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    Chapitre 6.4: "En finir avec l’abandon des Outre-mer"... ou refuser la persistance de leur situation néocoloniale et laisser les peuples s’autodéterminer ?

    Par Luc Raisse (21 mars 2022)
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    La Tendance CLAIRE a décidé d’ "appeler à voter pour Jean-Luc Mélenchon tout en menant bataille contre les impasses réformistes de son programme" (https://tendanceclaire.org/article.php?id=1705). C’est pourquoi nous proposons une analyse critique du programme de l’Union populaire.

    Billets précédents :

    Chapitre 1.1, Chapitre 1.2, Chapitre 1.3, Chapitre 1.4, Chapitre 1.5, Chapitre 1.6

    Chapitres 2.1 et 2.2, Chapitre 2.3, Chapitre 2.4, Chapitre 2.5, Chapitre 2.6

    Chapitre 3.1, Chapitre 3.2, Chapitre 3.3, Chapitre 3.4

    Chapitre 4.1, Chapitre 4.2, Chapitre 4.3, Chapitre 4.4, Chapitre 4.5

    Chapitre 5.1, Chapitre 5.2, Chapitre 5.3, Chapitre 5.4, Chapitre 5.5, Chapitre 5.6, Chapitre 5.7

    Chapitre 6.1, Chapitre 6.2, Chapitre 6.3

    6. 4) « En finir avec l’abandon des Outre-mer »... ou refuser la persistance de leur situation néocoloniale et laisser les peuples s’autodéterminer ?

    Le programme AEC constate que « les Outre-mer sont maintenus dans un système de dépendance économique et de mal développement, générateur de pauvreté et d’inégalités. Les habitants subissent le recul des services publics, les retards accumulés en matière d’investissements publics, le poids des situations d’oligarchie ou de monopoles dans l’économie, et les effets durables des pollutions comme celles dues au chlordécone. » Mais ce constat n’est pas expliqué par la situation néocoloniale de ces territoires, qui pourtant persiste. Dès lors, il s’agirait de leur faire bénéficier enfin des principes et des acquis de la « République » française : « Nous refusons une telle rupture d’égalité. Au contraire, la République doit vivre partout et pour tous ! » Dans ce cadre, la « mesure clé » serait d’« engager un plan pluriannuel d’investissement et de développement des services publics (transports, éducation, santé, logement, culture), dont la possibilité a été dessinée dans les propositions des mouvements sociaux notamment en Guyane et à Mayotte », d’« assurer la continuité territoriale (desserte de service public à tarifs réglementés) et le désenclavement intraterritorial (en Guyane notamment) et extraterritorial », de « garantir l’accueil scolaire et la santé publique gratuite pour tous », de « mettre en place un encadrement des prix sur les produits de première nécessité pour lutter contre la vie chère ». Toutes ces mesures relèvent certes en elles-mêmes de bonnes intentions, mais elles occultent la question de savoir si les populations des territoires concernés veulent ou non rester dans le cadre de la République française et la façon dont elles souhaiteraient éventuellement lui rester associées. Autrement dit, le droit à l’autodétermination, jusqu’au droit à l’indépendance, n’est pas reconnu par le programme AEC.

    Pourtant, deux mesures montrent bien qu’il a conscience de la situation particulière de ces territoires : « soutenir l’enseignement des langues et des cultures d’Outre-mer, et intégrer dans les programmes scolaires nationaux, en France hexagonale et Outre-mer, l’enseignement de l’histoire des Outre-mer » et « instaurer un principe de faveur de manière à garantir 50% de recrutements locaux dans tous les corps de la fonction publique ». Mais comment cela se justifie-t-il, sinon par le fait que les langues et cultures des « outre-mer » restent dominées, invisibilisées, souvent même niées ? Et comment se fait-il que les agents de l’État viennent majoritairement de l’« hexagone », tandis que tant de travailleur/se-s natif/ve-s d’« outre-mer » doivent au contraire venir travailler en France ? Le programme en dit trop (de son point de vue « républicain ») ou trop peu – du point de vue de la situation coloniale des « territoires d’outre-mer ».

    On peut pourtant consulter, par exemple, la revue Asylon(s).Digitales n° 11, dont le titre est Quel colonialisme dans la France d’outre-mer ? (mai 2013), regroupant une quinzaine d’articles d’universitaires et chercheur/se-s en sociologie ( Sous la direction de Marc Bernardot, Patrick Bruneteaux, Ulrike Zander, http://www.reseau-terra.eu/rubrique286.html). Dans l’introduction, les responsables du numéro annoncent que celui va décrire et expliquer des situations « faisant penser à l’Afrique du Sud, mais qui sont largement ignorés ou déniés dès lors que l’on s’invite de l’autre côté du miroir de "la patrie des droits de l’homme". [...] Ce numéro d’Asylon(s) plonge dans les coulisses du "colonialisme" français. Un colonialisme "post-colonial", autrement dit un néocolonialisme encastré dans la démocratie libérale ("départementalisation") et les droits sociaux, dans la "reconnaissance" culturelle et les commémorations, dans l’autonomie politique et l’affirmation des spécificités de la vie locale, mais un colonialisme qui, dans ses grandes composantes structurales, n’a guère changé depuis le colonialisme de la République impériale. Des groupes socio-raciaux quasi-identiques, comme réifiés dans une structure "coloniale" qui ne passe pas, se reproduisent ainsi dans l’ensemble des zones "ultra-marines" de la France, de la Caraïbe à la Nouvelle-Calédonie en passant par la Réunion, la Guyane ou Tahiti : les structures économique et politique demeurent proche du modèle de jadis où l’essentiel tient dans les mots "dépendance" et "sous-développement organisé", "conflits raciaux" et "souffrances identitaires" avec quelques variations tenant aux types de colonisation. » La situation coloniale persiste car « les formes de domination [sont] sédimentées dans les structures économiques, les formats politiques et la déclinaison raciale des groupes sociaux ». En particulier, « la matrice socio-historique de l’esclavage et des inégalités structurelles socio-raciales continue d’œuvrer dans les structures comme dans les habitus, et ce, d’autant plus que certains groupes sociaux se maintiennent quasiment en l’état ». Ainsi, les « traits les plus saillants de la situation coloniale » se retrouvent « dans l’existence d’une "minorité européenne" dominant une "majorité indigène de civilisation différente" et qui atteint rarement les 5 % de la population dans ce qui se nomme bureaucratiquement "l’ultra-marin" dans la novlangue de Bruxelles et celle des technocrates français ». Bien sûr, il y a une « configuration spécifique du colonialisme français, à la fois marqué par les processus de décolonisation (recul du racisme, démocratisation, autonomisation politique) et le maintien de cadres politiques, économiques et sociaux traversés par les anciennes logiques de domination « métropolitaine » (économie agricole tournée vers la métropole, maintien du rattachement politique, dépendance financière, acculturation) ». En un mot, cette revue « se propose de formuler l’hypothèse d’un cadre colonial persistant mais largement transformé tant du fait des accommodements imposés par la délégitimation de la domination directe des colonies que du maintien plus subtil des cadres de fonctionnement colonial ».

    Il ne suffit certes pas d’une seule revue universitaire pour régler la question, mais il est pour le moins problématique que le programme AEC ne se la pose même pas.

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