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Brésil. Temer parle fin à la crise, mais la réalité est différente
Ces articles de la rubrique « Ailleurs sur le web » sont publiés à titre d'information et n'engagent pas la Tendance CLAIRE.
Editorial d’Esquerda online
Le président Michel Temer insiste sur le fait que le Brésil se trouve dans une phase de reprise économique et que la crise est près de prendre fin. Il affirme cela pour prouver que, en dépit du fait qu’il est un piètre président, il est préférable qu’il conserve son mandat [acquis le 31 août 2016 suite à la destitution de Dilma Rousseff] afin de «ne pas créer de l’instabilité». Cela peut être facilement réfuté par la simple réalité socio-économique et politique.
Temer opère une propagande fondée sur les données du Cadastro Geral de Emprego e Desemprego (Cadeg) – statistiques de l’emploi et du chômage. En effet, pour le troisième mois consécutif, les données indiquent qu’y a eu création de nouveaux postes de travail. Ce qui constituerait un espoir pour ceux qui sont plongés dans le chômage, le sous-emploi contraint et «marginalisé».
Mais allons aux faits. Entre janvier et juin 2017, 67’358 emplois ont été créés, un nombre ridicule comparé aux 13,8 millions de chômeurs, selon les chiffres officiels. Cette «création d’emplois» ne résout pas 1% du problème. En juin 2017 ont été créés quelque 9000 emplois, ce qui est manifestement insuffisant pour résoudre le problème du chômage, même dans une petite ville brésilienne.
En outre, le secteur qui crée des emplois est en particulier celui de l’agro-industrie. 2016-2017 ont été des années de bonnes récoltes dans le secteur du sucre, du soja (pas des oranges et du jus), ainsi que de produits carnés [malgré le scandale momentané de la viande avariée], ce qui a soutenu le PIB. Mais après la période de récolte, le secteur cessera de créer des emplois. La construction [infrastructures et habitations], l’industrie [elle reste en avril 2017 inférieure de 4,5% par rapport au même mois de l’année précédente, malgré une très légère reprise] et le secteur des services continuent de stagner.
Temer se vante également d’avoir «vaincu l’inflation». Les prévisions pour cette année indiquent qu’elle sera inférieure à 4%, l’un des niveaux les plus bas de l’histoire [l’IPC – indice des prix à la consommation – a passé, sur base annuelle, de 5,35% de janvier 2016 à 2017 à 3% de juin 2016 à juin 2017]. Mais ce n’est pas dû au mérite du président. Quiconque a suivi des cours d’économie a appris qu’un taux d’inflation très bas est le signal d’une situation économique récessive. Comme «personne n’achète», les commerçants baissent les prix afin d’opérer un déstockage. Il n’y a donc rien, ici, à célébrer.
Si la situation n’est pas brillante dans l’économie, celle régnant dans la politique est loin de pouvoir être qualifiée de «stable», comme le proclame et le diffuse Temer. Le gouvernement a obtenu néanmoins deux victoires. Au Sénat, il a fait passer la contre-réforme portant sur le Code du travail, et dans la Commission de la Constitution et de la Justice – dépendant de la chambre des députés – a été adopté un rapport favorable à la mise en question de la corruption, rapport présenté par Rodrigo Janot [procureur général de la République fédérale, nommé en 2013 par Dilma Rousseff]. En passant, il faut mentionner que ce rapport a été adopté suite à des milliers d’amendements et à l’achat de vote de nombreux députés. Cela ne signifie pas la fin de l’instabilité et de la crise du gouvernement ouverte le 17 mai suite à la divulgation sur le principal réseau de radio-télévision des échanges entre le patron du principal groupe de produits carnés JBS Friboi, Wesley Batista, et Michel Temer.
Maintenant, en ce début d’août, la Chambre des députés, pour la première fois dans l’histoire, devra voter si le président est mis en accusation pour crime de corruption. Pour cela, 342 votes de parlementaires devront être réunis afin que Temer soit destitué de la présidence et fasse l’objet d’une procédure pénale. Dans ce cas, Rodrigo Maia [membre du Parti Les Démocrates – droite marquée –, élu président de la Chambre des députés, par 285 voix sur 460, en juillet 2016, suite à la démission sous accusation de corruption d’Eduardo Cunha et au bref intérim de Waldir Maranhao] devrait assumer automatiquement le poste présidentiel [pour éviter des élections directes immédiates et repousser l’échéance à 2018, face à un Lula mis en accusation pour corruption et qui dispose d’un large avantage dans tous les sondages].
Temer adopte une stratégie de gestion de divers alliés constituant sa base. Ces derniers soutiennent son gouvernement parce qu’il sert d’arme d’autodéfense. Plus de 20 députés mécontents du processus enclenché par la commission de la Constitution et de la Justice de la Chambre des députés et qui ont présenté des milliers d’amendements ont été substitués [les partis peuvent dans une certaine mesure la composition parlementaire]. Ainsi, les tensions entre Michel Temer et Rodrigo Maia font tous les jours la une de la presse.
Le PSDB [Parti de la social-démocratie brésilienne] est divisé. Une aile du parti prône ouvertement l’adoption des contre-réformes et conjointement le retrait du gouvernement Temer. Ce qui unit les hommes politiques qui ont soutenu alors le coup d’Etat [destitution de Dilma Rousseff] réside dans la défense de leur mandat et d’éviter la prison face à l’autre aile de la bourgeoisie, qui a fourni les fonds nécessaires aux opérations corruptrices, résumées par la formule «Lava Jato» (Lavage express) et qui contrôle les moyens de communication tels que la Rede Globo [le réseau de journaux, TV et télécommunications].
Il est clair que ce gouvernement ne va pas tomber comme une pomme pourrie. Sans les gens dans la rue, Temer peut rester au pouvoir ou être remplacé par quelqu’un qui mise sur les mêmes contre-réformes, alors que les faits montrent que le verbiage du président sur «la fin de la crise» relève de l’absurdité.
En ce moment, l’élément central réside dans le ressac des mobilisations des travailleurs et travailleuses. Une trahison concrète de la part des appareils syndicaux du pays est palpable par rapport à la lutte contre la contre-réforme du travail [après la mobilisation du 28 avril, l’approbation des éléments clés de la contre-réforme, le 12 juillet, n’a pas donné lieu à une mobilisation d’ampleur]. Nous payons cher le retard de l’appel à une grève générale après la manifestation nationale le 24 mai à Brasilia, capitale fédérale. Il faut retrouver le chemin de l’unité dans la défense des droits de la classe ouvrière et pour la destitution de Temer [«Fora Temer»]. Tel est le chemin qui peut garantir la mobilisation des masses laborieuses. L’agenda politique des ailes bourgeoises qui sont «en marche», indépendamment du maintien, ou non, de Temer au pouvoir, se focalise sur l’avance de la contre-réforme de la sécurité sociale qui doit se concrétiser au second semestre 2017.
Se tiendra le 2 août la session de la Chambre des députés pour analyser et auditionner les membres de la commission de la Constitution et de la Justice, portant sur leur rapport exigeant une information judiciaire visant le président Michel Temer. Il est nécessaire que les centrales syndicales appellent à une nouvelle journée nationale de lutte à cette date. Il est temps de relancer le cycle des luttes et de la résistance de la classe ouvrière. (Article publié sur le site esquerdaonline, le 19 juillet 2017, site animé par le MAIS, Movimento por uma Alternativa Independente e Socialista. Traduction A l’Encontre)