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Soirée Période avec Stefan Kipfer, Frédéric Lordon, Claude Serfati
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Emission à regarder ici : http://www.hors-serie.net/Speciale/2017-07-22/Soiree-Periode-episode-1-id246
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« Intervenir politiquement dans la théorie, intervenir théoriquement dans la politique ». C’est la punchline qui accompagne la revue en ligne Période. Créée au début de l’année 2014, la revue fêtait le 3 juin 2017 ses trois ans d’existence et le lancement du premier livre de sa collection aux éditions Amsterdam, Pour un féminisme de la totalité.
Pendant ces trois années, la revue a tenté, de son propre aveu, de « redécouvrir et se réapproprier » les marxismes en France, d’un point de vue critique et ouvert. La revue a notamment mis au cœur de ses chantiers la publication des courants, auteurs et autrices non francophones, la (re)découverte de thématiques parfois sous-traitées dans le marxisme français (féminisme, antiracisme, études culturelles, écologie politique, questions esthétiques, opéraïsme, théories de la forme-valeur) et a enfin entrepris de revisiter des questions plus classiques liées à l’histoire du mouvement ouvrier ou à l’économie politique.
C’est avec cette ambition que, pour cette journée anniversaire, Période a réuni pas moins de 11 intervenants et intervenantes, pour réaliser des entretiens publics : l’enjeu était de se ressaisir de questions qui marquent la conjoncture au prisme de la théorie. Ainsi, on a pu entendre le philosophe Étienne Balibar nous raconter ses folles années althussériennes, pendant lesquelles une solide équipe théoricienne jouait aux équilibristes entre un parti communiste désorienté par sa déstalinisation et l’effervescence gauchiste du maoïsme français. Il a rappelé comment l’époque les a amenés à réinterroger la forme-parti, l’articulation entre partis et mouvements, ainsi que leur rapport tortueux aux enseignements d’Antonio Gramsci. Par la suite, Jean-Marc Rouillan a été interrogé sur la composition de classe du prolétariat contemporain ; il est revenu sur un concept forgé tout au long de sa militance, celui du prolétaire transnational, véritable adversaire d’un capital devenu mondialisé. Stefan Kipfer, géographe critique, a détaillé les mécanismes de domination raciale perpétués par la planification et la rénovation urbaines. Claude Serfati, économiste marxiste, a mis en lumière la place stratégique des industries militaires et sécuritaires en France, pour éclairer le fonctionnement concret de l’impérialisme français, sa place dans le concert des nations européennes et dans les rivalités de puissances à l’échelle régionale. Frédéric Lordon, qu’on ne présente plus, a été interrogé sur la continuité de son parcours : comment passe-t-on de la modélisation hétérodoxe des cycles économiques à Nuit Debout ? Quel est le chemin de Kaldor et Goodwin à Spinoza ? Olivier Neveux, professeur d’histoire et d’esthétique du théâtre à l’ENS Lyon, a par la suite mis en défaut les schémas canoniques du cinéma et du théâtre de gauche ; plutôt qu’un art qui dévoile les structures de la domination, il a insisté sur l’importance de reconstituer un imaginaire émancipé, une attention renouvelée aux possibilités de transformation – autant de capacités esthétiques mises à mal par la déferlante néolibérale, dans les arts et spectacles comme dans la vie de tous les jours.
Toutes ces réjouissances ont pu donner à voir un large spectre de la réflexion marxiste aujourd’hui ; davantage comme un vaste chantier en construction que comme un nouveau catéchisme ; une élaboration qui entend bien maintenir ouverte et vivante l’hypothèse du communisme.
Félix Boggio-Ewanjé-Epée