[RSS] Twitter Youtube Page Facebook de la TC Articles traduits en castillan Articles traduits en anglais Articles traduits en allemand Articles traduits en portugais

Newsletter

Ailleurs sur le Web [RSS]

Lire plus...

Twitter

Pourquoi Mélenchon peut être au second tour

Mélenchon

Lien publiée le 12 janvier 2017

Tweeter Facebook

Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.

http://www.lefigaro.fr/vox/politique/2017/01/11/31001-20170111ARTFIG00106-jerome-sainte-marie-pourquoi-melenchon-peut-etre-au-second-tour.php

FIGAROVOX/ENTRETIEN - Dans les sondages, Jean-Luc Mélenchon devancerait le candidat socialiste. Pour Jérôme Sainte-Marie, il doit néanmoins surmonter la démoralisation de nombreux Français qui doutent du pouvoir transformateur de la politique.

Diplômé de Sciences Po Paris et d'une licence d'histoire, Jérôme Sainte-Marie a travaillé au Service d'Information du Gouvernement et à l'Institut Louis Harris. Il a ensuite dirigé BVA Opinion de 1998 à 2008 puis CSA Opinion de 2010 à 2013. Il a fondé en parallèle l'institut iSAMA en 2008. Il dirige actuellement Pollingvox, une société d'études et de conseil spécialisée dans les enjeux d'opinion, fondée en 2013. Il a publié Le nouvel ordre démocratique (éd. du Moment, 2015).


FIGAROVOX. - Dans les sondages pour le premier tour de la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon ferme la marche du quatuor de tête et se place systématiquement devant le candidat socialiste. Que traduit cette dynamique du candidat de la «France insoumise»?

Jérôme SAINTE-MARIE. - Le niveau de la candidature Mélenchon dans les sondages se situe en effet au-delà des 11,1% de 2012, qui était déjà un bon résultat et le signe d'une cristallisation possible à la gauche du PS. Encore devrait-il alors lutter contre le courant qui poussait au «vote utile» anti-sarkozyste, courant qui favorisait Hollande. Il n'a plus cette difficulté et profite en outre d'un bilan social du quinquennat très décevant pour les électeurs de gauche. À cette aune, les chiffres d'intentions de vote actuels ne paraissent pas si élevés, signe sans doute que les catégories populaires ne sont pas encore entrées dans la campagne électorale, phénomène qui attendra février, lorsque l'offre se sera stabilisée. Jean-Luc Mélenchon a un autre adversaire, diffus, inquantifiable mais bien présent, la démoralisation de nombreux Français, qui doutent du pouvoir transformateur de la politique. Combattre ce sentiment est un enjeu essentiel de sa démarche.

Jean-Luc Mélenchon, critique envers les médias, mène une campagne à succès sur les réseaux sociaux, notamment sur YouTube. Peut-il devenir, comme il le souhaite, le Bernie Sanders français, le candidat anti-establishment de la gauche?

On pense en effet au programme The Young Turks diffusé sur internet, très présent dans la campagne de Bernie Sanders lors des primaires démocrates. L'utilisation que fait Jean-Luc Mélenchon de YouTube comporte un premier point commun, celui de contourner les médiasmainstream, pour maîtriser pleinement son expression politique. Deux gains complémentaires sont ainsi réalisés, d'une part la fidélisation d'un large public, mobilisable ensuite dans la campagne, d'autre part une transformation de son image personnelle. Aussi bien Bernie Sanders que Jean-Luc Mélenchon ont renversé le reproche d'archaïsme qui leur était fait par cet investissement dans les nouveaux médias. Cet avantage technique modifie à son tour la représentation courante de leur programme. Notons qu'il est assez ironique de constater qu'au même moment Emmanuel Macron, incarnation médiatique de l'innovation politique, semble découvrir le porte-à-porte et le questionnaire en face-à-face.

Jean-Luc Mélenchon mène une campagne au «déboulé» en organisant des réunions publiques de dernière minute en fonction des événements qui rythment l'actualité. Que cela vous inspire-t-il?

L'expression de «déboulé» vient, je crois, de Martinique, où elle désigne couramment une manifestation. Ce terme inusité en métropole a un côté agit-prop qui ne peut que séduire sa base radicale. De plus, ces meetings inopinés lui redonnent de la visibilité dans un contexte dominé par la primaire socialiste, en situant sa parole sur des enjeux concrets. Dans le même temps, et ces «déboulés» et l'utilisation des réseaux sociaux renforcent l'intérêt des médias classiques pour sa campagne.

Le PS est pris en étau entre la candidature d'Emmanuel Macron et celle de Jean-Luc Mélenchon. Est-ce le signe d'une recomposition à venir de la gauche française avec un pôle antilibéral incarné par l'ancien chef du Front de gauche?

Des forces telluriques sont à l'œuvre, qui déchirent la gauche après avoir séparé le Front national de la droite. La campagne de 2017 rend visibles les contradictions de la gauche sur le libéralisme, l'Europe et la finalité même du combat politique. Cependant, après l'échec du NPA, il est encore plus évident que le succès électoral suppose que l'on propose une identité politique qui ne soit pas que négative. Emmanuel Macron incarne la réconciliation de tous les libéralismes, illustrant politiquement la thèse philosophique de Jean-Claude Michéa sur l'unité fondamentale de cette pensée. Pour Jean-Luc Mélenchon, la doctrine demeure en formation, avec des emprunts originaux autour de l'idée de peuple.

En souhaitant publiquement que Marine Le Pen obtienne des financements des banques et en tenant des propos davantage eurosceptiques voire critiques de l'immigration, Jean-Luc Mélenchon entend toucher les classes populaires, notamment les abstentionnistes. Sur ce créneau, face au FN, a-t-il ses chances?

Il y a une différence majeure entre les deux sur la question migratoire, cependant. On en mesure l'écho dans les enquêtes d'opinion, ce qui explique la très faible superposition des potentiels électoraux de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon. Pour toucher les abstentionnistes intermittents, soit près du tiers des inscrits, qui votent à la présidentielle à peu près exclusivement, Jean-Luc Mélenchon a besoin de s'affranchir du signifiant «gauche». Or celui-ci le sert pour rallier de nombreux socialistes déçus, ce qui est un problème. L'issue de la primaire socialiste jouera un grand rôle pour sa campagne, et donc sur les conditions de sa concurrence avec Marine Le Pen.

En l'état du débat et de l'opinion publics, est-ce présomptueux d'imaginer un second tour avec Jean-Luc Mélenchon?

Dans l'état d'émiettement de l'offre politique, d'affaiblissement des habitudes électorales et, surtout, de crise de la gauche de gouvernement, c'est une hypothèse recevable.