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Propositions de Fillon: les syndicats émettent un avis de tempête
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Officiellement, les syndicats s’interdisent, indépendance oblige, de soutenir un candidat à l’élection présidentielle. « On ne veut surtout pas apparaître comme les arbitres d’un tel combat, a déclaré Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, mercredi 23 novembre, à propos du match entre François Fillon et Alain Juppé. On le fera quand il y aura un vrai programme de candidat déclaré. »
Mais la perspective d’une victoire de M. Fillon à la primaire de la droite suscite de fortes inquiétudes. La posture va-t-en-guerre de l’ancien premier ministre (2007-2012), qui se dit prêt à « passer par-dessus les syndicats » pour mettre en œuvre sa politique s’il est élu à la présidence de la République, tout comme ses propositions libérales sur les questions sociales, sont autant de chiffons rouges.
Au lendemain du premier tour de la primaire qui a placé M. Fillon en position de favori, Jean-Claude Mailly a sonné la charge. A la tête d’un syndicat qui s’est toujours abstenu de donner des consignes de vote mais qui s’est durement heurté à l’ancien ministre des affaires sociales lors de la réforme des retraites de 2003, le secrétaire général de Force ouvrière (FO) a qualifié le programme du candidat d’« ultralibéral ».
« C’est basé sur quelque chose qui n’a jamais marché, a-t-il souligné, ce que les économistes appellent la stratégie du ruissellement. On donne de l’argent aux riches, comme ça ils pourront investir dans les entreprises et on pourra embaucher les pauvres. »
Crainte d’une « déstructuration des relations sociales »
Mercredi, sur France Inter, M. Mailly a fustigé le « côté libéral et autoritaire » de M. Fillon, en observant que le recours aux ordonnances faisait l’impasse sur le dialogue social. Il a aussi dénoncé la suppression de 500 000 postes de fonctionnaires promise par M. Fillon – « Où va-t-on les trouver. (…) Au-delà des effectifs, comment vont fonctionner les services publics ? » – et le relèvement des seuils sociaux, pointant le risque d’une « déstructuration des relations sociales ». Et il a vu dans la fin de la durée légale hebdomadaire à 35 heures, et la possibilité de « pouvoir travailler jusqu’à 48 heures dans les entreprises », un « vrai recul ». Pour M. Mailly, avec la loi travail, « le gouvernement actuel a ouvert la porte » et M. Fillon comme M. Juppé « la défoncent ».
Si en 2003, la CFDT avait cautionné la réforme des retraites de M. Fillon – ce qui avait provoqué une sérieuse crise interne –, il n’y a aucune chance qu’elle le suive sur le report de l’âge légal de départ à 65 ans. M. Berger n’a pas caché son hostilité à plusieurs propositions de l’ancien premier ministre qu’il s’agisse de la fin du monopole syndical, qui réserve le premier tour des élections professionnelles aux syndicats, de la limitation « stigmatisante » du nombre de mandats de représentant syndical ou de la volonté – partagée avec M. Juppé – de les obliger à exercerleur activité de salarié au moins 50 % du temps : « 90 % des élus syndicaux en entreprise, a rappelé M. Berger, continuent d’exercer leur activité professionnelle. »
Le secrétaire général de la CFDT a jugé « délirantes » les coupes drastiques d’effectifs dans la fonction publique : « Quand ils annonceront moins de remplacements d’enseignants, moins de services publics, d’action sociale, les gens réagiront. » Il a aussi averti qu’au second tour, « le candidat qui serait face à Marine Le Pen n’obtiendrait pas notre blanc-seing sur la façon d’exercer le pouvoir ».
Des choix politiques qui « génèrent la misère sociale »
Pour l’heure, Philippe Martinez, dont la centrale a été la cible d’attaques lors des débats de la primaire, joue la carte de la prudence. Jeudi 24 novembre, devant le club Réalités du dialogue social, qui réunit des syndicalistes et des dirigeants d’entreprises, le secrétaire général de la CGTs’en est pris à la réduction du nombre de fonctionnaires et aux remises en cause du modèle social, jugeant que ces « choix politiques génèrent la misère sociale ».
M. Martinez a estimé que la loi travail a « ouvert la porte à la marginalisation du syndicalisme ». Quant au recours aux ordonnances, « c’est une caricature du dialogue social. C’est une démarche populiste ».
Les syndicalistes s’interrogent aussi sur les influences contradictoires qui s’exercent sur M. Fillon. Le 20 novembre, sur France 2, Agnès Verdier-Molinié, directrice de la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (Ifrap), libérale, a appelé à une « réforme du syndicalisme » afin de l’empêcher de bloquer des réformes.
M. Fillon est aussi soutenu par Gérard Larcher, le ministre du travail qui avait donné son nom à la loi du 31 janvier 2007 qui prévoit avant tout projet de loi sur les relations du travail une « concertation préalable » avec les partenaires sociaux. L’actuel président du Sénat, en contact avec tous les syndicats, a déjà averti qu’il ne fallait pas les « passer par-dessus bord » pour réformer. Dans Le Figaro du 24 novembre, M. Fillon a tenté d’adoucir sa potion : « Les syndicats sont dans la démocratie sociale, a-t-il déclaré, et j’espère qu’ils seront constructifs. » Mais, a-t-il prévenu : « Je ne céderai pas aux intimidations. »