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Retour sur une semaine de violences policières à Aulnay
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
https://paris-luttes.info/retour-sur-une-semaine-de-7502
Récapitulatif pour les personnes qui n’auraient pas suivi les événements qui agitent Aulnay sous bois depuis presque une semaine.
Le jeudi 2 février
Vers 17h, Théo (22 ans) est victime d’une violente interpellation à Aulnay-sous-Bois, dans la cité des 3000. Parti simplement apporter une paire de baskets à une amie, il subit les violences de 4 policiers sous le prétexte d’un contrôle d’identité. Il reçoit des coups et, conscient de la gravité de ce qui est en train de se passer et du fait qu’il sera probablement accusé de mensonges et présumé coupable de l’altercation, il se débat et se déplace pour être sous l’angle de caméras. Son sac est arraché, il est maintenu par 3 policiers tandis que le 4ème essaye de faire fuir les potentiels témoins de la scène. Théo se fait à nouveau frapper, le 4ème policier revient, baisse le pantalon de Théo et le viole avec une matraque télescopique [1]. Théo est menotté, à nouveau frappé, il reçoit des décharges de gaz lacrymogène sur le visage, dans la bouche... Les policiers s’écartent du champs des caméras de vidéo-surveillance et continuent leurs sévices à l’abris des regards. Un témoin persiste à observer la scène et refuse de partir. C’est à ce moment que les policiers embarquent Théo. Dans leur voiture, les policiers donnent des coups de poings dans l’oeil, dans les parties intimes de Théo. Ils lui crachent dessus, lui lancent des insultes racistes ("Négro", "bamboula"), le traitent de "salope", se moquent de sa blessure à l’anus. Arrivé au commissariat, Théo est tellement diminué physiquement qu’il est évacué vers l’hôpital [2], le visage tuméfié et en fauteuil roulant.
Lire aussi : La « bavure » à la matraque, extension phallocrate du bras armé de l’État
À l’hôpital Robert Ballanger d’Aulnay, le médecin constate « une plaie longitudinale du canal anal de 10 centimètres de profondeur » et une « section du muscle sphinctérien » et lui prescrit 60 jours d’interruption totale de travail (ITT). « Des lésions importantes [...] qui correspondent clairement à l’introduction d’un objet. ».
Vendredi 3 février
Les 4 policiers sont placés en garde à vue dans les locaux de l’inspection générale de la police nationale (IGPN), pour viol en réunion. Ces derniers nient l’accusation et tentent une défense du viol "par accident" affirmant que le pantalon aurait "glissé tout seul". Le Défenseur des Droits est saisi par les avocats de la famille de Théo. Le soir-même des émeutes éclatent à Aulnay-sous-Bois. Théo est opéré dans la nuit du 3 au 4 février.
Samedi 4 février
La garde à vue des 4 policiers est prolongée de 24 heures. Deuxième nuit d’émeute à Aulnay-sous-Bois.
Dimanche 5 février
Le parquet de Bobigny demande la mise en examen des quatre policiers en requalifiant les faits de "violence en réunion" et abandonnant provisoirement la qualification de "viol". À l’issu de la présentation des policiers au juge d’instruction, celui qui a assené à Théo le coup à l’anus est néanmoins mis en examen pour "viol par personne ayant autorité et violences volontaires", tandis que les 3 autres sont mis en examen pour "violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique, avec arme et en réunion". Le policier mis en examen pour viol est placé sous contrôle judiciaire par le juge des libertés et de la détention, avec « l’interdiction d’exercer l’activité de fonctionnaire de police et l’interdiction de paraître en Seine-Saint-Denis », les trois autres sont placés sous contrôle judiciaire par le juge d’instruction. Deux d’entre eux ont « l’interdiction d’exercer l’activité de fonctionnaire de police » mais le dernier écope seulement de « l’interdiction de paraître à Aulnay-sous-Bois ». Les quatre fonctionnaires de police sont tout de même suspendus par le ministre de l’intérieur. Un important dispositif policier est déployé à Aulnay-sous-Bois, plusieurs compagnies de CRS sont mobilisées. Nouvelle nuit d’émeute, cinq jeunes sont interpellés.
Lundi 6 février
L’association des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT) publie un communiqué indiquant que si les faits étaient avérés, ils devraient également être qualifiés de "torture" en s’appuyant sur la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. Le dispositif policier est renforcé par des policiers munis d’armes de guerre (dont des fusils de précision) et appuyés par un hélicoptère. Lors d’une nouvelle nuit d’émeutes à Aulnay-sous-Bois, des habitants rapportent au journaliste indépendant Alexis Kraland que des tirs à balle réelle ont été effectués par la police, d’abord en l’air, puis en direction de la foule. Des photos de douilles de balles utilisées par la police et recueillies par les habitants de la cité des 3000 tournent sur les réseaux sociaux. Des tirs de mortier et l’usage de cocktail molotov contre des biens et des policiers sont rapportés par plusieurs journalistes présents sur place. 26 interpellations sont à déplorer.
Lire aussi : La police tire à balle réelle contre les émeutiers d’Aulnay : Rassemblement ce soir à Ménilmontant
Mardi 7 février
La Préfecture de Police de Paris confirme des tirs de sommation à balle réelle (pratique d’intimidation pourtant très rare, seulement une dizaine de cas par ans) et disent qu’il n’y a pas eu de tirs en directions d’individus, une version démentie par les habitants. Une vidéo très relayée sur les réseaux sociaux montre un policier armé d’un fusil d’assaut pointer son arme en direction d’un habitant qui était en train de le filmer : « arrête de filmer… Fais voir ton téléphone ou je t’allume. ». L’extinction de l’éclairage public à plusieurs reprises durant les différentes nuits d’émeutes avait d’abord été imputée par certains médias à un acte de "sabotage" des émeutiers, mais le doute commence à se porter sur un acte volontaire des policiers, peut-être pour empêcher les photos et vidéos des altercations entre habitants et troupes de maintient de l’ordre. Ironie du calendrier, à l’Assemblée Nationale est examiné cet après-midi le projet de loi dit de "sécurité publique" visant à élargir les possibilités d’ouverture du feu pour les policiers, les alignants sur le même régime que les gendarmes...
Cette affaire, dans la lignée du meurtre d’Adama Traoré par des policiers en juillet dernier, est une des affaires de violences policière dans les quartiers populaires les plus médiatisées que l’on ait connu. Après les États-Unis, la France semble découvrir que sa police est violente, raciste et au dessus des lois. Espérons que cela signe la fin de l’impunité policière réclamée depuis longtemps par les habitants des quartiers populaires et par les familles des victimes de violence policières comme le Collectif urgence notre police assassine. À défaut, ce sera le début d’une révolte que l’État français aura à affronter. Comme disait le rappeur Fianso à propos de l’affaire Adama Traoré, "ça mérite un 2ème novembre 2005". Sans justice vous n’aurez pas de paix.
Notes
[1] En France, le viol est défini par le Code pénal (article 222-23) comme "tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise". C’est un crime passible de la cour d’assises. On distingue le viol des autres agressions sexuelles à travers l’existence d’un acte de pénétration qui peut être vaginale, anale ou buccale. Cet acte peut être réalisé aussi bien avec une partie du corps (sexe, doigt, ...) qu’avec un objet.
[2] Témoignage de Théo sur les sévices qu’il a subit :http://tempsreel.nouvelobs.com/en-direct/a-chaud/33259-aulnay-sous-bois-ecoutez-temoignage-raconte-violente.html