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La tactique Spinoza. Notes sur « Imperium » de Frédéric Lordon
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
http://www.contretemps.eu/lordon-spinoza-imperium-garo/
Par Isabelle Garo
« Terret vulgus, nisi metuat [1]»
(« Si la masse ne craint pas, elle terrorise »)
Spinoza, Ethique, IV, prop. 54, scolie.
Frédéric Lordon occupe une place singulière dans la vie intellectuelle française : économiste de formation, d’abord proche de l’école de la régulation, il est devenu l’un des acteurs majeurs de la lutte contre les traités européens et les politiques d’austérité, et est désormais l’un des protagonistes des mobilisations politiques de 2016, bien au-delà de son cadre académique de départ. Ses interventions publiques, brillantes et polémiques, rencontrent un écho important : elles combinent un haut niveau d’exigence théorique, un style élaboré et mordant, une critique virulente des politiques néolibérales, de la domination financière, du cadre politique européen et de la monnaie unique, mais aussi des trahisons sociales-démocrates. C’est pourquoi, à maints égards, son itinéraire se rapproche de celui de Pierre Bourdieu, théoricien de la puissance des structures et militant du possible politique en 1995, sans que soit théoriquement élaborée cette unité improbable.
De fait, depuis ses premiers livres, à la fin des années 1990, sa trajectoire intellectuelle s’est peu à peu infléchie, passant de travaux économiques et sociologiques spécialisés à une double activité théorique, associant des interventions en prise directe sur l’actualité et des travaux philosophiques placés depuis 2006 sous l’égide de Spinoza[2]. Ce dédoublement est tel qu’on peut se demander si, à terme, l’économie politique et sa critique ne risquent pas de se trouver écartelées entre polémique conjoncturelle et métaphysique éternelle, au risque de disparaître en tant que telle. On peut formuler la question autrement, à la lecture des derniers livres « spinozistes » de Frédéric Lordon : que vise au juste ce recours toujours plus appuyé à Spinoza, recours à la fois inattendu et s’inscrivant dans la longue histoire des néo-spinozismes, qui ont en commun d’être tous un rapport à Marx et au marxisme, mais un rapport décalé, se réinstallant dans la tradition académique ? DansCapitalisme, désir et servitude, paru en 2010 et sous-titré « Marx et Spinoza », Frédéric Lordon s’attachait à combiner Marx, comme penseur des structures et Spinoza, en tant qu’auteur d’une « anthropologie des passions »[3]. Imperium, paru en 2015, poursuit la voie spinoziste tout en abandonnant toute apparence de discussion avec Marx et le marxisme, de même qu’avec les diverses théories de l’Etat et les pensées critiques contemporaines.
Il faut préciser cette différence : pour sa part, le livre de 2010 déclarait utopiques « le triomphe du prolétariat » et « l’extinction du politique », thèses attribuées à Marx et qualifiées de « fantasmagories post-politiques », d’ « erreur anthropologique la plus profonde de Marx ». Les dernières pages affirment que l’idée d’une « éradication définitive de la violence » doit céder la place à « ses mises en forme les moins destructrices »[4], tâche théorique renvoyée à Spinoza. Estimant la cause entendue, Imperium propose une analyse critique des institutions politiques sur un plan strictement philosophique, qui laisse entrevoir, sans qu’elle soit précisée, la perspective d’un État social de nouvelle génération. Pareille démarche, qui contourne largement l’analyse du capitalisme contemporain, de ses contradictions, de ses mutations, pose bien des questions. Ce qu’on peut donc nommer la « tactique Spinoza », par analogie avec le jeu d’échecs, se révèle une manœuvre habile, savante et qui en impose. Mais elle souligne tout aussi bien l’urgence de ce que Daniel Bensaïd nommait « le retour de la question stratégique »[5]. Ce sera l’axe de la lecture qui suit.
1/ Spinoza politique
Imperium est un livre déroutant, imposant, difficile surtout, qui a le grand mérite d’aborder la question de l’État sur le plan théorique et politique et de rouvrir le débat à gauche sur cette question cruciale. La question de l’État se trouve ici traitée sur le terrain philosophique et plus précisément, donc, sur le terrain du spinozisme, pensée ardue s’il en est, et datée. Frédéric Lordon revendique l’autonomie radicale de ce pan philosophique de sa réflexion. Pour autant, son propos n’est pas de présenter la pensée politique de Spinoza en tant que telle : il s’agit pour lui de penser un objet précis, l’État, ou plus exactement de penser son concept, l’ « État général », essence supposée de tout État réel, distincte de ses formes historiques concrètes. Car Frédéric Lordon conçoit la philosophie comme savoir séparé des essences : en somme, le concept d’État, de même que le concept de chien, ne mord pas[6]. Pourtant, les thèses politiques spinoziennes, au moment de leur élaboration, étaient indissociables d’un contexte théorique et politique déterminé, dont Spinoza ne chercha jamais, pour sa part, à s’extraire. C’est pourquoi on doit rappeler, dans un premier temps, à quel point ce philosophe fut impliqué dans la politique de son temps, et décidé à y intervenir.
Au cours des années 1650, Spinoza prit parti contre le stathouder, dirigeant politique et chef militaire issu de la famille Orange-Nassau, alors que ce dernier tentait d’instaurer une monarchie au lendemain de l’indépendance des Provinces-Unies. Spinoza fut alors un fervent partisan des Régents, représentants de la grande bourgeoisie commerciale urbaine, qui parvinrent à diriger l’administration des villes et des finances publiques de la Hollande pendant vingt ans. Puis l’agitation populaire, fomentée par le parti orangiste et soutenue par l’aristocratie terrienne, conduisit en 1672 à l’assassinat des frères de Witt et à la restauration du stathouderat, refermant pour un temps la parenthèse républicaine hollandaise. C’est dans ce contexte agité, profondément singulier, que Spinoza conçut ses deux grands textes politiques, rédigés de part et d’autre de la prise de pouvoir orangiste, le Traité théologico-politique en 1670, puis le Traité polique, resté inachevé et publié en 1678.
Le premier ouvrage, le Traité théologico-politique, promeut l’alliance entre liberté individuelle et souveraineté de l’État. On y rencontre le terme de « démocratie », chargé de désigner « l’union des hommes en un tout qui a un droit souverain collectif sur tout ce qui est en son pouvoir »[7], dans le cadre de la théorie du droit naturel. Le second texte, le Traité politique, dont la rédaction fut interrompue par la mort de Spinoza en 1676, s’éloigne de ce point de départ. Délaissant la théorie du pacte social, ce second texte se concentre sur la finalité propre de l’État, la liberté. Spinoza y présente la nature humaine comme inapte à désirer continûment ce qui est utile, imposant de construire un ordre politique de nature à « contenir la multitude » et contraignant chacun à « vivre selon les préceptes de la raison »[8]. La disparition de la théorie du pacte social le conduit ainsi à brancher directement la politique sur les affects : ce sera la thèse d’un des grands commentateurs de Spinoza, Alexandre Matheron[9].
Si la pente de cette seconde œuvre est de définir un souverain plus élargi socialement, l’interruption du livre quelques paragraphes après le début du chapitre consacré à la démocratie ne permette guère d’extrapoler. Mais il est frappant que les premières lignes de ce chapitre soient consacrées à l’exclusion des étrangers, des serviteurs, des femmes, des enfants : Spinoza a choisi de commencer par ce qui restreint l’accès à la citoyenneté, au lieu d’en affirmer l’extension, voire l’expansion. Si la pente démocratique est incontestable, il semble évident que la tâche de « contenir la multitude » reste prioritaire : l’assassinat des frères de Witt par la foule hante à coup sûr cette œuvre. Spinoza en conclut que « les hommes en effet ne naissent pas citoyens, mais le deviennent »[10] et que les vices d’une cité sont le fait de ses mauvaises lois, la nature humaine étant partout la même.
Ainsi, la démocratie spinoziste, telle que l’esquisse le Traité politique, vise-t-elle avant tout la stabilité institutionnelle, la « concorde » sociale bâtie sur « la paix et la sécurité », tout en se défiant de la multitude, car « il est certain en outre que les périls menaçant la cité ont pour cause les citoyens plus que les ennemis du dehors »[11]. Etienne Balibar a mis en évidence l’équivocité de l’option démocratique de Spinoza, « animé contradictoirement par sa propre crainte des masses et par l’espoir d’une démocratie entendue comme libération de masse »[12]. De son côté, l’historienne marxiste américaine Ellen Meiksins Wood a montré que la démocratie spinoziste correspond à une république oligarchique, dirigée par les élites marchandes urbaines, soucieuses d’obtenir le soutien des classes inférieures[13].
Soutenant ces analyses politiques, l’anthropologie philosophique spinozienne, telle qu’elle se trouve développée dans l’Ethique, se présente comme l’épine dorsale de la démocratie, son fondement premier : la fluctuation des affects et la variabilité des conduites passionnelles sont la matière que l’Etat doit organiser rationnellement, par l’obéissance à la loi. Ainsi conçu, il semble permis d’affirmer la validité transhistorique de ce soubassement philosophique. Pourtant le propos de Spinoza est autre : si la dimension métaphysique de sa réflexion est omniprésente, elle se présente comme indissociable d’un contexte intellectuel et politique déterminé. Son œuvre politique mentionne nombre d’exemples historiques, en vue de définir l’État « en accord avec la nature des lieux et le caractère de la nation »[14]. De sorte qu’on peut affirmer que le recours à l’expérience est, pour Spinoza, la condition même de la raison politique[15].
Dans Imperium, à l’inverse, l’ « État général » se veut abstraction surplombante : les exemples sont rares et le principal, la Commune de Paris, n’est invoqué que comme illustration contre-factuelle de la thèse du livre (car si elle avait duré plus longtemps, affirme Lordon, la Commune aurait à coup sûr reconstitué l’État). Sous cet angle, l’écart frappe : Imperium ne relève ni de la cohérence systématique qui fut celle de Spinoza, ni de la mise en forme d’une expérience historique propre, ni de la prise en compte de l’histoire des idées concernant l’État, la distinction raison-passion, la nature des concepts et leur rapport au réel. Dès lors, comment comprendre le rôle que Frédéric Lordon attribue à ce qu’il nomme « philosophie » ?
2/ Fonder philosophiquement la politique ?
L’une des thèses principales d’Imperium est qu’il n’existe pas de collectivité sans principe vertical. Ce principe vertical n’a rien de transcendant, insiste Frédéric Lordon. Il est le produit de la vie sociale, la trace et la preuve d’une « excédence » du tout sur les parties[16]. Durkheim est souvent invoqué en tant que penseur de l’autonomie du social, échappant à la conscience des individus qui l’engendrent, mais c’est Spinoza qui est le philosophe qui permet de penser cette logique générale, celle de la multitude qui, par « auto-affectation », se constitue en formation politique[17]. De ce point de vue, il s’agit non pas de reconstituer la genèse historique réelle des États, explique Frédéric Lordon, mais de penser une « genèse conceptuelle », « qui relève d’une expérience de pensée délibérément construite à partir d’un état originel fictif, auquel chercher la moindre correspondance empirique serait tout à fait absurde »[18]. Ces « structures élémentaires » ont pour source les affects humains et leur logique (imitation, instabilité, disconvenance, etc.), selon des lois de composition et de décomposition qui concernent pour Spinoza tous les corps et pas seulement les corps humains. Une telle approche pose plusieurs problèmes.
Le premier problème est que, dans la tradition structuraliste à laquelle il est fait allusion ici, les « structures élémentaires de la parenté » explorées par Levi-Strauss ne se présentent jamais comme de purs concepts. De même qu’aux yeux de Spinoza les affects élémentaires existent bel et bien. Si ce dernier en vient à concevoir une individualité humaine universelle, s’ajustant à toutes les circonstances, c’est précisément parce que sa théorie en énonce les éléments fondamentaux, objectifs : c’est en vue de rendre compte du niveau empirique que les affects sont définis. Plus généralement, la philosophie classique se définit comme instrument (rationnel) en vue d’atteindre et de reproduire une articulation ontologique (elle aussi rationnelle). Si la nature est accessible aux mathématiques pour Galilée, c’est qu’elle est écrite en caractères mathématiques. Et la méthode cartésienne enjoint de commencer par les objets les plus simples pour parvenir aux plus composés, en se conformant à la structure même du monde. Pour Spinoza, héritier de cette culture théorique, la réalité se décompose en corpuscules élémentaires qui ont forme, mouvement et surface.
Mais, dira-t-on, pourquoi se soucier de ce qui relève de l’histoire des idées, si la transposition de la théorie ou d’une partie de la théorie spinoziste nous aide encore à penser le monde contemporain ? Plus encore : pourquoi ne pas faire entorse à sa métaphysique et considérer que l’Ethique nous fournit, non des descriptions, mais un modèle de compréhension, à distinguer du réel, conforme en cela à une certaine épistémologie contemporaine et autorisant à laisser de côté le reste d’une architecture systématique qui n’importe pas ici ? Dans ce cas, c’est la notion de modèle qui pose problème : outre qu’elle est radicalement en rupture avec la philosophie classique, les modèles sont toujours scientifiques, et non pas ontologiques. De plus, un modèle est la forme de présentation d’une théorie neuve et non le moyen d’explorer son objet : résultat et non point de départ, ni instrument d’analyse, il présente une vision simplifiée et pédagogique d’un savoir, soumis au type de vérification expérimentale qui lui est propre.
Sur ce point, c’est à la physique des particules que fait référence Frédéric Lordon, comparant les « mécanismes élémentaires de la production du social » aux composants élémentaires de la matière qui « ne s’observent jamais tels quels à l’état séparés et n’en aident pas moins à comprendre la formation de la matière macroscopique »[19]. L’analogie serait probante si elle n’était pas deux fois fausse. D’une part, les particules élémentaires s’observent et leur séparation peut être provoquée. D’autre part, la formation de l’univers matériel est bien l’histoire de l’apparition successive de particules élémentaires, qui vont former par la suite atomes, molécules, chaînes de molécules, etc.
Il en résulte que le concept d’imperium, décrété vérité éternelle, apparaît surtout comme une généralité passe-partout. Son utilisation oblige à payer au prix fort la disqualification de principe de la thèse qui énonce que, les concepts traitant du réel[20], il est permis de confronter l’imperium à ce qu’il désigne : les Etats réellement existant. Dès lors, le principe de « transcendance immanente » ne reposant sur rien, il se voit affirmé et réaffirmé, en des énoncés qui portent la marque de la maîtrise du discours savant et tablent sur son autorité pour se passer de preuves : « sous la loi des grands nombres du social, la capture est une fatalité de la transcendance immanente »[21]. Pure abstraction détachée et posée en surplomb du réel, le concept est ici, non pas le résultat d’une recherche minutieuse qui s’y résumerait au terme d’une enquête à même le réel, mais une un préalable à déployer et à illustrer. Pareil procédé donne à penser que la conclusion (l’omniprésence transhistorique de l’État) a en réalité précédé la démonstration qu’il fallait, quoi qu’il en soit, lui trouver : ce qui se nomme une pétition de principe.
3/ Les usages contemporains de Spinoza
Faute d’être l’outil d’une recherche incertaine de ses conclusions, l’une des clés de cette utilisation tactique et parfois rhétorique de la philosophie Spinoza est à chercher du côté du spinozisme du 20ème siècle. Frédéric Lordon reprend et déplace ce qui fut une stratégie critique, née sur le terrain du marxisme, s’efforçant d’être théoriquement et politiquement inventive. Chez Marx lui-même, l’intérêt premier pour Spinoza resta sans suite. En revanche, au cours des années 1960, Louis Althusser entreprit d’utiliser la référence à Spinoza comme pièce maîtresse afin d’intervenir au cœur de la crise du marxisme qu’il avait diagnostiquée. Cette référence lui permit de distendre le rapport de Marx à Hegel, de dénoncer tout retour à la philosophie de l’histoire et d’engager une virulente critique de la dialectique. André Tosel note que « la fureur antihégélienne d’Althusser le conduit non plus tant à corriger Hegel par Spinoza qu’à éliminer Hegel et à liquider avec lui l’historicisme et l’anthropologisme de la subjectivité aliénée, propres à tout le marxisme contemporain »[22]. Le recours à Spinoza fut aussi l’occasion d’élaborer une relation complexe au structuralisme et plus généralement à la question de la science et de l’idéologie. Enfin, il s’agissait pour Althusser d’entreprendre un travail spécifiquement philosophique par-delà Spinoza : « nous avons fait le détour par Spinoza pour voir un peu plus clair dans la philosophie de Marx »[23].
Cette voie spinoziste s’est prolongée jusqu’à aujourd’hui. D’une part, sous la forme de travaux spécialisés consacrés à Spinoza de la part d’auteurs qui furent proches d’Althusser : Pierre Macherey, Etienne Balibar, André Tosel, Pierre-François Moreau, Alexandre Matheron, etc. D’autre part, sous les espèces de ce qu’on a nommé un spinozisme stratégique, en confrontation maintenue avec le marxisme. C’est le cas par exemple des travaux de Toni Negri, rejetant lui aussi la dialectique et l’ascendance hégélienne, théorisant le pouvoir constituant et se confrontant à l’analyse marxiste de la production. Plus récemment, Franck Fischbach s’est employé à construire une ontologie de la relation, en centrant son analyse sur la question de l’activité humaine pensée comme « auto-activation », à distance de l’analyse des luttes de classe et des contradictions réelles[24]. Dans tous ces cas, Spinoza reste mis en relation avec Marx et le marxisme, les différentes variantes de ce croisement s’employant à ouvrir de nouvelles voies de recherches, qui présentent une forte dimension politique, mais aussi une portée ontologique revendiquée.
Si à certains égards Frédéric Lordon s’inscrit dans le droit fil de cette tradition, marquée par le rejet des contradictions et plus largement de toute dialectique, à bien des égards il rompt avec elle. Car le Spinoza de Lordon ne se construit ni avec ni contre Marx, mais à sa place, servant de fondement philosophique et surtout d’élargissement théorique à des thèses défendues par ailleurs (une critique de l’économie politique libérale, critique centrée sur les questions de la souveraineté plutôt que sur les luttes de classe). Ces thèses ne sont jamais explicitées comme telles dans Imperium, mais elles sont toujours sous-jacentes. En effet, Imperium est surtout dirigé de façon polémique contre certaines traditions, qui sont d’abord des traditions politiques : le courant libertaire, l’option internationaliste et bien sûr le libéralisme et le néolibéralisme. Il va de soi que le marxisme est concerné, via deux -au moins- de ses options politiques fondamentales, la destruction de l’Etat et l’internationalisme. Mais au total, on peut se demander si la question du dépassement du capitalisme ne se trouve pas ainsi sans cesse contournée et reportée, alors même que l’autre partie de l’œuvre de Lordon, résolument antilibérale et militante, impliquerait de la traiter sur le terrain théorique, mais également sous l’angle programmatique. Auquel cas Spinoza serait aujourd’hui le nom d’une tâche politique autant que le moyen de la différer.
4/ L’État, concept général ou forme sociale ?
La politique en acte n’est pourtant pas absente d’Imperium. La thèse centrale du livre est que l’État ne se réduit pas à être l’instrument du capital : s’il peut bien sûr être cet instrument, il peut aussi être mis au service de l’intérêt collectif, et fut de tout temps indispensable à la vie sociale, explique Frédéric Lordon. Sur ce plan, permettant de couper court sans l’examiner à tout critique de l’État, qu’elle soit libérale, libertaire ou marxiste, la référence à Spinoza autorise à affirmer, sans autre démonstration, que le pouvoir est ce qui procède de la multitude et qui en retour maintient de force son unité : « les hommes étant dominés par leurs passions, « ils ne feront société que sous la loi et par l’obéissance » [25]. C’est pourquoi « un groupement politique n’est que de la disconvenance régulée »[26]. Il en résulte que l’Etat ne serait que le produit de la multitude elle-même, le résultat de sa capacité à s’auto-affecter : « tout groupement humain fini et suffisamment nombreux réalise le principe de l’Etat général »[27].
Ainsi, l’Etat est-il surtout pensé comme une fatalité, à la manière de Thomas Paine[28], dans la mesure où il est dû à une essence humaine fondamentalement variable et passionnelle : « c’est la servitude passionnelle qui voue aux particularismes. Car le seul universel vrai est celui de la raison, et cet universel n’est pas à notre portée »[29]. La distinction passion/raison, outre qu’elle peut être jugée profondément obsolète compte tenu des acquis de la psychanalyse voire de la neurologie, est surtout de nature à distinguer, comme le fait Spinoza en son temps, les sages et les ignorants. Pour sa part, Frédéric Lordon préconise avant tout une lutte généralisée contre les illusions, à distance de la lutte des classes : Marx se trouve ici enrôlé au titre d’héritier du « projet de maîtrise rationnelle » qui est celui des « Lumières classiques », en tant que dénonciateur des fétiches, religion ou valeur, qui masquent aux hommes le monde réel. Pourtant, il faut rappeler que la critique marxienne du fétichisme n’est pas celle d’une illusion, mais la mise au jour d’une apparence nécessaire, inhérente au monde de la production et de l’échange capitalistes, qui efface le travail humain et gomme l’exploitation. Ici, faire de Marx le porteur d’un idéal de transparence permet surtout et tout aussitôt à Frédéric Lordon de lui reprocher un projet à pente totalitaire[30], renouant avec un antimarxisme convenu qui préfère la répétition à la preuve, la diffamation à l’argumentation.
Pourtant, une vraie confrontation aurait pu être fructueuse avec les conceptions marxistes de l’État. C’est pourquoi il vaut la peine de préciser ici quelques aspects de l’analyse produite par Marx lui-même, comme autant de questions adressées à l’auteur d’Imperium (en laissant de côté faute de place les théoriciens marxistes de l’Etat ultérieurs, comme Gramsci ou Poulantzas). Il faut commencer par rappeler que l’analyse marxiste part des contradictions qui sont celles des rapports sociaux capitalistes et non des affects individuels, mais qui n’en traversent pas moins les individus. Dans Imperium, philosophie oblige, il n’existe ni rapports de production, ni classes, ni histoire institutionnelle, etc. En revanche, on doit accorder à Frédéric Lordon la thèse d’une formation de structures politiques à même la vie sociale : l’affirmation importe, car elle évite d’opposer l’État à une vie sociale qui lui serait étrangère, comme le fait la tradition libérale. Il n’en demeure pas moins que son approche ne dit rien des causes de la séparation -jusqu’à un certain point- de l’État moderne et de la vie sociale. Or, pour le Marx analyste de l’histoire française postérieure à 1848, c’est cette autonomie relative d’une machinerie étatique spécialisée qui lui octroie précisément sa dimension fonctionnelle et son caractère de classe[31].
Dans un premier temps en effet, Marx considère que l’État moderne est le produit de sa séparation en tant qu’institution politique spécialisée, placée au-dessus de la société capitaliste, mais pour des raisons qui sont inhérentes à cette même société et en vue de gérer les contradictions qui lui sont propres. C’est cette séparation fonctionnelle que Marx analyse dans ses textes de jeunesse, en particulier lorsqu’il discute la philosophie politique hégélienne et son idéalisation de l’État rationnel. Par la suite, dans le Manifeste du parti communiste, il développera l’idée que l’État bourgeois est un outil politique aux mains de la bourgeoisie, et parfois le simple comité de gestion de ses intérêts, outil dont il s’agit de s’emparer. Puis il insistera, dans les textes consacrés à la situation française entre 1848 et 1871, sur l’ampleur croissante d’une « machinerie étatique » complexe, qu’il faut non pas réutiliser mais bien détruire, en vue de la réappropriation démocratique de l’organisation collective. Certains commentateurs y ont vu une contradiction logique : ou bien l’État se situe en surplomb (et il est neutre par rapport aux luttes de classes), soit il est aux mains de la classe dominante (et il est l’instrument de sa domination).
Or ces deux affirmations sont fausses. Pour surmonter ce paradoxe, il faut disposer d’outils théoriques dont se priveImperium : la dialectique matérialiste (qui n’est pas une philosophie, mais sa critique) et l’étude historique des rapports sociaux de production et d’échange (qui n’est pas une économie politique, mais sa critique). Marx va élaborer et réélaborer progressivement ces méthodes indissociables du savoir et de l’action qu’elles nourrissent. Pour le dire vite, l’État capitaliste se forme en même temps que les rapports sociaux capitalistes, même s’il s’inscrit d’abord dans des institutions étatiques préexistantes. À ce titre, il n’est pas un cadre extérieur, organisant la multitude et émanant de l’ensemble indifférencié des individus passionnels qui la composent, mais la forme d’un rapport de classe déterminé, le capitalisme. Cette conception exclut à la fois l’idée de transcendance de l’État et celle de sa fusion avec tout ou partie de la vie sociale.
On peut le dire autrement : c’est le rapport d’exploitation qu’incarne le capital, qui exige la formation d’un État, qui est sa forme politique propre, à la fois autonome et déterminée, chargé de gérer et de réguler ses contradictions internes. Cet État coupe la vie politique de la vie sociale pour mieux en organiser la captation de classe, non sans être capable quand il le faut de concessions aux revendications populaires, en fonction du rapport des forces en cours. En ce sens chaque mode de production fait naître sa forme propre d’État. Ces formes ne sont pas des concrétisations d’un concept d’État, d’une Idée générale d’État qui se réaliserait dans des conditions historiques à chaque fois différentes : la conception marxienne des formes, de la forme valeur à la forme État, en passant par bien d’autres, échappe à l’opposition traditionnelle du concept et du réel et la remet radicalement en cause. Les concepts et plus encore la position de la théorie au sein de la formation économique et sociale sont eux aussi le produit d’une histoire.
L’histoire ici est celle des relations économiques et sociales, et celle d’un affrontement de classe toujours spécifique, qui trouve dans l’État un moyen à la fois de reproduction de la structure sociale et de régulation du conflit social, d’unification des fractions de la classe dominante, de légitimation de l’intérêt de classe en le présentant comme intérêt général. Car l’État assure ces quatre missions à la fois, tout en étant lui-même traversé par les contradictions de la société capitaliste. Ce à quoi s’ajoute la défense de ses intérêts propres, inhérents à sa nature bureaucratique de « machinerie » étendue. Saisir des contradictions réelles et mouvantes, qui traversent toute l’épaisseur d’une formation économique et sociale donnée, a peu à voir avec la détermination de fonctions anthropologiques transhistoriques, résultant d’une combinatoire des affects individuels premiers.
Ainsi, l’État capitaliste est-il, non l’antithèse, mais la condition même du rapport marchand, notamment via la monnaie, prérogative régalienne. C’est pourquoi, en mode capitaliste, une monnaie nationale n’est pas avant tout l’expression de la souveraineté populaire : elle est la forme abstraite de la valeur, sous garantie étatique, et par là même le moyen de produire et de reproduire un certain type de rapports sociaux de classes, en faisant exister et circuler les richesses sociales, tout en veillant à l’organisation et au contrôle de leur répartition. C’est précisément pourquoi il est impossible de penser l’Etat capitaliste sans penser à la fois son autonomie, son caractère de classe et son intervention spécifique dans les rapports sociaux de production, afin de préserver leur logique globale.
Au nom de cette mission, l’État veille plus généralement à la reproduction du rapport salarial, à l’avantage des classes dominantes, mais aussi parfois contre leur volonté immodérée d’exploitation, lorsqu’elle est socialement destructrice ou politiquement explosive. Aujourd’hui, dans le cadre d’un rapport de force dégradé pour le mouvement ouvrier, le tournant néolibéral-autoritaire de l’État qui accompagne abandon des prérogatives économiques et sociales de l’épisode keynésien, remet en question la thèse d’un État un tant soit peu régulateur, s’il n’est pas d’emblée profondément investi et transformé par les classes populaires : et c’est justement cette exigence que Marx nomme destruction de l’État, qui doit laisser place à cet « auto-gouvernement des producteurs » inauguré par la Commune de Paris, incluant des formes démocratiquement contrôlées de représentation et de délégation.
Dans le contexte présent, l’État est avant tout le moyen de déposséder les hommes de la maîtrise de leur organisation collective, en lui substituant la domination du marché, sous les ordres d’une classe dominante qui, bien loin d’abolir la structure étatique, en reconfigure les fonctions pour en faire toujours davantage une arme à son service. C’est bien ce que prouve l’histoire de la construction européenne, conduite par des États qui s’ingénient à organiser leur propre impuissance relative, et à tenir le discours de cette impuissance, en même temps qu’ils s’emploient à étouffer toute démocratie politique et sociale à l’échelle nationale. Frédéric Lordon est l’un des plus fins analystes de ce fonctionnement. Mais c’est alors le besoin et l’absence d’une stratégie de gauche concernant l’appareil d’État, qui se trouvent soulignés par cette étrange théorisation de l’imperium, stratégie qui implique une analyse de classe plutôt qu’une ontologie. Car il va de soi que la revendication de la disparition de l’État chez Marx n’est pas en soi un mot d’ordre suffisant à définir le dépassement du capitalisme : il faut redire qu’elle ne vise pas la perspective fantasmatique d’individus rationnels ou le vœu totalitaire de société transparente, mais la réappropriation collective de la politique, impliquant d’arracher la vie sociale aux forces aveugles du marché et de détruire toute domination de classe.
Impossible d’affronter aujourd’hui cette tâche sans reprendre la question, trop longtemps laissée en jachère, des transitions et des médiations. À insister sur l’opposition rigide entre tenants de la verticalité et libertaires horizontaux, se focalisant sur un ennemi qu’il s’est taillé sur mesure, Frédéric Lordon déserte l’analyse des contradictions inhérentes à l’État capitaliste et à lui seul, ce dont l’« État général » ne saurait par définition rien nous dire. De même qu’il délaisse toutes les autres contradictions économiques et sociales, concernant les transformations technologiques autant que le management néolibéral, confronté à des résistances nouvelles. Et on ne voit guère comment le cadre spinoziste de l’analyse pourrait faire autre chose qu’évacuer pareille question, la notion de contradiction étant aussi étrangère à Spinoza que celle de rapports sociaux d’exploitation, pour des raisons historiques précises, que seuls les tenants des essences éternelles dédaignent. Comble de paradoxe : il n’est pas du tout sûr qu’il faille ranger Spinoza dans ce camp.
En l’occurrence, c’est sans doute en vue d’un second évitement que l’option spinoziste de Frédéric Lordon prend tout son sens : par sa portée métaphysique et par la généralisation transhistorique qu’elle semble autoriser, elle soutient l’effort pour fonder philosophiquement une conception des institutions qui demeure liée au courant de la théorie de la régulation, mais sans s’énoncer ni se construire pour autant sur ce terrain, qui est celui d’une critique de l’économie politique alternative au marxisme. L’exploration des fondements n’est-elle pas surtout la ruse d’un redéploiement philosophique ambitieux et imposant, mais qui permet de contourner, ou plutôt de survoler, la construction d’une véritable théorie alternative, et surtout d’une véritable théorisation de l’alternative ? En somme, on attend que Frédéric Lordon élabore la critique de la théorie de la valeur que tout son œuvre porte en germe.
5/ La question stratégique
C’est à partir de ces remarques que se pose la question stratégique, qui inclut au premier chef celle des perspectives maintenues de la conquête et de la transformation de l’État. De sorte que ce n’est pas une logique générale de capture de la puissance de la multitude qui est en cause, mais une scission inscrite dans la nature même du capitalisme, qui fait de l’État le corollaire du marché tout en étant distinct de ce dernier. C’est à partir de cette question que peut se penser une politique de gauche aujourd’hui, considérant l’État à la fois comme l’un de ses moyens et l’un de ses enjeux. Ce dernier reste-t-il encore un espace de négociation ? Sans doute, dans la mesure où l’État est l’instance contradictoire de gestion et de reproduction d’un capitalisme lui-même contradictoire. Mais cet espace est directement subordonné à la vigueur des luttes sociales et politiques qui le maintiennent entre ouvert, ni plus ni moins.
Pour sa part, Marx a toujours défendu la participation aux structures démocratiques bourgeoises et aux luttes syndicales, en dépit de leurs limites. En tant que forme politique propre du capitalisme, l’État est aussi le lieu où peut s’esquisser son dépassement, par-delà son contenu de classe, à la fois à travers les éléments de démocratie, quand il en comporte, et à travers les services publics qui échappent en partie à la logique de la valeur et du marché. Mais cela suppose de renverser l’actuel rapport de force social et de défendre de façon précise, offensive, la perspective d’une transformation radicale de la machine étatique, de sa réappropriation démocratique.
C’est pourquoi, si elle est en effet insuffisante à orienter les luttes présentes, la thématique du bris de l’État n’est pas une vision utopique, bêtement naïve quant à une supposée nature humaine, c’est un axe politique, stratégique : un projet antilibéral, c’est-à-dire anticapitaliste, devra tout de suite viser la transformation de l’État et la destruction de ses missions autoritaires et répressives, de sa dimension impérialiste, de sa fonction de reproduction des rapports de classe. « La classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre telle quelle la machine d’Etat et de la faire fonctionner pour son propre compte »[32]. Que restera-t-il d’une telle institution ? À coup sûr, des tâches de gestion collective et la coordination de leur répartition fédérale. Qu’on baptise « Etat » ou autrement ce reste, cela importe peu si l’on précise de quoi l’on parle : de formes radicalement démocratiques de gestion d’une société à terme non capitaliste, dont la Commune de Paris fut justement la préfiguration en acte. Ni modèle ni événement solitaire, elle fut une étape essentielle de l’histoire de l’émancipation, une victoire aussi décisive que fugace.
Sa réussite en dépit de la défaite tient à ce qu’elle fut « la forme politique enfin trouvée qui permettait de réaliser l’émancipation économique du travail », écrit Marx[33]. C’est pourquoi la critique contre-factuelle, qu’en propose Frédéric Lordon, arguant que sa survie historique aurait fatalement reconduit à l’Etat, minore ce que fut son inventivité historique réelle. Si rien n’autorise à affirmer sa rechute bureaucratique fatale, sa modernité démocratique est incontestable et c’est cette dernière qu’il serait opportun de réactiver. Telle fut du moins l’option de Marx.
Selon ce dernier en effet, loin de l’universalité abstraite de l’ « État général », la Commune réalise l’universel concret, forge la démocratie en acte, autrement dit se fait « l’énigme résolue de toutes les Constitutions », perspective d’émancipation dont la clé est le pouvoir ouvrier et la dictature du prolétariat, telle que la pensent Marx et Engels. C’est une telle redéfinition démocratique radicale que Marx nomma dépérissement de l’État, puis bris de l’État, qui n’est que l’abolition d’une scission et l’occasion d’une réappropriation collective. À partir de là, aucune confusion n’est permise : il ne s’agit pas de lutter contre l’État à la façon dont les néo- ou ultra-libéraux prétendent le faire, mais de désétatiser ses fonctions politiques et sociales, en permettant leur réappropriation collective. Si, dans Imperium, la polémique avec les tenants de l’horizontalité fait mouche, elle n’atteint pas ceux qui, à gauche, sont convaincus qu’il faut se battre aussi sur le terrain institutionnel tel qu’il est, sans perdre de vue une perspective anticapitaliste globale.
Au total, la question centrale – si précisément contournée par Imperium qu’elle s’y dessine très exactement – est de savoir si la focalisation sur l’État national, indépendamment de toute perspective sociale et politique anticapitaliste, peut suffire à esquisser une perspective politique stratégique féconde. À cet égard, l’idée que « le capitalisme ne peut être régulé que dans un cadre stato-national »[34] est une thèse bien fragile, et doublement. D’une part, le problème porte sur le terme de « régulation », inséparable de l’affirmation de ce cadre étatique d’intervention, alors que le capitalisme en crise d’aujourd’hui semble invalider toutes les politiques classiques de régulation : sans doute faut-il prendre conscience que le versant social des politiques keynésiennes (redistribution relative, services publics, etc.), n’est plus compatible avec le capitalisme en crise du 21ème siècle. De deux choses l’une : ou bien elles demeurent des voeux pieux, ou bien elles conduisent tendanciellement à la remise en cause de la logique capitaliste en tant que telle. D’autre part et surtout, la question majeure est de savoir s’il faut encore tenter de « réguler » le capitalisme, ou bien s’il convient de l’abolir résolument, avant qu’il ne nous détruise. Construire jusqu’au bout cette perspective exige sans doute de passer par la philosophie, mais à la condition d’en sortir.
[1] Cet exergue est un clin d’oeil au goût prononcé pour le latin dont témoigne Imperium, qui constitue l’un des marqueurs traditionnels de la « philosophia perrenis ». Surtout et plus profondément : on rencontre cette maxime de Tacite dans leTraité politique et dans l’Ethique, preuve selon Etienne Balibar (à qui l’on emprunte ici sa traduction) de l’ambivalence profonde de Spinoza concernant la question démocratique (Etienne Balibar, La crainte des masses, Paris, Galilée, 1997, p. 85)
[2] Pour une analyse précise de cette trajectoire, voir Alberto Toscano, « A Structuralism of Feeling ? », New Left Review, n° 97, jan.-fév. 2016.
[3] Frédéric Lordon, Capitalisme, désir et servitude, Paris, La Fabrique, 2010, p. 10.
[4] Ibid., p. 199.
[5] Daniel Bensaid, « Sur le retour de la question stratégico-politique », disponible sur le site Marxismes au 21e siècle.
[6] « Le concept de chien n’aboie pas » est une formule couramment attribuée à Spinoza, alors que ce dernier, loin d’opposer l’abstraction et le réel, s’était efforcé de distinguer le cercle et l’idée du cercle en soulignant que « l’idée du corps n’est pas ce corps même » (Spinoza, Traité de la réforme de l’entendement, trad. C. Appuhn, Garnier-Flammarion, 1964, p. 188).
[7] Spinoza, Traité théologico-politique, trad. C. Appuhn, Paris, Garnier-Flammarion, 1965, p. 266.
[8] Spinoza, Traité politique, trad. C. Appuhn, Paris, Garnier-Flammarion, 1966, p. 42.
[9] Alexandre Matheron, «Le problème de l’évolution de Spinoza du Traité Théologico-Politique au Traité Politique », in :Spinoza, Issues and Directions. The Proceedings of the Chicago Conference, ed. Edwin Munson Curley and Pierre-François Moreau, Leiden / New-York / København / Köln, E. J. Brill, 1990.
[10] Spinoza, Traité politique, éd. cit., p. 38.
[11] Ibid., p. 43.
[12] Etienne Balibar, La crainte des masses, éd. cit., p. 87.
[13] Ellen Meiksins Wood, Liberté et propriété – Une histoire sociale de la pensée politique occidentale de la Renaissance aux Lumières, trad. V. Dassas et C. St-Hilaire, Québec, Lux, 2014, p. 268.
[14] Spinoza, Traité politique, ch. 10, §7, éd. cit., p. 109.
[15] Cf. Pierre-François Moreau, Spinoza, l’expérience et l’éternité, Paris, PUF, 1994, p. 429 et suivantes.
[16] Frédéric Lordon, Imperium, Paris, La Fabrique, 2015, p. 61.
[17] Ibid., p. 20.
[18] Ibid., p. 63.
[19] Frédéric Lordon, Imperium, éd. cit., p. 65.
[20] Ibid.
[21] Ibid., p. 109.
[22] André Tosel, Du matérialisme de Spinoza, Paris, Kimé, 1994, p. 209.
[23] Louis Althusser, « Eléments d’autocritique », in : Solitude de Machiavel, Paris, PUF, 1998, p. 183.
[24] Frank Fischbach, La production des hommes – Marx avec Spinoza, Paris, PUF, 2005.
[25] Frédéric Lordon, Imperium, éd. cit., p. 284.
[26] Ibid., p. 183.
[27] Ibid., p. 122.
[28] Selon Thomas Paine : « la société est le résultat de nos besoins ; le gouvernement celui de notre perversité : la première contribue à notre bonheur positivement en conjuguant nos affection, le second négativement en contenant nos vices» (Common Sense, 1776).
[29] Frédéric Lordon, Imperium, éd. cit., p. 101.
[31] Sur cette question, cf. Stathis Kouvélakis, « La forme politique de l’émancipation », in : Marx politique, (dir. J.-N. Ducange et I. Garo), La Dispute, 2015.
[32] Karl Marx, La guerre civile en France, Paris, Editions sociales, 1953, p. 38.