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A Bobigny, les manifestants réclament "Justice pour Théo"
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
(Mediapart) Plus de 3 000 personnes se sont rassemblées ce samedi après-midi devant le tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis) pour demander à ce que justice soit rendue après le viol dont a été victime le jeune Théo, à Aulnay-sous-Bois.
Elles sont venues de l’Essonne, de l’autre bout de l’Île-de-France. Et peu importe la distance. Paolete et Christelle manifestent ce samedi 11 février après-midi devant le palais de justice de Bobigny en solidarité avec Théo, ce jeune homme d’Aulnay-sous-Bois grièvement blessé lors d’une interpellation policière, le 2 février dernier. « On ne pouvait pas laisser passer ça », dit l’une. « La police est censée nous protéger, pas nous agresser », dit l’autre. Ces deux lycéennes noires sont révoltées par le racisme « qui se réveille en ce moment en France ». « On revient un siècle en arrière, ajoute Christelle. Comme si Martin Luther King n’avait pas existé. On doit encore lutter pour les droits des Noirs. » La jeune fille tient dans sa main une feuille A4 sur laquelle est inscrit en gros caractères l’article 222-23 du code pénal. « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol. » A l’issue des premières investigations de l’inspection générale de la police nationale, le parquet de Bobigny a précisément abandonné la qualification de viol, estimant que le policier n’avait pas eu l'intention d'en commettre un.
Dans la foule qui scande « Justice pour Théo ! », plusieurs pancartes le disent : « Un viol est un viol ». D’autres pancartes rappellent le souvenir de Zyed et Bouna, ou demandent encore « Justice pour Adama », ce jeune homme décédé en juillet dans un commissariat de Beaumont-sur-Oise dans des circonstances obscures. Le terme « bamboula » employé par le syndicaliste policier Luc Poignant sur le plateau de l’émission « C dans l’air » revient également à plusieurs reprises sur les affichettes improvisées brandies par les manifestants, non sans humour noir… « Hé, Luc, on a un message poignant pour toi, les bamboulas t’emmerdent », peut-on lire sur l’une d’entre elles.
Pancartes dans la manifestation à Bobigny, le 11 février 2017 © Amélie Poinssot
La foule est dense sur l’esplanade qui fait face au tribunal de grande instance. On croise une femme avec de grandes boucles d’oreilles « Black lives matter », des militants de la Ligue des droits de l’Homme, d’autres d’Ensemble, des syndicalistes de Sud… Des maires, aussi, venus exprimer leur solidarité avec Théo et demander que justice soit faite. Patrice Leclerc est de ceux-là. À la tête de Gennevilliers, autre commune de Seine-Saint-Denis, cet élu Front de gauche exprime son indignation : « Aucun contrôle policier ne mérite une telle violence. Ces violences policières me font peur, pour l’avenir des jeunes de ma ville comme des autres du département. » Est-ce que l’usage du terme « bamboula » met de l’huile sur le feu ? « On n’est déjà plus là. L’usage de ce mot montre combien le racisme et la haine des jeunes sont banalisés. Le problème, c’est que les policiers rencontrent un monde qu’ils connaissent mal. Ça les rend violents. L’enjeu aujourd'hui, c’est de repenser le rôle de la police, renouer avec une police de proximité qui connaisse les jeunes, qui les respecte et se fasse respecter par eux. Nous n’avons pas une police de prévention ; nous avons une police de contrôle et d’intervention. »
Les acteurs de terrain sont aussi nombreux dans la foule. Parmi eux, Youssef Sayah, 51 ans, membre du collectif d’habitants de Mitry-Croix Nobillon, un quartier d’Aulnay-sous-Bois. « Il faut arrêter la justice à deux vitesses. Et il faut une vraie politique de rénovation urbaine pour cette banlieue avec un intérêt pour les jeunes, pour l’école », dit cet homme qui a endossé un T-shirt où il est écrit : « Je ne suis pas musulman, juif, chrétien, athée, bouddhiste. Je suis simplement français. » « Il y a plein d’habitants qui œuvrent dans le bon sens, ajoute-t-il. Avec notre collectif, nous avons par exemple créé un potager collectif, et nous avons fait revenir le marché après 34 ans d’absence. »
Manifestation devant le tribunal de Bobigny, le 11 février 2017 © AP
Sur une bouche d’aération transformée en tribune pour l’occasion, plusieurs personnes prennent le micro. Il y a le rappeur Sofiane, peu habitué à ce genre d’intervention. « La France nous regarde, lance-t-il. On reste calme. Il faut protéger les petits frères pour pas qu’il y ait de bavure... »Vient le tour de Jalis, un militant des Jeunesses communistes. « L’affaire Théo est une affaire qui nous interpelle. Elle est présentée comme si c’était une bavure exceptionnelle… Mais les contrôles au faciès qui dérapent la plupart du temps, c’est du quotidien ! Le racisme dans la police aujourd’hui est structurel. » Un anonyme vient témoigner des violences subies dans les commissariats : « Très souvent on nous touche les testicules, on nous met le doigt dans l’anus. C’est du viol ! Il faut le dénoncer à chaque fois. » Sous les cris de la foule, un autre homme lance : « La police est le bras armé d’un État qui nous méprise. On ne va pas croire au mythe du pays des droits de l’homme ! »
Au bout d’une heure, de menus affrontement éclatent en marge du rassemblement, entre un petit groupe d’une vingtaine de personnes et les forces de police. Une jeune femme soupire : « Ça m’énerve, on va encore dire que les jeunes issus de l’immigration ont provoqué la police. Ça se passait pourtant si bien… » L’offensive est largement sifflée par la foule pacifique qui tente de rester le plus longtemps possible dans le calme sur l’esplanade. « Flic, violeur, assassin ! » reprend-elle en chœur.