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Ligne par ligne, le projet de loi sur l’état d’urgence
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
http://www.nextinpact.com/news/100727-ligne-par-ligne-projet-loi-sur-etat-durgence.htm
Le projet de loi sur l’état d’urgence a été adopté par les sénateurs et dans la foulée, arbitré en commission mixte paritaire. Le document est devenu au fil de ces travaux un texte anti-terroriste, où le renseignement gagne une nouvelle fois en voilure, même au delà de cette période exceptionnelle.
Plusieurs dispositions du projet de loi sur l’état d’urgence, déposé après l’attentat de Nice, ont été adoptées dans les mêmes termes par les sénateurs et les députés. Cette harmonie les blinde en conséquence, puisqu’elles n’ont pas eu à être arbitrées en commission mixte paritaire. C’est ainsi que l’état d’urgence, que François Hollande promettait d’arrêter à la fin du mois lors de son allocution de 14 juillet, sera finalement prorogé, non de 3 mois, mais de 6 mois (article 1). Il s’arrêtera donc en principe le 26 janvier 2017, à moins d’être prorogé pour la cinquième fois, histoire de couvrir la période préélectorale de mai 2017.
À l’article 1bis, il sera fait dorénavant obligation à l’autorité administrative de transmettre sans délai copie de tous les actes relatifs à l’état d’urgence (assignation, perquisition, etc.). Cela devrait théoriquement permettre au contrôle parlementaire d’aiguiser sa fonction.
Retour des perquisitions et saisies informatiques
Le projet de loi marque également le retour des perquisitions notamment informatiques, lesquelles avaient été abandonnées lors de la dernière prorogation (article 1). Cette option permise dans la loi de 1955, réformée après les attentats de novembre 2015, est surtout accompagnée de la possibilité pour les autorités de réaliser des copies de toutes les données « contenues » dans un ordinateur, une tablette, un téléphone trouvés sur les lieux visités, car fréquenté par une personne dont le comportement est jugé « menaçant » pour la sécurité et l’ordre publics (article 2). Une possibilité qu’avait épinglé le Conseil constitutionnel, désormais dotée de garanties supplémentaires.
Fermeture des lieux de réunion, dont les lieux de culte
Dans la loi de 1955, il est spécifié que « le ministre de l'intérieur, pour l'ensemble du territoire où est institué l'état d'urgence, et le préfet, dans le département, peuvent ordonner la fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature dans les zones déterminées » par un décret. « Peuvent être également interdites, à titre général ou particulier, les réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre ».
Le projet de loi ajoute après « de toute nature », dans la disposition précitée, un bout de phrase permettant de cibler expressément les « lieux de culte au sein desquels sont tenus des propos constituant une provocation à la haine ou à la violence, ou une provocation à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes ». De même, l’autorité administrative pourra interdire tous les cortèges, défilés et rassemblements de personnes sur la voie publique dès lors que cette autorité ne peut assurer la sécurité « compte tenu des moyens » (article 1 ter A).
Contrôle d’identité, visite des véhicules, fouilles des bagages
Le projet de loi autorise également aux zones couvertes par l’état d’urgence les contrôles d’identité, l’inspection visuelle et la fouille des bagages, et la visite de tout véhicule circulant ou arrêté sur la voie publique ou présent dans les lieux accessibles au public (article 1er ter).
Cette capacité sera reconnue sur autorisation du préfet, durant 24 heures, aux officiers et les gradés de la gendarmerie, aux gendarmes comptant au moins trois ans de service, aux fonctionnaires du corps d'encadrement et d'application de la police nationale, aux gendarmes affectés en unité opérationnelle et aux gendarmes n'ayant pas la qualité d'officier de police judiciaire, aux fonctionnaires des services actifs de la police nationale, titulaires et stagiaires, n'ayant pas la qualité d'officier de police judiciaire, aux autres fonctionnaires des services actifs de police nationale, aux volontaires servant en qualité de militaire dans la gendarmerie et aux militaires servant au titre de la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale, et enfin aux adjoints de sécurité peuvent être nommés au 1er échelon du grade de gardien de la paix de la police nationale… (ouf !)
Crédits : Assemblée nationale
Au delà de l'état d'urgence, un texte aussi contre le terrorisme
Au passage, la loi du 20 novembre 2015, celle qui a prorogé une première fois l’état d’urgence, est rebaptisée. Elle devient loi « prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste ».
Quelles sont les dispositions touchant à la lutte contre le terrorisme, qui s'appliqueront même au delà de l'état d'urgence ? Déjà, une personne condamnée pour ces faits ne pourra plus bénéficier de réduction de peine, sauf celle manifestant « des efforts sérieux de réadaptation sociale, notamment en passant avec succès un examen scolaire, universitaire ou professionnel traduisant l'acquisition de connaissances nouvelles » (article 3).
De même, une vidéosurveillance pourra être installée dans les cellules de détention. Une mesure qui inscrit dans la loi ce qu’un arrêté a prévu voilà peu à l’encontre de Salah Abdeslam, mais dont la solidité juridique ferait défaut, selon certains praticiens du droit (article 4).
La très récente loi « renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale » est également modifiée. En application de l’article L225-2 du Code de la sécurité intérieure, le ministre de l'Intérieur peut désormais imposer un contrôle administratif de toute personne ayant quitté le territoire national « et dont il existe des raisons sérieuses de penser que ce déplacement a pour but de rejoindre un théâtre d'opérations de groupements terroristes ». Normalement, ce contrôle est limité à un mois. Le projet de loi l’étend à deux mois (article 6).
Ajoutons que la Commission mixte paritaire fait sauter avec l'article 6Bis le plafond de l’interdiction de sortie de territoire, normalement limitée à deux années (article 224-1 du CSI, alinéa 5).
La détention provisoire d’un mineur est portée à deux ans voire trois ans selon qu’il s’agit de délit ou crime terroriste (article 7). Autre nouveauté, le fait de diriger ou d'organiser le groupement ou l'entente en vue d’un acte de terrorisme sera puni non de vingt ans de réclusion criminelle, mais de trente ans, outre 500 000 euros d'amende. Quand l’acte en question peut entrainer la mort d’une ou plusieurs personnes, c’est désormais la perpétuité qui menacera ses auteurs (article 8).
Des dispositions ont également entrainé de nouveaux tours de vis s’agissant des interdictions de territoire (article 9) Mais surtout, le projet de loi vient également modifier la loi Renseignement.
Renseignement : la contagion des sondes (même hors état d'urgence)
Comme expliqué hier, la possibilité de suivre à la trace et en temps réel une personne, via des sondes installées chez les opérateurs et autres intermédiaires, ne concerne pour l’instant que celui qui présente une menace, dans un cadre de lutte contre le terrorisme. Une nouveauté introduite par la loi renseignement, votée l'an passé.
Profitant d'une nouvelle fenêtre parlementaire, sénateurs et députés réunis en CMP ont revu ce spectre. Ce mécanisme très intrusif visera à l’avenir non la personne identifiée comme une menace, mais celle « préalablement identifiée susceptible d'être en lien avec une menace »., vous voyez la nuance ? Les services du renseignement gagnent ainsi en latitude. Pour faire simple, ils n’auront pas à se doter de preuves, mais simplement d’indices pour justifier ce suivi. Dès qu'un individu sera « susceptible » d'être en lien avec une menace, il pourra être pisté en temps réel par les ordinateurs du renseignement.
D’ailleurs, il y a un effet de propagation puisque la mesure sera étendue à son environnement. En effet, dès lors qu’existent « des raisons sérieuses de penser qu'une ou plusieurs personnes appartenant à l'entourage de la personne concernée par l'autorisation sont susceptibles de fournir des informations », alors celles-ci pourront être surveillées de la même façon. (article 11).
On part donc d'une personne susceptible d'être en lien avec une menace pour étendre la surveillance en temps réel à son entourage, du moins si celui-ci pourrait possiblement avoir des informations sur une telle menace ! Seulement, à l'heure de Facebook, réseau qui a diminué la distance entre les individus, la surveillance pourra rapidement s'étendre aux amis des amis d'une personne potentiellement menaçante. Une vraie épidémie de surveillance.
Faciliter le relevées des données de connexion (même hors état d'urgence)
Une autre disposition est à relever. Elle concerne cette fois les écoutes ou interceptions de sécurité, sur l’ensemble de moyens de communication. Normalement, le feu vert du premier ministre veut également pour le recueil des données de connexion, dès lors que cette récolte vise des documents et des informations « nécessaires à l’exécution de l’interception et à son exploitation ». Le projet de loi détend généreusement ce lien. Il remplace « nécessaires » par le terme plus distant d’« associés », afin de faciliter l’exploitation de toutes les données sécrétées par une personne déterminée (article 11 ter).
Ce n’est pas tout. Dans le même code, à l’article L. 863-2, les services de la communauté du renseignement peuvent « échanger » toutes « les informations utiles à l'accomplissement de leurs missions ». Dans le projet de loi, le verbe « échanger » est remplacé par « partager », une clarification qui permettra surtout une mise en commun des éléments glanés par l’ensemble des services (article 11 ter, encore)
Un code de bonne conduite dédié à la couverture du terrorisme
D’autres dispositions sont enfin à relever. Outre celles concernant les réservistes (article 11 quater et s), certaines vont changer le visage de la police municipale. En principe, ses agents peuvent porter une arme, mais à la condition que « la nature de leurs interventions et les circonstances le justifient ». Ce passage du Code de la sécurité intérieure est supprimé par le projet de loi, ce qui permettra de plus facilement armer ces autorités rattachées au maire (article 11 bis).
Enfin, remarquons qu’une nouvelle mission a été raccrochée à la locomotive du CSA. Celui devra élaborer « un code de bonne conduite relatif à la couverture audiovisuelle d'actes terroristes ». Ce code de bonne conduite vaudra également sur des pans d’Internet, notamment sur les flux vidéos des sites d’information en ligne (article 11 sexies)