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Chapitre 6.3 : "Faire passer la santé d’abord et reconstruire les établissements de santé publics, notamment les hôpitaux"

La Tendance CLAIRE a décidé d’ "appeler à voter pour Jean-Luc Mélenchon tout en menant bataille contre les impasses réformistes de son programme" (https://tendanceclaire.org/article.php?id=1705). C’est pourquoi nous proposons une analyse critique du programme de l’Union populaire.

Billets précédents :

Chapitre 1.1, Chapitre 1.2, Chapitre 1.3, Chapitre 1.4, Chapitre 1.5, Chapitre 1.6

Chapitres 2.1 et 2.2, Chapitre 2.3, Chapitre 2.4, Chapitre 2.5, Chapitre 2.6

Chapitre 3.1, Chapitre 3.2, Chapitre 3.3, Chapitre 3.4

Chapitre 4.1, Chapitre 4.2, Chapitre 4.3, Chapitre 4.4, Chapitre 4.5

Chapitre 5.1, Chapitre 5.2, Chapitre 5.3, Chapitre 5.4, Chapitre 5.5, Chapitre 5.6, Chapitre 5.7

Chapitre 6.1, Chapitre 6.2

6. 3) « Faire passer la santé d’abord et reconstruire les établissements de santé publics, notamment les hôpitaux » : tout est juste ici... mais rien n’est dit de la médecine privée

Nous sommes d’accord avec presque tout ce qui est dit dans ce point : « Notre système de santé a longtemps été le meilleur au monde. Mais l’austérité et la marchandisation le disloquent. Il n’est plus en mesure de faire face à la multiplication des maladies chroniques et aux épidémies. Nous devons déployer une politique de soins, de prévention et de santé publique capable de prévenir, de soigner tout le monde et d’en respecter les acteurs. » La « mesure clé » est de « reconstruire le service public hospitalier et instaurer le "100 % Sécu" en remboursant à 100 % les soins de santé prescrits et en intégrant les mutuelles dans la Sécurité sociale ». Il est juste aussi de vouloir « réouvrir des services d'urgences, de maternités et des EHPAD publics assurant un service de santé public de proximité à moins de trente minutes de chaque Français » (sans oublier cependant les étrangers résidant en France !) ; « supprimer la tarification à l’acte, revenir à la dotation globale de fonctionnement ainsi que sur les suppressions de lits et de personnels » ; « engager un plan pluriannuel de recrutement des professionnels du soin et du médico-social (médecins, infirmiers, aides-soignants et personnels administratifs), revaloriser les métiers et les revenus et augmenter les capacités d’accueil des établissements de santé publics, notamment les hôpitaux » ; « actionner tous les leviers pour combattre les déserts médicaux : recrutement de médecins publics, augmentation des moyens des facultés de médecine pour permettre une véritable suppression du numerus clausus, mobilisation de la médecine libérale et hospitalière, coopératives médicales, etc. » ; « faire du plan national santé environnement (PNSE) un moyen d’éradiquer les maladies chroniques liées à la malbouffe et à l’exposition aux pollutions, notamment dans un cadre professionnel (pesticides, radioactivité, amiante, produits chimiques) » ; « mettre fin à l’épidémie de VIH en France par un grand plan national de dépistage et de traitement » ; « créer des réseaux de centres de santé pluridisciplinaires publics en lien avec les hôpitaux publics pour combler les déserts médicaux » ; « faire un grand plan pour la santé mentale qui renforcera les réseaux de CMP (centres médico-psychologiques), permettra le suivi psychologique ambulatoire par le conventionnement de professionnels, augmentera le nombre de places en faculté de médecine dans la filière psy et, dans un premier temps, rouvrira des lits de psychiatrie publics » ; « protéger la recherche de la finance et supprimer l’influence des entreprises privées dans les activités médicales et hospitalières ».

Mais cette dernière mesure est vague et concentre à elle seule la limite du programme AEC : qu’est-ce que « l’influence des entreprises privées dans les activités médicales et hospitalières » ? S’il s’agit des cliniques privées, il est étonnant, voire insensé de n’en rien dire dans un programme politique quand on entend diriger le pays ! En effet, on compte en France plus de 1000 cliniques et hôpitaux privés à but lucratif, représentant 25% des capacités d’hospitalisation. Leur chiffre d’affaires cumulé s’élevait à 16 milliards d’euros en 2019, soit 15,8 millions par clinique en moyenne et un taux de rentabilité net de 2,4% (avec bien sûr de fortes disparités). Or ces cliniques sont financées non seulement par les patients qui ont les moyens de payer plus que les tarifs de base de la Sécurité sociale, mais aussi par la Sécurité sociale et les mutuelles (à travers les mécanismes de remboursement). Est-il juste de laisser des capitalistes, médecins ou pas, s’enrichir ainsi sur le dos de la collectivité ? S’ils veulent gagner de l’argent, qu’ils le fassent, mais sans compter sur l’argent socialisé des travailleur/se-s : que les riches et leurs assurances privées se débrouillent ! Si ces établissements privés craignent alors de n’être plus rentables, qu’ils intègrent sans conditions le servie public hospitalier. D’ailleurs, 26% des établissements privés à but lucratif sont déjà déficitaires : il faut leur proposer d’être intégrés dans le service hospitalier public en échange de l’effacement de leur dette. Cela contribuerait à satisfaire une partie des revendications énoncées par le programme AEC...

D’autre part, on peut considérer (même si le programme AEC ne le fait pas, évitant là encore la question !) que « les entreprises privées dans les activités médicales » désignent aussi les professions libérales. On sait que ce statut est massivement utilisé dans le domaine de la santé (en particulier, 57% des médecins sont des libéraux – 50 % des spécialistes et 66 % des généralistes –, 45 % le sont exclusivement et 12 % cumulent des activités salariée et libérale). Or, au-delà même du manque absolu de médecins en France à cause du strict numerus clausus maintenu pendant des années, l’hégémonie du statut libéral participe à la création des déserts médicaux et au maintien des inégalités territoriales en général. Si l’on veut vraiment lutter contre cela, il est donc nécessaire que la politique de santé publique privilégie la mise en place de structures publiques, avec des médecins fonctionnaires, de bons salaires et des horaires de travail attractifs, dans tous les endroits où il n’y en a pas assez de médecins (c’est-à-dire non seulement les zones rurales, comme on y pense en général, mais aussi les quartiers populaires des grandes villes, à commencer par ceux où habitent les deux tiers de la région Île-de-France, le 93 étant l’un des départements les moins bien dotés du pays). En n’abordant pas cette question des professions libérales, le programme AEC n’apporte une solution trop imprécise au problème des déserts médicaux.

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