qui leur permet aujourd’hui d’adapter l’échelle de leur production aux impératifs du marché. Peut-être viable à court terme, une telle mesure conduirait donc nécessairement à un affrontement majeur avec les capitalistes, surtout en cas d’aggravation de la crise économique actuelle.

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