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La colère des sinistrés de l’assaut de Saint-Denis
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
"On vit comme des clochards !" : la colère des sinistrés de l'assaut de Saint-Denis
POLÉMIQUE - Les 29 familles qui vivaient dans l'immeuble de la rue du Corbillon, à Saint-Denis, où le Raid et la BRI sont intervenus la semaine dernière contre des terroristes, sont toujours logées dans un gymnase de la ville. Elles se disent abandonnées par l'Etat.
Ils passeront lundi soir leur sixième nuit d'affilée au milieu des cages de football, sur des lits de camp installés dans le gymnase Maurice-Baquet de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), où ils sont réfugiés depuis que le Raid a donné l'assaut sur leur immeuble qui servait de planque à des terroristes. "Il fait froid et il n' y a même pas assez de couvertures pour tout le monde. On vit comme des clochards !", s'emporte Sabrine, 22 ans, en train de boire un café devant le bâtiment municipal, où les journalistes sont persona non grata - un agent de sécurité y veille - depuis une visite mouvementée du préfet délégué à l'égalité des chances du département, lundi à la mi-journée. "Il est venu nous donner un document dans lequel il nous propose encore d'être logés provisoirement à l'hôtel, sans aucun engagement concret pour la suite, nous raconte la jeune femme. On ne l'a même pas lu et on l'a tous déchiré."
A LIRE AUSSI >> Saint-Denis : les premières images de l'appartement ravagé
"On est tous sous le choc"
Les 71 personnes, dont 26 enfants, qui s'entassent dans le gymnase depuis bientôt une semaine, décrivent une situation insupportable. Les habitants de Saint-Denis ont apporté des vêtements pour venir en aide à ces naufragés des quatre bâtiments du 48, rue de la République (qui jouxtent les lieux de l'assaut, ndlr), dont certains étaient encore en tenue de nuit lorsqu'ils ont été évacués, et qui ne peuvent toujours pas accéder à leur ancien appartement. Des volontaires de la Croix-Rouge sont également là pour les soutenir. Mais à l'impasse de leur relogement s'ajoute le traumatisme de la scène de guerre qu'ils ont vécue, ces heures d'échanges de tir et d'explosions au cours desquelles ils disent avoir plusieurs fois vu la mort toute proche.
Bras de fer entre l'Etat et la ville
"On est tous extrêmement tendus, sous le choc, assure Sabrine, sous le regard approbateur d'autres sinistrés. Lorsque je couche mon enfant de deux ans, il me dit "boom boom police". Et pour cause. Elle était locataire avec son fils au deuxième étage du bâtiment C, juste en-dessous de la cache des terroristes. "Les balles sont rentrées chez moi, les murs tremblaient, puis le plafond s'est écroulé. Si on ne s'était pas réfugiés dans les toilettes, on serait morts", lâche la jeune femme, souriante malgré l'angoisse.
La municipalité communiste de Saint-Denis se plie en quatre pour leur venir en aide. Vendredi, au terme d'un âpre bras de fer, le maire Didier Paillard avait obtenu que ce soit l'Etat, et non sa ville, qui prenne intégralement en charge les habitants délogés. Mais une réunion, lundi matin à la préfecture de Bobigny, a douché ses espoirs. "L'échange avec les services de la préfecture s'est révélé impossible", a-t-il dénoncé lundi après-midi au cours d'une conférence de presse, l'Etat ne s'engageant selon lui pour l'heure qu'à reloger uniquement les habitants de la cage d'escalier où logeaient les terroristes, alors que l'ensemble de l'immeuble, déjà fortement dégradé, devrait d'après ses services être déclaré inhabitable après le violent assaut du Raid et de la BRI. Et encore, pour l'instant, aucun engagement nominatif n'a été pris pour personne.
"Nous sommes des victimes de guerre"
"Dans un premier temps nous leur avons proposé un relogement provisoire à l'hôtel, dans un second temps un appartement durable, mais cela nécessitera plusieurs semaines pour mobiliser les tous les prestataires et tous les contingents. Tout le monde doit faire des efforts", se défend sur le site du Parisien le préfet à l'égalité des chances, Didier Leschi, qui met en avant la situation extrêmement tendue du logement dans le département. Mais pour Didier Paillard, "les choses seraient déjà réglées si on était dans un arrondissement parisien ou dans une ville des Hauts-de-Seine". "Nous sommes abandonnés par l'Etat", soupire à ses côtés Widad, maman de trois enfants qui habitait le bâtiment A.
Outre l'engagement d'un relogement "sous quinze jours", le maire, qui demande "solennellement" à être reçu par Manuel Valls, exige que les 29 foyers de l'immeuble soient tous reconnue comme "victimes d'actes terroristes", et indemnisés comme tel. "Oui, nous sommes des victimes de guerre", s'emporte Djamilla, rencontrée elle aussi devant le gymnase Maurice Baquet. La sexagénaire, qui avait déjà dû quitter son logement du bâtiment D après un incendie il y a quelques années, explique "ne plus pouvoir avoir confiance" en l'Etat après les mois de galère qui s'en étaient suivis. "Nous voulons un engagement de relogement nominatif pour tout le monde, martèle-t-elle. Je suis effrayée, malade, et je veux un chez moi."