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Les manœuvres d’une caste politicienne corrompue au Brésil
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Maintenant c’est fait, le président de la Chambre des députés, Eduardo Cunha, a accepté de lancer l’examen de la demande du processus de destitution contre la présidente brésilienne Dilma Rousseff. Alors que depuis des mois la menace planait sur sa tête et que, depuis les secteurs patronaux, on essayait d’éviter ce scénario pour ne pas ajouter à la crise économique une crise politique, les manœuvres d’une caste politicienne corrompue ont abouti à cette nouvelle phase de la crise au Brésil.
Eduardo Cunha, ancien allié du Parti des Travailleurs (PT) de Dilma et Lula et membre du PMDB (Parti du Mouvement Démocratique Brésilien), qui est toujours dans la majorité gouvernementale, a décidé d’accepter la demande d’impeachment déposée par l’opposition le même jour où celui-ci s’est fait lâché par les députés du PT dans le Conseil d’Ethique du parlement. En effet, Cunha est impliqué dans des affaires de corruption, notamment de blanchiment d’argent à travers des comptes secrets en Suisse dont lui et des membres de sa famille sont propriétaires.
Pendant des mois les dirigeants du PT avaient décidé de le soutenir pour qu’il ne déclenche pas l’examen de la demande d’impeachment. A la mi-octobre, Dilma avait même procédé à un remaniement de son gouvernement en donnant davantage de poids à son partenaire centriste de coalition, le PMDB, pour entre autres essayer de s’assurer le soutien de ses députés en prévision d’un éventuel processus de destitution contre Dilma.
Le Brésil se trouve dans une situation économique très difficile. Le PIB est en chute de 4,5%, le chômage et l’inflation montent en flèche. Cette situation a été aggravée encore plus par le scandale géant de corruption qui a éclaté autour de l’entreprise nationale de pétrole, Petrobras, et des entreprises du BTP qui surfacturaient leurs services avec la complicité de responsables politiques.
L’opposition de droite et les secteurs les plus rétrogrades de la société avaient organisé des manifestations importantes dans plusieurs villes importantes du pays, sans pour autant arriver à mobiliser massivement les secteurs populaires, en grande partie en raison de leur caractère profondément antipopulaire.
Tout cela faisait craindre au patronat que l’ouverture d’une crise politique puisse empêcher le gouvernement d’avancer sur son plan d’austérité pour faire face à la crise économique.
En partie parce qu’elle n’était pas capable de canaliser les manifestants sans s’aliéner complètement des secteurs populaires qui, désenchantés par le PT, se tourneraient vers elle et d’autre part parce qu’elle devait répondre aux intérêts de classe de la bourgeoisie, l’opposition de droite avait même baissé ses ardeurs quant à la demande de destitution de Dilma.
La question qui se pose alors est : pourquoi les députés du PT ont décidé de retirer leur soutien à Cunha en sachant qu’il pouvait à son tour ouvrir le processus menant à un éventuel impeachment ? Même si les raisons ne sont pas encore très claires, on peut faire l’hypothèse que le PT a estimé que le moment était arrivé de se débarrasser du chantage de Cunha. D’une part, le processus ouvert par Cunha qui est impliqué dans des affaires de corruption lui enlève de la légitimité. D’autre part, le remaniement du gouvernement qui a donné plus de poids au PMDB laisse ouverte la possibilité que ses députés soutiennent Dilma au parlement et que Cunha et l’opposition n’arrivent pas à recueillir les 2/3 requis pour entamer la procédure d’impeachment.
Quoiqu’il en soit, la procédure d’impeachment est très longue et devra passer par plusieurs étapes avant d’aboutir… ou pas. Des milieux d’affaires commencent à exiger que le processus, quel que soit le résultat, soit rapide pour ne pas perdre de temps dans les réformes et éviter un nouvel abaissement de la note de la dette brésilienne par les agences de notation.
Dans ce contexte, nous ne pouvons que reprendre les conclusions de nos camarades du quotidien d’extrême gauche brésilien, Esqueda Diário : « nous ne sommes ni avec Dilma, ni avec la droite. Nous ne défendons pas l’ouverture d’un processus d’impeachment où les corrompus vont se juger entre eux. Ceux qui ont le plus à gagner dans ce processus d’impeachment c’est le PMDB du vice-président Michel Tremer, un parti connu par ses notables corrompus et qui n’a rien à envier sur ce plan au PT ou au PSDB [Parti Social-Démocrate du Brésil –droite]. Tout gouvernement issu d’un très peu probable impeachment serait aussi mauvais pour les travailleurs et les classes populaires que le gouvernement de Dilma qui applique l’austérité exigée par les grandes banques et patrons.
Plus que jamais ce qui est nécessaire dans le scénario politique national c’est une troisième force, qui représente les intérêts des travailleurs et de la jeunesse contre le gouvernement de Dilma et du PT de Lula et contre la droite. Cette alternative doit être forgée dans la lutte de classes à travers de l’unification des processus de résistance aux mesures d’austérité qui se sont affrontés aux différents gouvernements locaux et des différents Etats dirigés par le PT, le PSDB, le PMDB et leurs alliés. Mais il est nécessaire également d’offrir une réponse face à la crise politique, qui passe par affronter l’ensemble de la caste politique qui dirige le pays au profit d’une poignée de privilégiés. Pour cela nous défendons l’exigence d’une assemblée constituante, libre et souveraine, imposée par la mobilisation ouvrière et populaire et organisée indépendamment de l’actuel système de partis où les travailleurs et les classes populaires puissent débattre de comment faire pour que ce soient les riches qui payent la crise actuelle ».