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Grand Palais : "Les flics ont mis des paravents pour nous cacher"
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://paris-luttes.info/grand-palais-les-flics-ont-mis-des-4456
Entretien avec Paulette qui est parvenue à berner l’incroyable dispositif de sécurité mis en place autour du Grand Palais, vendredi 4 décembre et à participer avec plusieurs dizaines d’activistes au blocage de l’exposition Solutions COP21.
« Je pense que j’ai réussi à rentrer parce que j’étais habillée d’une manière assez classe et que j’avais la tête de l’emploi. Je suis rentrée dans un rôle, en fait, celui de quelqu’un qui habite plutôt dans le 5e arrondissement de Paris, les quartiers un peu bourgeois et qui n’avait pas la tête d’une militante écologiste. Mais la tête du militant écologiste était assez variée parce qu’ils ont refusé énormément de monde, des vieux, des jeunes, pas seulement ceux qui avaient des gros sarouels avec des locks quoi ! Ils ont vraiment écrémé énormément de monde. C’était très très violent à vivre, avec des Robocops qui nous regardaient et qui disaient : « Toi oui, toi non ». C’était vraiment la sensation d’être dirigés à l’abattoir. On était du bétail.
J’ai gardé mon sang froid quand j’ai été séparée de mon compagnon - parce que lui n’a pas pu entrer - et je me suis dit qu’il fallait jouer le jeu à fond. Je me suis fait fouiller trois fois, filmer, prendre en photo, avant de pouvoir accéder aux locaux du Grand Palais.
On avait l’impression qu’ils s’attendaient à une bombe, à ce que quelqu’un qui allait sortir une mitraillette…
Une fois à l’intérieur, il y avait cet aspect extrêmement propre de l’exposition. Rutilante. Il y avait plus de policiers en civil de la BAC que de public. Ils étaient vraiment absolument partout. Ils faisaient vraiment peur. Ils étaient avec leurs jambes écartées, les mains dans le dos, à faire des 360° avec leurs têtes. Il ne portaient pas de brassard donc je pense que quand tu ne connais pas, tu ne les remarques pas, mais moi j’ai tout de suite vu qu’ils cherchaient tout ce qui pouvait se passer. Ils ne savaient pas vraiment ce qui allait se passer. On avait l’impression qu’ils s’attendaient à une bombe, à ce que quelqu’un qui allait sortir une mitraillette… C’était ce niveau-là de sécurisation du lieu.
Sur l’action en elle-même, je savais pas ce qui allait se passer. J’ai repéré des copains qui m’ont dit qu’ils allaient lancer plusieurs Toxic tours à l’intérieur de Grand Palais, donc une dénonciation du greenwashing de certaines boîtes qui se trouvaient là, une information pour le grand public sur ce qu’elles font vraiment, leurs activités. Il y a trois tours qui ont été lancés vers 13h30. À partir du moment, où il y a des personnes qui ont commencé à parler fort, les flics en civil ont commencé à nous encercler et à nous bloquer l’accès au stand. On n’a pas pu rentrer dans les couloirs, les travées. Il y a eu plusieurs tentatives. La police nous empêchait mais on ne pouvait pas savoir pourquoi. On leur disait qu’on voulait juste parler, exprimer une opinion sur ces stands mais… visiblement ce n’était pas possible. Il y a avait beaucoup de journalistes qui nous ont suivi pour une troisième tentative d’entrer dans les stands et là, on s’est fait encercler par dix ou quinze policiers en civil. Là notre orateur, qui était un membre des Amis de la Terre, n’a cessé de parler sur ces entreprises et ce qu’elles faisaient sur place. Les policiers sont restés complètement impassibles, d’abord en décidant qu’ils enfermaient tout le monde, un journaliste et nous. Et puis au bout de quinze minutes, ils ont saisi violemment le garçon qui parlait, à quatre, ils l’ont attrapé d’un coup et l’objectif était vraiment de le faire taire et de nous faire peur. Et là on a cru qu’on allait tous finir en garde à vue. Ils ont fait sortir le journaliste et continué de nous encercler. Et c’est là qu’ils ont été chercher des paravents pour nous cacher du reste du public, qui n’était pas très nombreux ceci dit. On a décidé de faire un siting parce qu’on avait vraiment peur d’être pris un par un. Et là ils nous ont demandé de sortir, ils nous ont dit : « On ne va rien vous faire, on veut juste que vous sortiez » mais on a décidé collectivement qu’on voulait rester pour continuer à voir l’exposition.
J’ai cru comprendre qu’ils étaient un peu fatigués par ce genre de situations...
Ils nous ont dit que ce n’était pas possible, que nos petits copains étaient dehors de toutes façons donc qu’on ferait mieux d’aller les rejoindre. Là ils nous ont parlé comme à des enfants, c’était intéressant comme méthode. Puis des personnes assez âgées ont été invitées à sortir et elles se sont levées de leur plein gré. Les plus virulents sont restés accrochés les uns aux autres et ont été arrachés par les flics un à un. Petite note : ils avaient leur instructeur avec eux qui leur donnaient un cours, en même temps, donc c’était assez drôle. Il leur expliquait comment prendre les manifestants, ce qui continuait de nous infantiliser. Et j’étais la dernière à être sortie. J’ai décidé de ne pas leur faciliter la tâche en faisant le corps mou et ils m’ont traînée sur le sol. On s’est retrouvés aux mains de la police qui a pris nos noms sans trop d’enthousiasme. J’ai cru comprendre qu’ils étaient un peu fatigués par ce genre de situations. Et voilà…
De toutes façons, je pense que cette action n’avait qu’une valeur de com’ parce que c’est pas le Bourget, c’est un truc public. Ils signent leurs petits contrats ailleurs que là… Donc, l’objectif c’était vraiment d’avoir les journalistes présents et ça c’était bien. J’ai l’impression que le message est un peu passé, celui a propos de la manière dont on est traités par les autorités, la manière dont a été accueillis au Grand Palais. C’est important parce que jusque là il n’y avait vraiment qu’un seul son de cloche, donc ça au moins ça a été réussi. Et le salon a quand même été bloqué une bonne partie de la journée.
Ensuite j’ai lu quelques articles où nos arguments étaient repris mais ça reste peu vis à vis de la présence journalistique sur place. Ce n’est pas surprenant après la manif du 29 où, pour moi, il y avait des papiers qui étaient déjà écrits avant que la manif ne se fasse. Le discours de Hollande était prévu aussi. Donc là, l’évidence de la manipulation médiatique est clair. Il y a vraiment un contrôle fort. Par exemple, BFM a une grande enseigne à l’intérieur du Palais et le seul article de chez eux que j’ai vu passer c’était : « Une trentaine d’activistes ont dérangé le salon des Solutions ». Rien de ce qui a été fait. Donc tu vois clairement qu’ils étaient présents et qu’ils ont fait le choix de ne pas voir parce qu’on était bien plus que trente d’une part, et parce que c’est pas nous l’avons perturbé ce salon, ce qui l’a perturbé ce sont les flics. C’est une fois qu’ils nous ont bloqué, qu’on a commencé à chanter, à faire du bruit, parce qu’on n’avait plus que ça. Avant ça, il y a trois pèlerins qui assistaient aux conférences, il n’y avait vraiment pas grand monde. Donc effectivement, il y a un travail médiatique de sape de la contestation qui est clair. Après j’ai l’impression qu’il y a des gens qui se réveillent, qui commencent à se dire que l’autre son de cloche vaut aussi la peine d’être diffusé. »