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Actu’Ukraine
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
http://www.les-crises.fr/actuukraine-1102/
Les semaines passées ont été riches en événements en Ukraine et ceux-ci se précipitent à l’heure actuelle.
Mi janvier, la guerre a brusquement repris faisant suite à une longue période où le cessez-le-feu décrété en septembre n’a jamais vraiment été respecté. Toutefois, là où les forces de l’armée régulière étaient à l’offensive cet été, ce sont les forces armées de Novorussie qui se lancent dans une contre-offensive majeure (Donestk, Marioupol, Debatselvo, Lougansk,…). Parallèlement, les tensions internationales montent.
Suite à ses derniers revers militaires à Donetsk et Debastlevo (qui menacent de se transformer à nouveau en défaite majeure), le régime de Kiev fait face à des dissensions internes et une désobéissance civile massive consécutive à la dernière vague de mobilisation décrétée mi-janvier.
Il est tentant de voir dans le chaos ambiant une aggravation de la situation menaçant d’échapper à tous contrôles. Cependant, si on prend un peu de hauteur, au-delà des vociférations, des angoisses et des pleurs, il se dessine une possibilité de sortie de crise.
Les angoisses de Mikhaïl Gorbatchev sur une éventuelle guerre mondiale est le reflet d’un homme qui, en tant que dirigeant de l’URSS, a été confronté plusieurs fois à la possibilité d’un apocalypse nucléaire. La lettre des survivants de Stalingrad (FortRuss) est celle d’hommes qui ont combattu le nazisme au faîte de sa puissance et qui le voit à présent ressurgir. Quant aux déclarations va-t-en-guerre et les positions extrêmes de ces derniers jours, d’où qu’elles viennent (Independent, New York Times, Pravda,FortRuss, Brookings), prenons les pour ce qu’elles sont en définitive : des tentatives désespérées de ceux qui les prononcent pour ne pas être les seuls perdants de cette guerre civile. et ce aussi bien dans les domaines politiques et économiques.
De manière générale, il semble que l’UE et, dans une moindre part, les USA se montrent plus modérés sans vouloir pour autant se désavouer. C’est avec ce filtre en tête qu’il convient de faire le tri, dans ce qui se dit ici et là, ce qui est vraiment du domaine de la décision étatique et ce qui est du jeu politique interne, de la posture géopolitique voire du pur brassage d’air. Deux exemples les marquants sont l’argument de l’”invasion russe” et l’armement de l’armée ukrainienne par les USA.
Commençons par l’”invasion russe”
Cela fait des mois que l’Ukraine affirme sans preuves que l’armée russe a envahi l’Ukraine à la fois pour justifier les moyens employés (bombardements massifs des villes, destruction des infrastructures et de l’industrie,…) et pour tenter d’entrainer l’OTAN dans la guerre civile qui déchire le pays. Cela fait des mois que les USA se servent de ces allégations (sans les prouver malgré tous les moyens d’observation dont ils disposent a priori) pour justifier des sanctions individuelles puis économiques et politiques (Sputnik News) contre des citoyens russes ciblés et contre la Russie, jusqu’à déclencher une vraie guerre économique contre elle (spéculation contre le rouble, dégradation de la note de la Russie, menace de déconnection de SWIFT).
L’argument, à l’évidence, ne fait plus vraiment recette
Le président ukrainien, Porochenko, affirmait encore le 21 janvier, au forum économique mondial de Davos, qu’il y avait 9000 soldats russes et 500 chars en Ukraine (Dailymotion, Romandie). Le 27 janvier, le parlement Ukrainien (la Rada) déclarait la Russie “état agresseur” et les républiques de Donetsk et Lougansk “organisations terroristes” (UNIAN, Pravda). Le même jour le chef du Allied Land Command (LANDCOM) de l’OTAN, le général américain Hodges (Stripes) déclarait “on ne vous donnera rien (pas de preuves), si vous croyez pas qu’il y a une invasion russe c’est que vous voulez pas y croire …” (Youtube).
A peine deux jours plus tard, l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) prenait ses distances avec les propos de Porochenko et de Hodges (VZ) et le 28 janvier, l’APCE refusait de reconnaître les deux républiques comme organisations terroristes (Sputnik News), même s’il supprimait le droit de vote de la Russie jusqu’à avril 2015, ce à quoi la Russie a répondu en suspendant sa présence à l’APCE pour toute l’année 2015. La victoire de Syriza en Grèce a aussi évité la prise de décision de nouvelles sanctions intra UE prônées par Donald Tusk, le président de l’UE. Seules des sanctions déjà votées ont été prolongées, sans doute pour ne pas faire perdre la face aux uns et ne pas déclencher une crise qui rendrait toute discussion sur la dette de la Grèce beaucoup plus compliquée…
Le 31 janvier, c’est le chef d’état-major ukrainien lui-même qui, lors d’une déclaration à la télé ukrainienne (Youtube), tout en parlant de volontaires russes dans les rangs des milices des républiques de l’est, semblait sous-entendre qu’il n’y avait pas de troupes régulières russes en Ukraine. Ces propos, même s’ils sont sujets à controverse, ont été largement repris par les médias russes internationaux (Sputnik News ) sans déclencher une avalanche de démentis en rapport avec l’importance et la diffusion faite de ces propos.
L’autre exemple est celui de la fourniture d’armes “létales” à l’Ukraine
Les USA récemment ont voté une loi leur permettant d’armer tous les pays d’europe de l’est, y compris l’Ukraine. Cette intention a été réaffirmée dernièrement pour l’Ukraine (New York Times). Londres, Paris et Berlin se sont tout à tour désolidarisées des USA et déclarées qu’elles ne fourniraient pas d’armes. Les USA et le Canada apparaissent donc isolés dans leur démarche. Le fait est que ce n’est pas les armes qui gagnent les guerres, mais les hommes. Et dans ce domaine, même si l’Ukraine à sur le papier l’avantage numérique, elle n’a pas en revanche l’avantage en termes de qualité et de détermination. En effet, l’armée ukrainienne a subi deux défaites importantes l’été dernier et est en passe d’en subir une autre majeure à Debastlevo. Ses pertes militaires, humaines et matérielles, sont énormes. Pour ce qui est du matériel, l’Ukraine puise encore dans le vaste arsenal soviétique positionné dans le pays du temps de la guerre froide dans la prévision d’une guerre en Europe. En ce qui concerne les hommes, les pertes sont compensées par des recrues peu entrainées et peu motivées qui se retrouvent face à des troupes novorusses aguerries et déterminées à défendre leur sol. Le résultat est tristement sans surprises. Les offensives ukrainiennes se terminent par des carnages comme lors de la tentative de reconquête de l’aéroport de Donetsk et les défenses ukrainiennes sont démoralisées et paniquées par les pilonnages précis de l’artillerie novorusse. Ce qui sauve encore l’armée ukrainienne de la rupture totale du front est que les novorusses économisent leurs troupes. Quand l’Ukraine perd un soldat de l’armée régulière, elle perd généralement un homme mobilisé de force, résigné, peu formé et peu motivé. Quand les républiques de Donetsk et Lougansk perdent un soldat, elle perdent un volontaire aguerri et déterminé. Dans leurs déclarations publiques, les leaders des républiques de Donetsk et Lougansk réitèrent leurs désirs de trouver une issue au conflit qu’ils qualifient de “fratricide” (Youtube). A noter que c’est aussi le moment que choisi RT de publié une étude des renseignements allemands indiquant que les pertes en vies humaines dans cette guerre ne sont pas de 5000 environ, mais plutôt de 50 000 (http://rt.com/news/230363-ukraine-real-losses-german-intelligence)…
Le fait que ce soit les républiques qui aient le dessus sur l’armée ukrainienne est en soi un facteur d’espérance. Le massacre s’arrêtera lorsque l’Ukraine en aura assez…
Ce qui semble être de plus en plus le cas…
La mobilisation décrétée en Ukraine en janvier 2015 est un échec total. Près de 80% des appelés se dérobent. Des milliers, voire des dizaines de milliers d ‘entre eux fuient le pays et se réfugient en masse en Russie. En effet, si la Russie a récemment facilité les conditions de séjour en Russie pour les Ukrainiens, en Pologne en revanche, le gouvernement refuse d’accorder le statut de réfugiés à ceux qui fuient la mobilisation et les combats (VZ). Ceci est une preuve que l’hystérie anti-russe du gouvernement est le fait d’une minorité.
Le gouvernement de Kiev a répliqué à cette désobéissance civile par la fermeture des frontières pour les hommes en age de se battre. Ce à quoi, la Hongrie et la Tchéquie ont indiqué de leur côté que les ukrainiens des minorités hongroises ou tchèques n’étaient pas “concernés” par la guerre civile en cours sur un fond d’accusations de “sur-mobilisation” de ces minorités par Kiev.
Face au durcissement du gouvernement, la résistance à la mobilisation se durcit également. Là, où l’été dernier, les mères/femmes/sœurs se contentaient de brûler les papiers de mobilisation en public, à présent des villages entiers chassent de force les recruteurs (FortRuss) où les conspuent dans les réunions publiques (FortRuss). La population en a clairement assez de la guerre civile.
Certains oligarques aussi, et c’est nouveau, se désolidarisent du “parti de la guerre” jusqu’à proposer un référendum (FortRuss) dont l’issue, au vu du résultat de la mobilisation, ne fait aucun doute. Ils ont sans doute mal pris que l’un d’entre eux ait été arrêté, même temporairement, pour activité anti-ukrainienne (la fourniture d’aide humanitaire pour les régions de l’est). Ils voient sans doute dans l’agitation anti-gouvernementales de certains bataillons de la garde nationale (Aidar en particulier) une menace pour leur position même et surtout leur pouvoir régional. Même si ces bataillons ont été au départ financés par les oligarques pour leur servir de garde prétorienne ou d’armée privée, ils risquent de devenir incontrôlables et se retourner contre eux. A cela s’ajoute le spectre de l’écroulement économique total du pays qui pourrait voir la population se retourner contre ces mêmes oligarques. Il faut noter à ce sujet que la devise ukrainienne a, le 5 février, perdu plus de 45% de sa valeur en une journée face au dollar.
La conjonction des ballets diplomatiques et de la conférence de Munich
C’est dans ce contexte que se déroule depuis quelques jours des entretiens diplomatiques à géométrie variable entre américains et ukrainiens (sans les européens), européens et ukrainiens (sans les américains) et enfin européens et russes (sans les américains à nouveau). L’heure est sans doute à la recherche d’une solution négociée où il faudra trouver une sortie honorable pour les USA, faire accepter une défaite définitive pour Kiev et assurer une véritable paix dans la région. L’échec du cesser-le-feu de septembre 2014 est là pour rappeler que, sans acceptation d’un règlement politique clair accepté par tous, Kiev ne tiendra pas ses promesses et cherchera à nouveau à se réarmer et repartir à l’assaut de Donetsk et Lougansk.
Parallèlement, Munich accueille du 6 à 8 février la conférence annuel sur la sécurité (MSC) dont le pitch du rapport préliminaire (Rapport MSC) est très parlant d’une crise bien plus large que celle de l’Ukraine :“Collapsing Order, Reluctant Guardians?” (Effondrement de l’Ordre, Gardiens Réticents?). Les participants sont très majoritairement occidentaux et atlantistes (Allemagne: 179, USA et Canada : 103, Royaume Uni : 30, France : 13, Ukraine : 7,…) Avec quelques Russes (17) et Asie/Afrique (7). Le ton est donc plutôt anti-russe avec des éffets de manche dont Porochenko a seul le secret (après le morceau de bus criblé d’éclats montré à Davos, voici les passeports de soldats russes) (RT) , ce qui n’a pas empêché le ministre des affaires étrangères russe de faire un discours (RT, transcript en anglais par FortRuss) qui fera date…
A l”heure où s’écrivent ces lignes, dimanche 8 février 2015, il n’y a plus de place pour le bluff et les cartes sont sur la table. Nous sauront bientôt si elles seront jouées pour la paix ou la guerre.